Article précédent

La Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) du Conseil de l’Europe a publié, le 5 octobre, son rapport d’évaluation des systèmes judiciaires européens. Elle observe notamment qu’une majorité d’états ont augmenté en moyenne de 8 % le budget consacré à la justice.
Le 5 octobre dernier a été publié le rapport d’évaluation de la CEPEJ. Ce processus d’évaluation biennal des systèmes judiciaires des États membres du Conseil de l’Europe, ainsi que de certains États observateurs, a été entrepris dès 2004. Le rapport de 2022 se base sur les données de l’année 2020 et inclut 44 États membres et trois observateurs dont le Maroc, l’Israël et le Kazakhstan. De plus, les États membres ont été répartis dans quatre groupes en fonction de leur PIB par habitant.
Les budgets des systèmes judiciaires en hausse
En 2020, les pays européens ont dépensé en moyenne 11 milliards d’euros dans les systèmes judiciaires, ce qui représente 0,35 % du PIB et équivaut en moyenne à 79 euros par habitant, soit une augmentation de 7 euros par rapport à 2018.
D’après les observations de la CEPEJ, une majorité d’États et d’entités ont augmenté en moyenne de 8 % le budget alloué à leurs systèmes judiciaires. En 2020, le budget de la France était inférieur à la moyenne européenne avec un montant de 72,5 euros par habitant, ce qui représente 0,21 % du PIB, mais qui reste tout de même une hausse de 7 euros par rapport à 2018. Toutefois, comme l’expose le ministère de la Justice dans un communiqué après lecture du rapport : « l’augmentation historique de 8 % en 2021 porte le ratio à 78 euros par habitant en 2021 ». Il ajoute que « grâce à de nouvelles augmentations sans précédent en 2022 et 2023, le budget de la Justice s’élèvera à 9,6 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation de 26 % en trois ans », ce qui reste tout de même en deçà des budgets alloués par nos voisins en Italie. En effet, c’est 83 euros par habitant, 88 euros en Espagne, et en Allemagne presque le double du budget français, 141 euros.
À l’échelle européenne, deux tiers de ces budgets sont alloués aux tribunaux, un quart aux ministères publics et les 9,5 % restants à l’aide judiciaire. En France, un seul budget regroupe les deux premiers et se divise en 80/20, presque les trois quarts pour les tribunaux, 18 % au ministère et 10 % à l’aide judiciaire. Les pays de l’Europe de l’Est dépensent proportionnellement plus pour leurs ministères publics, là où ceux de l’Europe du Nord et les pays du Common law dépensent plus pour les aides judiciaires.
Plus de juges et de procureurs en Europe
Autre constat relevé par la CEPEJ : le nombre de juges a augmenté. En effet, il y a en moyenne 22,2 juges pour 100 000 habitants. Idem pour le nombre de procureurs, en hausse depuis 2010 avec une moyenne de 11,3 procureurs en Europe pour 100 000 habitants contre 3 en France, ce qui représente le plus bas chiffre en Europe.
La France manque globalement de moyens humains, même du côté des avocats : l’Hexagone compte 103,95 avocats pour 100 000 habitants, alors que la médiane européenne est de 134,51 avocats pour 100 000 habitants. Après étude du rapport, le ministère de la Justice précise que « face aux difficultés posées par le manque de moyens humains, le ministère de la Justice a procédé à des recrutements massifs pour les juridictions, sous la forme de magistrats, de juristes assistants et des renforts de greffe. Le besoin de créations d’emplois à court terme a été entendu. Ainsi, 1 914 agents contractuels ont été recrutés. La pérennisation de plus de deux tiers de ces emplois a déjà été annoncée. En outre, ce sont 380 auditeurs de justice qui seront recrutés à horizon 2023, soit la plus grande promotion d’auditeurs jamais constituée. En tout, ce sont 2 253 emplois qui devraient être créés en 2023, et 10 000 emplois d’ici 2027. »
Le plafond de verre toujours d’actualité
Depuis plusieurs années, les métiers de la justice se féminisent. En revanche, le rapport note que la proportion de femmes juges et procureures est plus élevée dans les pays où le travail à temps partiel est possible. La CEPEJ constate que le pourcentage de femmes juges augmente. C’est en 2014 que le ratio de femmes juges a dépassé pour la première fois le pourcentage d’hommes juges professionnels. Depuis, la courbe ne cesse d’augmenter. La France fait partie des pays possédant au moins deux tiers des juges professionnelles avec la Croatie, la Hongrie, la Lettonie, le Luxembourg, la Roumanie la Serbie. Même constat avec les procureurs. Depuis 2010, la tendance s’est inversée, passant de 56 % d’hommes à 47 % et de 46 % de femmes à 53 % en 2020.
