La cour d’appel d’Angers réclame plus de magistrats et de greffiers


mardi 9 février 20218 min
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À l’occasion de l’audience de rentrée de la cour d’appel d’Angers, le 14 janvier, le Premier président Éric Maréchal, et le procureur général Jacques Carrère ont rapporté l’existence de stocks d’affaires importants, et dénoncé le sous-effectif des acteurs du ressort pour y faire face. Les chefs de cour leur ont adressé toute leur reconnaissance pour leur mobilisation, au terme d’une année aux multiples défis.

 


Si les audiences de rentrée sont généralement l’occasion, pour les tribunaux, de présenter un bilan de leur activité, cette année, force est de constater que la crise sanitaire, agissant comme un révélateur, a amené les chefs de juridiction à prendre, plus que jamais, la pleine mesure du travail collectif des acteurs du ressort. Éric Maréchal n’y a pas fait exception. Le Premier président de la cour d’appel d’Angers a salué, le 14 janvier dernier, la « capacité de résilience des gens de justice qui portent les juridictions », soulignant leur « engagement » tout au long de cette année « particulière », et leur a adressé toute son « admiration », sa « reconnaissance » et son « estime » pour leur mobilisation sans faille. « Les missions essentielles et la continuité du service public ont été assurées grâce à l’investissement déterminant de tous et, en particulier, celui des membres du greffe », a-t-il déclaré. À ce titre, Éric Maréchal a montré toute sa fierté quant à la nomination au grade de chevalier de l’Ordre national du Mérite accordée à deux greffières « qui ont tenu à bout de bras les services essentiels de la Cour, avec le concours de la direction de greffe. »

L’ininterruption du service public de la Justice n’a toutefois pas évité « de virulentes attaques », a regretté, de son côté, le procureur général Jacques Carrère : « Juges déserteurs, a-t-on pu lire ! » Loin de déserter, a-t-il protesté, les magistrats, les greffiers, les fonctionnaires « ont tenu leurs positions et défendu le service public dont ils ont la charge ». « Certes il a fallu, face à une situation inédite et mouvante, s’adapter, avec parfois, c’est vrai, des hésitations. Mais cela a été le lot de tous les décideurs publics, et même de beaucoup de scientifiques » a nuancé Jacques Carrère. Le procureur général n’a pas hésité à citer Pierre Mendès France, « gouverner c’est choisir, si difficiles que soient les choix », pour effectuer une mise au point : oui, la justice a dû définir des priorités. Mais si le contexte a conduit les parquets à délaisser certains modes de poursuite, particulièrement les Convocations par Officier de Police Judiciaire (COPJ, convocations directes à une audience au tribunal), « c’était pour mieux traiter les infractions les plus graves en privilégiant les déferrements aux fins de comparution immédiate ».

Jacques Carrère a par ailleurs indiqué qu’en dépit des bouleversements apportés par la crise sanitaire, des bénéfices en étaient également ressortis : « Chaque nuage est ourlé d’argent, et toute crise, en tant que situation de rupture, présente parfois l’avantage de permettre d’identifier des faiblesses et de tenter de les pallier. » Sur ce point, Éric Maréchal a indiqué que des « failles de [la] maison de justice » avaient été particulièrement ressenties dans les contentieux civils. Ainsi, la cour d’appel d’Angers n’a eu que « tardivement » accès à un nombre suffisant d’ordinateurs pour permettre le travail à distance des greffiers, et les logiciels civils n’ont été accessibles à distance qu’à compter du mois de décembre. « Les magistrats des tribunaux et de la Cour pouvaient rédiger des arrêts; mais les greffiers confinés à distance ne pouvaient ni les relire ni les mettre en forme pour les envoyer aux parties », a pointé le chef de juridiction.

Bien que « des efforts indispensables restent à accomplir » en la matière, a remarqué Jacques Carrère, les périodes de confinement ont cependant permis « l’accélération de la transformation du parc informatique » de la cour d’appel d’Angers, et le développement de l’équipement en visioconférence, s’est-il réjoui.



Bilan d'une activité "affectée" : du stock, beaucoup de stock


En termes de chiffres, l’activité de la cour d’appel d’Angers a, comme bien d’autres juridictions, « été affectée et obérée », a observé le procureur général.

