Le Père Noël est-il au-dessus des lois ?


jeudi 24 décembre 20205 min
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Á l’approche des fêtes de fin d’année, les juristes ne peuvent s’empêcher de s’interroger quant à l’encadrement juridique du travail du Père Noël et de ses lutins. Déformation professionnelle sans doute, le professeur émérite de l’Université Toulouse 1 Capitole, Deen Gibirila, a accepté de répondre à nos questions, pour le plus grand plaisir des curieux qui se demandent encore si Noël et Droit sont compatibles. Nous republions avec plaisir cette interview, publiée dans notre édition du 21/12/2019.


 


Pouvez-vous nous éclairer sur le statut du Père Noël ? Est-ce une profession réglementée ?


Il convient dattribuer au Père Noël un statut identique à celui d’ambassadeur permanent et itinérant de l’UNICEF (United Nations International Children’s Emergency Fund, ou Fonds des Nations Unies pour l’Enfance, en français). Son action bénévole lui permet de veiller au respect du « droit aux jouets » à Noël pour tous les enfants du monde, sans distinction d’origine, de condition sociale, de sexe ou d’âge. Bien loin d’être une « ordure », le Père Noël est un bienfaiteur de l’enfance, voire de l’humanité ; encore faut-il que tout le monde, notamment les décideurs de ce monde, lui en donnent les moyens, de sorte que les 24 et 25 décembre, tous les enfants du monde puissent trouver un jouet dans leurs chaussures placées au pied du sapin.


À n’en point douter, il s’agit d’une profession réglementée, parce que placée sous l’égide de l’UNICEF, qui est un organisme international.


Le Père Noël bénéficie du concours de nombreux lutins qui constituent des travailleurs bénévoles et reçoit de nombreux dons destinés à financer l’achat des jou ets distribués aux enfants.


De temps à autres, le Père Noël est remplacé par la Mère Noël. Reste à savoir si celle-ci est tenue de revêtir un des statuts dévolus au conjoint du chef d’entreprise : conjoint associé, collaborateur ou salarié.


 


 


« Les données personnelles des enfants récupérées par le Père Noël sont nécessairement soumises au RGPD qui offre un cadre protecteur ».


 


 


À l’heure où l’égalité femmes-hommes est au cœur des débats, pourquoi les emplois de lutins tardent-ils encore tant à s’ouvrir aux femmes ? Le « Name and Shame » pourrait-il changer les choses ?


De toute évidence, le retard d’ouverture aux femmes des emplois de lutins est absolument inadmissible. Il est le reflet de la discrimination salariale entre les femmes et les hommes qui perturbent encore le monde du travail. En dépit des appels incessants des politiques et des associations pour mettre fin à cette situation intolérable, gageons tout de même que cette situation ne restera pas figée et évoluera positivement très rapidement. Le « Name and Shame », traduction française de « nommer et couvrir de honte », autrement dit « montrer du doigt », doit être proscrit, pour ne pas succomber aux méfaits du « procès médiatique ». Dès lors, plutôt que de faire savoir ce qu’une personne, un groupe ou une entreprise a fait de mal par l’injonction, il vaut mieux faire évoluer les mentalités en éduquant les esprits, notamment en soulignant les bienfais de l’égalité « femmes – hommes », source de cohésion et de paix sociale.


 


Le Père Noël sait si les enfants ont été sages durant l’année, et connaît la nature des cadeaux qu’ils espèrent recevoir. Les données personnelles des enfants récupérées par le Père Noël sont-elles soumises au RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) ?


Les données personnelles des enfants récupérées par le Père Noël sont nécessairement soumises au RGPD qui offre un cadre protecteur. Cette mesure est destinée à répertorier tous les enfants du monde, sans distinguer ceux qui ont été sages et ceux qui ne l’ont pas été. Par l’attribution de jouets à tous, il s’agit de récompenser les premiers et d’encourager les seconds à devenir sages.


En dehors du Père Noël, personne ne saurait avoir accès à ces données qui restent confidentielles. Les lettres innombrables qui sont adressées à ce dernier chaque année par les enfants, ne sont conservées que le temps nécessaire pour y répondre et sont détruites ensuite.


 


Où se règlent les différends entre les lutins et leur employeur ? Recommandez-vous le recours aux modes alternatifs de règlement des différends (MARD) ?


Je recommande fortement le recours obligatoire aux MARD. Ainsi, toute saisine judiciaire devra obligatoirement être précédée d’une tentative de règlement amiable du différend impliquant les trois modes suivants : négociation, conciliation et médiation.


Ce n’est donc qu’en cas d’échec de ce règlement amiable que pourrait se réunir une juridiction qui statuerait selon une procédure, là encore pacifique, excluant toute invective. Il s’agirait simplement de régler les questions liées aux commandes non honorées ou non conformes, aux retards de livraisons, aux colis égarés ou détériorés… Sont exclues les questions tenant à la nature des commandes (tels que les jeux vidéos considérés comme dangereux en raison de leur caractère belliqueux), qui ne relèvent pas de la responsabilité du Père Noël. Les types de jouets commandés relèvent du libre choix des enfants, éventuellement conseillés par leurs parents.


Les litiges doivent être réglés rapidement, afin d’éviter la déperdition des preuves, et, en tout cas, avant la fonte des neiges, qui empêcherait les déplacements en traîneau du Père Noël, qui serait obligé de recourir à d’autres moyens de déplacement inappropriés (utilisation prohibée de l’espace aérien…) susceptibles de polluer l’environnement. Par ailleurs, bien que pour l’instant, les rennes ne figurent pas parmi les espèces en danger de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), ils pourraient l’être assez rapidement. Vivant au-delà du cercle arctique, ils sont particulièrement dépendants de la qualité de leur habitat soumis aujourd’hui à un réchauffement climatique trop rapide pour eux.


 


Justement, comment le traitement des rennes du Père Noël est-il encadré par le droit ?


Á l’instar de tous les animaux, domestiques et sauvages, les rennes du Père Noël doivent être protégés. Sans être des « personnes » au sens juridique du terme, ils ne sont plus considérés par le droit comme des objets, mais comme des « êtres vivants » doués de sensibilité, donc réceptifs à la douleur, dignes de respect et de protection.


À cet égard, on pourrait concevoir un contrat « symbolique » dit contrat « domestique » passé entre leur propriétaire et eux. Ce contrat serait une sorte de « contrat de travail » ou d’« échange de services » conclu entre l’éleveur ou le propriétaire et les rennes. L’éleveur ou le propriétaire prodigue des soins aux rennes qui, en contrepartie, louent leur capacité de travail. La difficulté réside dans l’accord et l’échange de consentements entre les parties, le consentement des rennes étant purement hypothétique.




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