Les notaires du Grand Paris répondent aux questions des internautes


mardi 5 mai 202012 min
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Immobilier, succession… Alors que ces domaines ne sont pas épargnés par l’épidémie de Covid-19, Barbara Thomas-David et Olivier Clermont, notaires à Paris, ont répondu en direct aux nombreuses questions d’internautes inquiets, le 21 avril dernier, lors d’une web-conférence organisée par les Notaires du Grand Paris et animée par le journaliste Patrick Lelong. Le JSS revient sur un certain nombre d’entre elles ; l’occasion également de mettre en lumière l’acte à distance, nouveauté dans le cadre de la crise sanitaire. 


La signature d’un acte à distance par procédure sécurisée sera-t-elle toujours possible après la période de confinement ? 

En préambule, Olivier Clermont en a profité pour souligner qu’il s’agissait d’un nouveau dispositif, mis en place dans le cadre du confinement imposé dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19, afin de « réaliser des actes avec une comparution à distance, les notaires n’ayant pas le droit de recevoir de clients dans leurs études ». Pour le moment, a-t-il répondu, le législateur prévoit que l’acte à distance est temporaire et durera le temps de l’état d’urgence sanitaire (et jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de ce dernier, ndlr). 

Barbara Thomas-David a pour sa part rappelé que la signature à distance restait un acte authentique : « seules les modalités pratiques changent, pas la sécurité juridique ». En pratique, a-t-elle précisé, le notaire donne lecture de l’acte à son client par l’intermédiaire d’une visioconférence. En fin de lecture, celui-ci vérifie que le consentement de son client est éclairé et le client lui envoie, par le biais de son ordinateur ou de son smartphone, la confirmation qu’il consent à l’acte. Le notaire en prend acte et signe l’acte authentique. Attention, « la visioconférence ne doit pas être interrompue jusqu’à signature de l’acte », a alerté Barbara Thomas-David. 

 

L’acte à distance est-il réservé à l’achat immobilier ou peut-on l’utiliser pour un PACS ? Combien cela coûte-t-il ?

Sur ce point, Olivier Clermont l’a assuré : l’acte de comparution à distance s’applique à la quasi-totalité des actes notariés, que ce soit pour les ventes immobilières comme pour les donations, les contrats de mariage et les PACS. Seuls certains actes sont exclus, comme le testament. Concernant le coût d’un PACS conclu par acte à distance, « il s’agit du coût habituel, il n’y a pas de changement », a-t-il affirmé, et les tarifs sont encadrés par l’État, a-t-il ajouté. 

 

Est-ce que je peux signer un compromis de vente par voie électronique ?

« Il est possible de signer par comparution à distance un compromis, mais il ne suffit pas d’avoir un vendeur, un acheteur et un notaire pour signer un avant-contrat. Il faut absolument avoir réuni toutes les pièces », a insisté Olivier Clermont. Soit tous les diagnostics, questionnaires et autres documents indispensables, ce qui, en période de confinement, peut s’avérer compliqué. En effet, encore faut-il que le diagnostiqueur soit passé dans l’appartement en question afin de vérifier qu’il n’y ait pas de termites, pas d’amiante, etc. « Tout cela ralentit fortement la procédure pour signer les compromis et les ventes », a convenu le notaire.

 

Est-il prévu des prorogations aux délais habituels pour les déclarations de succession, compte tenu de la crise ?

Barbara Thomas-David a indiqué qu’il n’y avait malheureusement pas de dérogation particulière pour le dépôt des déclarations de succession. Ces dernières sont à déposer dans les 6 mois + 2 mois en cours. En revanche, en cas de retard lié à des problèmes de paiement des droits, la notaire a conseillé à l’internaute d’accompagner son dépôt de déclaration de succession d’un courrier demandant une remise totale ou partielle des pénalités et intérêts de retard. « Votre notaire peut vous accompagner, pour motiver le fait que vous n’avez pas pu déposer votre déclaration en raison du confinement et des lenteurs qui lui sont dues. On espère qu’il va y avoir une clémence de l’administration fiscale, car c’est un juste motif de retard dans le paiement », a considéré la notaire. 

 

Nous avons signé un compromis de vente chez le notaire avec le négociateur immobilier. Ce dernier nous propose, en raison du confinement, de signer cet acte sans avoir eu le projet de l’acte, et de nous remettre les clefs sur un parking de supermarché, est-ce normal ?