Le bilan de l’activité pénale en 2020 montre néanmoins, en ce qui concerne la chambre de l’application des peines, que le nombre de décisions rendues « est demeuré très haut », avec un accroissement du nombre d’entrées de près de 6 % en 2020, l’activité ayant été maintenue pendant le confinement.

La situation de la chambre de l’instruction « est également saine », a commenté Jacques Carrère, malgré une augmentation significative de son stock, actuellement, du fait de l’accroissement du contentieux des saisies pénales.

Le procureur général a cependant noté des « sources de préoccupation ». Tout d’abord, la chambre des appels correctionnels a vu son activité affectée par le premier confinement, seuls les dossiers urgents avec détention ayant été jugés : 10 audiences n’ont, ainsi, pas pu être tenues. « Certes, l’année passée a permis d’enregistrer une diminution du stock des affaires de 3,85 %. Mais cette amélioration ne doit pas dissimuler que ce stock reste à un niveau élevé (799 dossiers au 1er janvier dernier) et que les délais d’audiencement des dossiers devant la chambre s’élèvent à 11 mois, ce qui est insatisfaisant », a déploré Jacques Carrère. « La faiblesse structurelle du greffe de la juridiction, alliée à l’impact de la crise sanitaire ne permet pas, en l’état, d’envisager la création d’audiences qui pourtant seraient nécessaires pour diminuer les stocks. » Pour y pallier, la création d’un poste de greffier fonctionnel, chef du service pénal, a été réclamée auprès de la Chancellerie.

Un poste devenu indispensable mais loin de suffire, selon le procureur général. Ce dernier a en effet relevé que les effectifs de greffes, « essentiels au fonctionnement » des juridictions, souffraient sur le ressort d’Angers (qui couvre trois départements : Maine-et-Loire, Mayenne et Sarthe) d’un « déficit alarmant ». En effet, seuls 354 postes de greffiers et fonctionnaires sur 387 sont pourvus. « Et s’agissant plus particulièrement de la Cour, quatre départs à la retraite en 2021 laissent craindre des jours plus difficiles encore », a-t-il alerté.

La situation des magistrats n’est guère plus brillante. Jacques Carrère a rapporté le départ d’un substitut général non remplacé, et celui d’un avocat général qui ne serait remplacé « que le 15 février ». Il a également souligné la spécificité de la structure de la justice dans le Maine et Loire, qui fait coexister deux juridictions, celles d’Angers et de Saumur, « les faibles effectifs de celle-ci pouvant soulever d’importantes difficultés ».

Le procureur général a donc insisté sur la nécessité de faire évoluer l’effectif du parquet d’Angers. Un parquet « sous tension », « dans un ressort marqué par une augmentation significative de la population ».

Ce manque d’effectif se ressent sur l’activité des trois cours d’assises du ressort, lequel accuse une augmentation de 81,8 % du stock des affaires à juger (22 affaires fin 2019 contre 40 au 1er janvier 2021). Principaux risques à la clef : l’allongement des délais de jugement, la difficulté de respecter le délai d’un an pour juger les dossiers dans lesquels un accusé est détenu, mais aussi la difficulté d’audiencer les dossiers dans lesquels l’accusé est libre ou sous contrôle judiciaire. Pour autant, le procureur général a assuré que « des efforts considérables » avaient été entrepris, notamment via l’organisation d’une session supplémentaire dans la Sarthe, et l’allongement de la durée de certaines des sessions à l’automne 2020. En outre, 120 jours de session d’assises sont déjà planifiés pour 2021, « soit une augmentation de 20 % par rapport à la planification initiale ».

Autre motif d’optimisme : l’arrivée de trois nouveaux magistrats rejoignant la cour d’appel d’Angers. Éric Maréchal a d’ailleurs profité de cette audience de rentrée pour présenter Kim-Lan Reuflet, conseillère à la cour d’appel d’Angers, Alexandra Verron, substitute du procureur général près la cour d’appel d’Angers pour exercer les fonctions de procureure de la République près le tribunal judiciaire de Saumur, et Loïs Raschel, substitut général chargé du secrétariat général.

Le Premier président a également livré un bilan de l’activité civile. Éric Maréchal a rapporté que le nombre d’appels des décisions des juridictions de première instance dont la Cour avait été saisie avait diminué d’environ 25 %. «

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