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Lors
d’un atelier organisé par le CNB au début de l’été, trois avocates ont dispensé
une série de conseils à leurs confrères et consœurs afin de leur permettre
d’identifier les attentes de leurs futurs clients et ainsi se démarquer sur un
marché concurrentiel, en misant notamment sur la formation à l’entrepreneuriat
et sur le marketing.
« Trois
à quatre jeunes avocats sur dix ayant prêté serment quittent la profession dans
les cinq premières années d’exercice, ne s’y reconnaissant pas, ou bien n’arrivant
pas à en vivre faute de développer une clientèle. » Tel est l’amer
constat que dresse Manuel Furet, avocat au barreau de Toulouse et modérateur de
l’atelier « Attirer de nouveaux clients : les nouveaux modes
d’acquisition clients », organisé le 29 juin dernier par le Conseil
national des barreaux (CNB), dans le cadre de ses Matinales de la prospective.
Car si dans d’autres secteurs, à l’instar
du domaine commercial par exemple, les étudiants de ces filières ont pu bénéficier
de formations entrepreneuriales intégrées dans leur cursus, et notamment sur
les questions d’acquisition de clients leur permettant d’être davantage initiés
aux compétences entrepreneuriales, ce genre de formation ne « s’inscrit
pas dans le cursus des avocats », regrette l’avocate et intervenante Clarisse
Berrebi.
Une lacune d’autant plus préjudiciable à
l’heure où les justiciables ont encore du mal à pousser la porte d’un cabinet
d’avocat : en effet, 80 % des particuliers conscients que l’avocat
est le professionnel le mieux placé pour les aider à résoudre un litige avouent
pourtant qu’ils n’auraient pas recours à ses services, « par crainte ou
en raison d’un déficit d’image », ajoute Manuel Furet.
Pour y remédier, Clarisse Berrebi prône
les vertus de la formation. En effet, selon l’avocate, « il ne faut pas
avoir peur de se former », et ce dans l’objectif de se saisir d’un
certain nombre de compétences entrepreneuriales. D’autant qu’il est difficile
de se démarquer sur un maché concurrentiel, « et cela est tout
particulièrement peu naturel pour les avocats qui n’ont pas acquis les
compétences de base », complète-t-elle. Des compétences dont
l’apprentissage s’avère plutôt aisé, estime l’avocate, « à condition
toutefois de se poser les bonnes questions ».
« Les confrères veulent s’accaparer
l’outil numérique pour travailler différemment dans la relation client mais ils
n’y parviennent pas, faute de moyens, de temps, de connaissance et de formation »,
explique Clarisse Berrebi. Alors l’objectif, selon l’avocate, est avant tout de
dédiaboliser l’approche entrepreneuriale afin que les avocats puissent mener leur
projet à bien et à terme, tout en s’entrainant à l’entrepreneuriat, si possible
« au plus tôt », et sortir de sa zone de confort. Et dans un
premier temps, préconise l’avocate, pour développer une entreprise d’avocat, « il
faut être clair sur le projet ».
Puisque la création d’un nouveau projet
se fait souvent en parallèle d’une activité déjà établie, Clarisse Berrebi insiste
en outre sur la nécessité de savoir déléguer des tâches, et ce afin de « s’imposer
un temps qui n’est pas un temps de production de service mais un temps où l’on
va réfléchir à un projet entrepreneurial ».
En effet, selon elle, il est primordial
que l’avocat pense d’abord à ce qu’il envisage de faire avant de cibler le
client, au risque d’exercer une activité qui ne lui plaît pas. L’avocat doit
donc se demander quelle est l’activité qu’il veut exercer, l’expérience qu’il souhaite
faire vivre à son client sur le marché économique, mais aussi comment se
positionner et se démarquer dans un environnement économique concurrentiel. Ces
questions s’inscrivent « dans une approche plus prospective dont
découlera la proposition de valeur », soutient Clarisse Berrebi.
Selon l’avocate au barreau de Paris et deuxième
intervenante Séverine Audoubert, pour se démarquer, il faut avoir une
« idée de génie », une idée qui n’existe pas sur le marché. S’ensuivra
alors une étude de marché qui contribuera à créer une proposition de valeur,
aussi appelée offre de valeur. L’avocate estime à ce titre que chacun peut
trouver cette idée-là, « tout en sachant qu’elle s’affine avec la
réalité du marché », prévient-elle. Il ne faut donc pas s’attacher à
l’idée initiale et accepter les changements en ajustant l’idée aux besoins, car
« c’est l’expérience client qui va peaufiner l’offre de valeur ».
