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Gérald Darmanin a annoncé hier le « désencombrement » à venir du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) et le début des travaux. Avec ses homologues de l’Intérieur et de la Santé, le ministre a détaillé les dispositifs ultrasécurisés de ces nouveaux lieux de détention, et évoqué sa volonté d’éviter les extractions et de pousser l’isolement des détenus au maximum.
Depuis les premières annonces
du ministre de la Justice en janvier dernier, le champ du projet de
« prison de haute sécurité » de Gérald Darmanin s’est
considérablement étendu.
Si l’idée de départ était
d’incarcérer dans une « prison de haute sécurité » les « cent
plus gros narcotrafiquants du pays », l’objectif est désormais passé à
600 à 700 personnes - plus exclusivement des narcotrafiquants, mais «
toutes les personnes qualifiées de dangereuses pour l’extérieur ». Quatre
à cinq établissements pourrait à terme être concernés.
Le projet commence en tous
cas à se concrétiser : « A partir de cette semaine, à
Vendin-le-Vieil, vont commencer les opérations dites de désencombrement. »,
a annoncé Gérald Darmanin lors d’une conférence de presse tenue avec ses
homologues de l’Intérieur et de la Santé, lundi 7 avril. Les détenus seront
évacués de la future première « prison de haute sécurité » et les
travaux débuteront dans la foulée a annoncé le ministre de la Justice.
« Renforcer
considérablement » la sécurité
Ces derniers ont vocation à
transformer les deux sites en établissements ultrasécurisés à l’intérieur comme
à l’extérieur, à pousser l’isolement des personnes détenues au maximum et à
éviter leurs extractions pour des audiences ou recevoir des soins. Le centre
pénitentiaire de Vendin-le-Vieil devrait être opérationnel le 31 juillet, et
celui de Condé-sur-Sarthe (Orne) à partir du 15 octobre prochain.
La quasi-totalité des
personnes actuellement détenues dans le centre pénitentiaire du Pas-de-Calais seront
pour leur part amenées, via une petite dizaine de convois, à rejoindre « des
prisons pour peine » qui ne sont aujourd’hui pas « en
surpopulation carcérale » dixit Gérald Darmanin. La prison devrait
être vidée d’ici au mois de mai pour être repeuplée de cent détenus dont deux
tiers en détention provisoire, et qui n’auront donc pas encore été jugés. Ces
personnes seront placées dans ces nouvelles prisons sur décision du garde des
Sceaux, pour deux ans renouvelables.
Prévus pour débuter en mai à Vendin-le-Veil
et pour durer trois mois, les travaux visent à « renforcer
considérablement » la sécurité du centre pénitentiaire, déjà choisi
pour son très haut niveau de sécurité. Caméras de vidéosurveillance, salles de
vidéoconférence, parloirs hygiaphones et portails à onde millimétrique équiperont
les lieux. Par ailleurs, la sécurisation des cellules sera renforcée, notamment
par la pose de caillebottis aux fenêtres.
Des
travaux de « sécurisation périmétrique » à l’extérieur vont
également avoir lieu, a détaillé Bruno Retailleau, qui a qualifié la
criminalité organisée de menace « contre les intérêts fondamentaux de
la nation ». Des systèmes de vidéosurveillance permettant de repérer
les plaques minéralogiques passant aux alentours de l’établissement sont
également au programme, a précisé le ministre de l’Intérieur.
Le temps des travaux devrait en
outre être utilisé pour former les agents sur place notamment au risque de
corruption et recruter des équipes régionales d'intervention et de sécurité
(ERIS) qui devraient être sur place en permanence.
Un régime strict d’isolement…
Une
fois à l’intérieur, les détenus seront soumis à un strict régime d’isolement
avec des appels téléphoniques limités, des unités de vie familiales interdites,
des contacts physiques fortement limités et des fouilles à nu systématisées.
L’objectif, pour
l’instigateur du projet, est de placer ces détenus « totalement à
l’isolement du reste de la société », comme l'avait annoncé Gerald Darmanin
sur France 2 le 6 mars dernier, et de tout faire pour que les personnes qui seront
détenues dans ces prisons en sortent le moins possible, y compris pour être
présentées devant un magistrat ou recevoir des soins. L’idée est d’« éviter
au maximum ces extractions judiciaires », a répété le ministre
de la Justice.
Quant aux sorties des détenus,
pour des audiences ou pour des soins médicaux, elles devront être « absolument nécessaires et inévitables » a insisté Bruno Retailleau. Ainsi, si les personnes
prévenues et non condamnées doivent passer devant un juge, la proposition de
loi prévoit une généralisation de la visioconférence, sauf si le magistrat s’y
oppose.
Pour
les soins médicaux, il faudra « prioritairement soigner dans la
prison » avec l’équipe médicale sur place, le recours à la
visioconférence ou la venue de spécialistes a expliqué le ministre de
l’Intérieur. En cas d’impossibilité, les détenus seront dirigés vers une unité
hospitalière spécialement aménagée (UHSA) de la périphérie de Lille.
…
dans le viseur des associations
Face à « un régime
carcéral d’isolement quasi-total » jugé « intrinsèquement
attentatoire aux droits fondamentaux des personnes détenues », l’Observatoire
international des prisons (OIP) avait manifesté de nombreuses inquiétudes dans
un communiqué en date du 3 mars dernier. Il dénonçait une « obsession
sécuritaire » et soulignait « les effets néfastes de
l’isolement sur la santé des personnes qui y sont soumises », faisant
référence aux quartiers de haute sécurité, abandonnés en France en 1982.
La Ligue des droits de
l’homme (LDH) et le contrôleur général des lieux de privation de liberté avaient
également manifesté de vives préoccupations sur ces nouveaux régimes de
détention. « Certains ne sortiront jamais mais d'autres sortiront. [...] Si
on laisse des gens à l'isolement total, sans contact avec personne, on fait des
fous » estimait Dominique Simonnot sur RTL en mars dernier.
La proposition de loi sur le
narcotrafic dans laquelle figure l’amendement qui crée ce nouveau régime de
détention a été approuvée le 1er avril dernier à l’assemblée
nationale par 436 voix contre 75. Une commission mixte paritaire devrait se
réunir dans les prochains jours pour que sénateurs et députés tombent d’accord
sur un texte commun. Son adoption devrait avoir lieu le 28 avril au Sénat et le
29 à l’Assemblée.
Marion Durand
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