Les experts-comptables en route vers la révolution de la financiarisation de leurs cabinets


vendredi 27 septembre 20244 min
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La bonne santé du secteur attire des fonds d’investissement souhaitant diversifier leurs actifs. De nombreux cabinets devraient ainsi croître rapidement, mais l’expert-comptable doit veiller à garder son indépendance.

Vers une révolution en matière de financiarisation des cabinets d’expertise comptable ? « La profession est à un moment clé de son histoire », estime Stéphane Raynaud, expert-comptable et directeur de la publication La Profession comptable, à l’occasion des universités d’été des experts-comptables qui se tenaient entre les 10 et 12 septembre au palais des congrès de Paris.

De nouveaux modèles économiques et de financement des structures sont en effet en train d’émerger. L’une des raisons : la bonne santé économique des cabinets, en particulier durant la crise du covid : « Nous nous sommes aperçus que les marchés d’expertise comptable étaient des marchés résilients. » Même aux pires moments de la crise, la moyenne de croissance annuelle du marché de l’expertise comptable dépassait les 5%.

Néanmoins, la profession doit selon lui effectuer plusieurs refontes de son fonctionnement. « Ce n’est pas une révolte, c’est une révolution, abonde Vincent Reynier, président de la Chambre régionale des commissaires aux comptes (CRCC) de Paris. Nous sommes sur des marchés qui ont un avenir avec même de fortes perspectives de développement, c’est très rassurant. »

D’abord une refonte technologique, c’est-à-dire un changement en profondeur des processus et outils technologiques utilisés. On pense surtout à la facture électronique, dont la généralisation prévue à l’origine en juillet dernier a été reportée à septembre 2026. « Dans tous les pays du monde, l’émergence de la facture électronique est un détonateur de la profession comptable », assure Stéphane Raynaud.

Cette évolution devra par ailleurs s’accompagner d’une refonte fiscale : « Les contrôles fiscaux en temps réel vont s’intensifier, donc notre rôle va donc s’intensifier lui aussi. »

Troisième et dernière refonte : un remodelage organisationnel, notamment pour renforcer attractivité du métier, qui a de plus en plus de mal à recruter. « C’est ce problème qui freine le plus le dynamisme du marché », estime Stéphane Raynaud, qui plaide pour une réflexion autour de la qualité de vie au travail, de l’organisation et du partage de la valeur au sein des cabinets.

Des hausses de budget à tous les étages

De ces trois réaménagements qui pourraient intervenir d’ici 2030 vont découler trois zones d’investissement obligatoire, selon l’expert-comptable : les compétences, les outils, et le support client. « Ce sont des tendances mondiales, même si nous avons des particularités de législation en France. »

Principale conséquence de toutes ces tendances : la hausse des coûts de fonctionnement des cabinets, en raison de la pression technologique des différents éditeurs et fabricants d’outils technologiques, contraints dans une course de vitesse à dépenser toujours plus, et donc à répercuter les prix sur leurs clients experts-comptables. « Plusieurs patrons d’éditeurs français m’ont dit qu’ils espéraient que leurs clients n’utiliseraient pas trop l’intelligence artificielle générative intégrée dans leurs outils, car cela leur coûterait très cher en termes de capacité de calcul », raconte Stéphane Raynaud. L’expert-comptable estime qu’il faudra au minimum multiplier par deux le budget technologique des cabinets d’ici la fin de la décennie.

Mais cela ne sera pas le seul domaine à subir une hausse de budget. Car le directeur de la publication La Profession comptable estime qu’une augmentation du coût des ressources humaines est également à prévoir. En cause, outre un objectif de meilleure attractivité, la hausse du nombre de compétences requises pour les comptables ou les auditeurs, qui fait grimper les prétentions salariales.

Une hausse du budget marketing est aussi attendue. « Nous allons entrer dans une période de refonte des offres de service et de la structuration des cabinets. »

Des perspectives déjà prises en compte en Île-de-France, assure Virginie Roitman, présidente de l’Ordre des experts-comptables Paris – Île-de-France : « Nous sensibilisons à ces sujets depuis quatre ans, et des cabinets nous accompagnent pour animer des ateliers. » La création en 2023 de Sup’Expertise, école dédiée aux métiers du chiffre, doit participer à la formation des nouvelles générations à ces transformations.

Une concentration des cabinets inéluctable ?

Prises ensemble, toutes ces modifications profondes des cabinets d’expertise comptable provoquent déjà un mouvement massif de concentration, visible dans les classements des cabinets français dont les 260 plus grands représentent 45 % du chiffre d’affaires total du marché, contre moins de 30 % il y a une quinzaine d’années. « Presque tous les grands cabinets français veulent doubler de taille d’ici trois à cinq ans », assure Stéphane Raynaud.

Une concentration également observable chez les commissaires aux comptes, « aggravée » par la loi Pacte et ses nouveaux seuils moins contraignants pour les entreprises, explique Vincent Reynier : « Nous arrivons à stabiliser les chiffres mais observons un tassement des auditeurs. La séparation entre les grosses structures, les challengers et la multitude de petits cabinets, c’est un phénomène qui est voué à s’accentuer. » Pour Philippe Vincent, président de la CRCC de Versailles et du Centre, si exercer seul peut présenter plusieurs intérêts, « face à la nécessité de mettre sur la table des moyens de plus en plus conséquents pour avoir les bonnes équipes, les bons outils et pouvoir répondre aux attentes, on voit bien que cette concentration se fait de manière très forte sur ces petits cabinets ».

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