Clarisse Berrebi nuance pour sa part en
parlant plutôt de l’expérience que l’on veut faire vivre au client, car de son
point de vue, une innovation peut être la proposition d’un service déjà
existant, mais c’est l’exécution et l’approche proposées qui démarqueront un
avocat d’un autre. Une idée que rejoint l’avocate et troisième intervenante Audrey
Chemouli, qui explique que « l’innovation n’est pas nécessairement
quelque chose qui n’existe pas, c’est véritablement transformer à son niveau un
façon différente de travailler, de manager ».
Autre piste pour Séverine Audoubert :
élargir ses leviers. En effet, l’avocate préconise d’ajouter une corde à son
arc en diversifiant son activité première. Travaillant dans le domaine des
expatriés, elle témoigne avoir ajouté la transaction immobilière à son
activité, évitant ainsi au client d’avoir à changer d’avocat pour des démarches
dans ce domaine. Et d’ajouter que « diversifier ses activités, c’est
accueillir de nouveaux clients mais aussi de nouveaux dossiers d’un même client ».
Elle relate également l’exemple d’une consœur ayant créé une application de
gestion de dossiers des clients qu’elle décrit comme un « véritable
outil de communication et de logistique qui fonctionne très bien » ; initiative
qui concourt par exemple à cette diversification, explique l’avocate.
Mais pour que le client adhère à une nouvelle
proposition de valeur, il faut avant tout que l’avocat offre une prestation de
service irréprochable à ses clients, indique Clarisse Berrebi, afin par la
suite d’être recommandé par ces derniers, « la recommandation demeur[ant]
dans [la] profession [d’avocat] la voie royale d’acquisition client ».
En effet, d’après l’avocate, ce sont les
qualités de l’avocat qui font qu’un client achète ses services, et non pas ses
services techniques, puisqu’à priori, « tous les avocats possèdent les
mêmes savoirs techniques dans un secteur donné ». C’est donc aussi une
question « de ressenti du client » qui passe par la proposition
d’une expérience qu’il ne vivra pas ailleurs. Mais alors comment amener les
clients à l’expérience que l’on a pensée pour eux ?
Pour Audrey Chemouli, le marketing joue
un rôle prépondérant : « la différenciation tient à la manière
dont l’avocat va s’approprier l’idée et comment il va la marketer »,
et ce même si elle juge que l’avocat n’est pas assez formé sur la manière de
faire et vendre un produit. Il faut en outre être visible sur les canaux de
connexion que les clients utilisent, ajoute-t-elle, et notamment sur les
réseaux sociaux, afin que le prospect clique sur le site Internet de l’avocat
pour devenir un potentiel client. Cela passe aussi par une veille :
« il faut analyser chaque jour ce qu’il se passe et faire savoir le
service, l’offre de valeur que l’on va proposer en ce sens », complète
l’avocate.
Il est également nécessaire à son sens d’aller
à la rencontre des prospects, distribuer un magazine, faire relayer ses informations
par le biais de journalistes ou de podcasts... Mais il est aussi possible
d’écrire dans des journaux techniques spécialisés, évoque Séverine Audoubert, ou
d’organiser des événements avec la communauté afin qu’elle partage par la suite
les retombées, voire de sceller des partenariats « qui sont très
importants pour la visibilité » souligne l’avocate, et vont aider dans
l’acquisition de clients et de dossiers.
La proposition de valeur, « c’est
aussi se mettre d’accord sur les clients que l’on va servir et dans quel
environnement, car deux cabinets qui traitent des mêmes contentieux ne vont pas
forcément avoir la même approche et donc les mêmes clients ». Il faut
donc au préalable choisir sa cible « de façon extrêmement claire »,
martèle Clarisse Berrebi, c’est-à-dire se demander à quel type de client on
a envie de s’adresser. D’autant que l’entrepreneuriat sera différent selon la
clientèle visée (B to B, B to C…).
L’avocate préconise également de travailler
sa stratégie de marque, « car on peut être très connu et ne rien vendre »,
alerte-t-elle. Aussi prend-elle l’exemple de Steve Jobs qui a su créer
« l’expérience Apple », aussi bien dans ses boutiques que dans sa
technologie, grâce à un parcours client écrit qui découle de la proposition de
valeur initiale. Et s’il est primordial que l’avocat choisisse l’activité avant
son client, « il faut aussi qu’il ait l’humilité de se dire que c’est
l’expérience client qui change tout », et donc de voir sa proposition
de valeur ajustée.
Quant à la question du coût d’un tel
projet, Clarisse Berrebi se veut rassurante : « le fait d’être
avocat n’est pas mal perçu par les banquiers ». Il est finalement moins question
de moyens financiers que des moyens que l’avocat se donne pour parvenir à
l’objectif fixé et attirer des clients. « Il faut se démarquer mais
avant tout faire ce qu’on aime et ce pour quoi on est doué »,
encourage Clarisse Berrebi, « tout en gardant à l’esprit que le
changement doit être ancré dans le projet ».
Allison Vaslin
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