Cependant, le plafond de verre est toujours d’actualité, les femmes restent sous-représentées dans les plus hautes fonctions, bien que « quelques développements prometteurs sont à souligner ». Par exemple, les femmes juges sont surreprésentées en première instance mais sous-représentées en deuxième et plus haute instance, et seulement 38 % des présidents de tribunaux sont des femmes. Entre 2010 et 2020, le nombre de femmes à la plus haute instance a tout de même augmenté de neuf points. Par ailleurs, notons que la proportion de femmes parmi les juges de deuxième instance en 2014 (48,3 %), 2016 (49,9 %), 2018 (50,4 %) et 2020 (52,0 %) correspond à peu près aux pourcentages de femmes communiqués pour tous les juges professionnels quatre à six ans plus tôt (48,3 % en 2010, 49,2 % en 2012, 51,3 % en 2014 et 53,4 % en 2016).
Le déploiement des TIC grâce à la crise du Covid
Pour le Conseil de l’Europe, le Covid-19 a accéléré la numérisation de la justice. En 2020, avec la pandémie et le confinement, il y a eu beaucoup plus de formations en ligne qu’en présentiel.
Le rapport précise que les États où les entités membres du conseil de l’Europe déploient de plus en plus les Technologies de l’information et de la communication (TIC) « se reflète dans le pourcentage plus élevé du budget des tribunaux qui est alloué aux TICs par rapport aux années précédentes. L’ampleur de cette évolution fait qu’aujourd’hui, l’aspect technologique est un paramètre incontournable à prendre en compte dans les politiques judiciaires. Plus que jamais, ces technologies ont vocation à jouer un rôle de facilitateur en termes d’efficacité de la justice, mais aussi, et surtout dans le contexte extraordinaire de la crise sanitaire, en termes d’accès à la justice. Des leçons ont été tirées, mais surtout, de nouvelles perspectives numériques ont été ouvertes, attendant d’être explorées. »
Toutefois, il subsiste toujours des différences importantes entre les pays. Pour cela, l’indice TIC varie de 1,6 pour l’écosse à 9,8 pour l’Estonie et la Lettonie. L’indice Tic de la France est de 5,94. D’ailleurs, le rapport constate que « contrairement à la tendance européenne, en France, les affaires administratives sont traitées plus rapidement que les affaires civiles contentieuses ». À noter que les TICs sont mieux développés dans les tribunaux administratifs pour la communication avec les tribunaux, la gestion des tribunaux et des affaires, et dans l’aide à la décision.
Les défis posés par la crise du Covid-19 ont été l’occasion d’expérimenter à plus grande échelle et à un rythme plus soutenu le potentiel des TICs pour la communication et le partage de documents et de données judiciaires entre toutes les parties impliquées dans le service public de la justice. L’impératif était de garantir l’accès à la justice en période de confinement, ce qui a nécessité beaucoup d’adaptation afin de trouver un équilibre entre les avantages pratiques de la communication à distance et la nécessité de respecter les valeurs fondamentales de la justice.
Tina Millet
Infos locales, analyses et enquêtes : restez informé(e) sans limite.
Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.
0 Commentaire
Laisser un commentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *