La langue française au travail : du français partout ?


mercredi 17 juin 20205 min
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L’usage de la langue française est obligatoire dans les relations du travail. Cela concerne tant les documents papier que les logiciels informatiques et les documents dématérialisés.


Les machines industrielles fabriquées à l’étranger doivent être accompagnées de manuels en français.



Les principes énoncés dans le Code du travail


Concernant le règlement intérieur des entreprises, l’article L. 1321-6 du Code du travail énonce : « Le règlement intérieur est rédigé en français. Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères. Il en va de même pour tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail. Ces dispositions ne sont pas applicables aux documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers. »


Le respect de ce principe est soumis au contrôle de l’inspecteur du travail. Ce dernier, devenu contrôleur linguistique, peut à tout moment exiger le retrait ou la modification d’un texte qui ne serait pas en français, d’autant que le non-respect est une infraction (contravention).


Concernant le contrat de travail, l’article L. 1221-3 du Code du travail énonce :


« Le contrat de travail établi par écrit est rédigé en français. Lorsque l’emploi qui fait l’objet du contrat ne peut être désigné que par un terme étranger sans correspondant en français, le contrat de travail comporte une explication en français du terme étranger. Lorsque le salarié est étranger et le contrat constaté par écrit, une traduction du contrat est rédigée, à la demande du salarié, dans la langue de ce dernier. Les deux textes font également foi en justice. En cas de discordance entre les deux textes, seul le texte rédigé dans la langue du salarié étranger peut être invoqué contre ce dernier.


L’employeur ne peut se prévaloir à l’encontre du salarié auquel elles feraient grief des clauses d’un contrat de travail conclu en méconnaissance du présent article. »


Concernant les accords d’entreprise, l’article L. 2231-4 du Code du travail énonce :


« Les conventions et accords ainsi que les conventions d’entreprise ou d’établissement sont rédigés en français. Toute clause rédigée en langue étrangère est inopposable au salarié à qui elle ferait grief. »


Concernant les offres d’emploi, l’article L. 5331-4 du Code du travail énonce : « Il est interdit de faire publier dans un journal, revue ou écrit périodique ou de diffuser par tout autre moyen de communication accessible au public une insertion d’offres d’emploi ou d’offres de travaux à domicile comportant un texte rédigé en langue étrangère.


Lorsque l’emploi ou le travail offert ne peut être désigné que par un terme étranger sans correspondant en français, le texte français en comporte une description suffisamment détaillée pour ne pas induire en erreur au sens de l’article L. 5331-3.


Ces prescriptions s’appliquent aux services à exécuter sur le territoire français, quelle que soit la nationalité de l’auteur de l’offre ou de l’employeur, et aux services à exécuter hors du territoire français lorsque l’auteur de l’offre ou l’employeur est français, alors même que la parfaite connaissance d’une langue étrangère serait une des conditions requises pour tenir l’emploi proposé.


Toutefois, les directeurs de publications et les personnes responsables de moyens de communication utilisant, en tout ou partie, une langue étrangère peuvent, en France, recevoir des offres d’emploi rédigées dans cette langue. »


Concernant le cas particulier des médecins étrangers autorisés à exercer en France, ils doivent, en application de l’article L. 4111-2 du Code de la santé publique, « justifier d’un niveau suffisant de maîtrise de la langue française ».


 


La jurisprudence


La Chambre sociale de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer à plusieurs reprises sur la nécessaire rédaction en français des documents liés au contrat de travail.


Parmi les décisions, on peut citer l’arrêt du 2 avril 2014 (pourvoi 12-30191) : « Vu l’article L. 1321-6 du Code du travail ;  Attendu qu’il résulte de ce texte que tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doit être rédigé en français ;


Attendu, selon l’arrêt attaqué, que monsieur X... a signé avec son employeur, la société IBM, un avenant à son contrat de travail fixant, pour l’année 2008, un salaire annuel théorique de référence et un salaire variable selon des objectifs contractuellement fixés ; que le 23 décembre 2008, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail, au motif que la part variable de sa rémunération avait été supprimée après son refus de signer une lettre d’objectifs pour le second semestre 2008 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale ;


Attendu que, pour décider que la prise d’acte de rupture s’analyse en une démission, l’arrêt énonce notamment que les arguments tirés de ce que la lettre d’objectifs seraient inopposables car rédigés en anglais ne sauraient être retenus, monsieur X... ayant accepté la lettre d’objectifs précédente rédigée dans la même langue et les documents de travail produits au dossier démontrant que le salarié travaillait dans les deux langues ;


Qu’en statuant ainsi, alors que les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle étaient rédigés en anglais, en sorte que le salarié pouvait se prévaloir devant elle de leur inopposabilité, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 23 août 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles… »


Un arrêt du 3 mai 2018 (pourvoi 16-13736) est tout aussi explicite : « Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre de la rémunération variable pour l’année 2012, l’arrêt retient que la communication de documents de travail en anglais n’est pas illicite compte tenu du caractère international de l’activité de l’entreprise ;


Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ne résultait pas de ses constatations que le salarié avait eu accès, sous quelque forme que ce soit, à un document rédigé en français fixant les objectifs permettant la détermination de la rémunération variable, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »




Étienne Madranges

Avocat au barreau de Versailles








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