« La règle, c’est de ne pas signer de procuration si on n’a pas vérifié le projet du début à la fin », a averti Barbara Thomas-David, invitant à la prudence. En effet, la procuration est là pour nous représenter, mais pour ce faire, il faut au préalable savoir ce que la personne qui nous représente va signer. « Il ne faut pas donc pas signer de procuration si on n’a pas lu l’acte et si on n’a pas eu d’échange avec son notaire sur les questions récurrentes suite à la lecture de l’acte. Une fois l’acte lu, on peut signer la procuration et l’envoyer chez son notaire. »

Pour sa part, Olivier Clermont a mis en exergue que l’on se rapprochait de la fin du confinement, et qu’il était donc plus sage d’attendre un peu pour que la signature et la remise des clefs puissent être réalisées dans de bonnes conditions. « Je conseille aussi de refaire une visite du bien, car si vous l’avez visité il y a trois mois, au moment de la promesse de vente, qu’est-ce qui garantit qu’il n’y a pas eu entre temps de dégât des eaux ? », a-t-il mis en garde. Une situation qui « peut arriver, surtout en période de confinement ». 


Mon mari est décédé le 10 avril 2020, notre loyer n’est pas encore payé, et je dois encore payer les pompes funèbres. Mon mari a un compte courant et un livret A sur lequel je n’ai pas de procuration, comment faire pour récupérer cet argent pour payer les factures, car j’ai une petite retraite ?

À partir du moment où une personne décède, par principe de précaution, la banque bloque ses fonds, car elle ne sait pas qui va en hériter, a d’abord expliqué Barbara Thomas-David. Cependant, pour les frais funéraires, il est possible de demander, sans autorisation particulière, le déblocage des fonds vers les pompes funèbres, à hauteur de 5 000 euros. Pour récupérer les fonds dont elle va être héritière, en revanche, l’épouse de ce monsieur décédé devra rapidement contacter son notaire afin que ce dernier établisse un acte de notoriété. « C’est un “passeport” en qualité d’héritier : un acte qui indique à qui va être transmise la succession. Grâce à cet acte, Madame va pouvoir débloquer le reste des fonds. » Pour cela, le notaire lui indiquera en amont les pièces nécessaires à son établissement. « Cela peut être fait à distance, mais risque simplement de prendre du temps, car beaucoup de pièces sont nécessaires », a précisé Barbara Thomas-David. 

 

Pouvons-nous contraindre la mairie à se prononcer sur son droit de préemption sans attendre les deux mois, car nous venons de signer un compromis et nous attendons son retour pour le financement ?

Comme Olivier Clermont l’a spécifié, le droit de préemption de la mairie n’existe pas dans toutes les communes et dans toutes les situations. Mais quand ce droit existe, le notaire doit proposer la vente du bien à la mairie au préalable. Cependant, il n’est pas possible de contraindre la mairie à répondre avant le délai de deux mois, a répondu Olivier Clermont. Ce dernier s’est néanmoins montré rassurant : « Le confinement a perturbé l’organisation de nombreuses structures, il y a eu quelques semaines de flottement, mais il est certain que la mairie va bientôt répondre, dès qu’elle pourra le faire. » D’autant que « la préemption est rare », a-t-il assuré.

 

Je devais signer la vente de ma maison le 15 mars et l’achat de ma nouvelle résidence le 21 mars, mais tout est en suspens avec confinement. L’État autorise certes la signature électronique, mais quid du déménagement ?

Certains déménageurs sont toujours en activité, et dans ce cas-là, pas de problème. Toutefois, d’autres ont cessé leur activité, et « on ne peut pas contraindre les déménageurs d’une société privée à la poursuivre », a renseigné Barbara Thomas-David. 

La meilleure chose à faire ? Prendre attache avec son notaire et ses déménageurs, de concert, afin d’étudier ensemble comment repousser les délais, pour que la vente puisse se faire en même temps que l’acquisition et le déménagement. Par ailleurs, « l’important est que les liens ne se rompent pas entre acheteur et acquéreur, pour qu’il n’y ait pas de rupture de contrat », a appuyé l’experte : « leurs notaires trouveront une solution conventionnelle, une prolongation de délai, qui leur apportera de la sécurité juridique ». Avenant qui pourra être signé, encore une fois, via l’intermédiaire de la procuration numérique. 

 

Mon père aura 81 ans le 10 mai prochain, et notre projet de donation avec usufruit déposé chez le notaire doit être signé avant cette date. Comment faire, sachant que mon père ne peut pas signer par visioconférence ? 

Barbara Thomas-David l’a admis : ce n’est « pas de chance », car au-delà de 80 ans, il y a une perte de bénéfice fiscal, or, alors que les 81 ans du père de cette internaute tombent juste la veille de la fin du confinement, ce monsieur ne peut pas utiliser l’acte à distance et, en matière de donation, la procuration sous seing privé n’est pas possible, pour des raisons de sécurité liées au consentement. 

« On est donc dans le cadre d’une mesure urgente », a commenté la notaire. Et si le face-à-face physique n’est plus possible avec le notaire, il existe des dérogations en cas d’extrême urgence. Pour Barbara Thomas-David, à l’évidence, « c’est ce dont il s’agit ici, puisqu’on ne peut pas décaler pour des problématiques fiscales, et qu’il n’est pas possible de signer l’acte à distance ». Tout en respectant les gestes barrières et les consignes sanitaires, la personne pourra donc se déplacer chez son notaire pour signer avec son père l’acte de donation, ou bien le notaire pourra lui-même se déplacer. 

 

Je souhaite déposer mon testament olographe chez le notaire, comment procéder ? 

Les testaments olographes, a expliqué Olivier Clermont, sont rédigés à la main par une seule personne, datés et signés, tandis que les testaments authentiques sont faits devant deux notaires ou un notaire et deux témoins, notamment lorsque la personne est dans l’incapacité de signer. 

En matière de testament olographe, en dépit du confinement, un tel dépôt est toujours envisageable. Olivier Clermont a recommandé à l’internaute d’échanger avec son notaire au téléphone et d’exprimer ses choix. Son notaire pourra alors, si elle le souhaite, lui transmettre un modèle qu’il suffira de recopier. Il ne reste ensuite qu’à envoyer son testament olographe chez le notaire, pour assurer sa conservation. Toutefois, ce testament reste valable dans tous les cas, qu’il se trouve chez la personne ou chez le notaire. « Je conseillerais d’ailleurs de le rédiger et de le garder chez soi en attendant la fin du confinement, car la Poste fonctionne au ralenti. En revanche, en attendant, cette internaute peut en faire une copie et l’envoyer par scan au notaire », a préconisé Olivier Clermont. 


Puis-je demander la copie intégrale d’un dossier de succession me concernant auprès du notaire qui en a eu la charge ?

« Bien sûr, dans ce cas il faut juste justifier que l’on est bien bénéficiaire », a indiqué Olivier Clermont. Ce dernier a toutefois nuancé : bien qu’il soit possible de faire la demande aujourd’hui, la réponse risque d’arriver un peu plus tardivement : « Nous fonctionnons au ralenti dans nos études. Nos archivistes sont au chômage partiel... Cela ira mieux quand ils seront rentrés, ils pourront alors retrouver les documents. » Par ailleurs, le notaire a prévenu : tout n’est pas scanné dans les études. « On garde les dossiers, mais surtout tous les documents, les titres, les minutes on les garde pendant 75 ans. Donc il n’y a pas beaucoup d’études qui ont scanné tous les documents depuis 75 ans ! »

 

En procédure de divorce amiable, est-il possible de signer un acte de partage pendant le confinement ? 

« Je suppose que les choses ont déjà bien avancé et que cette internaute est d’accord avec son mari », a répondu Barbara. Selon la notaire, il peut être judicieux, dans le cadre d’un partage, de faire une pré-réunion en visioconférence où les parties réaffirmeront leur consentement éclairé sur le partage, les valeurs, les attributions. Ensuite, il est tout à fait possible de passer à l’acte à distance, où chacune des parties sera en visioconférence, puis le notaire donnera lecture de l’acte de partage avec attributions à l’un et à l’autre et recueillera le consentement de l’un et de l’autre. 

 

Dans les Bouches-du-Rhône, on affirme que l’acte à distance n’est qu’une annonce. Est-ce vrai ? 

Olivier Clermont a tenu à tempérer : dans les Bouches-du-Rhône comme ailleurs, il y a un effet d’annonce pour partie, du fait du décalage entre la théorie et la pratique, a-t-il admis. En effet, le gouvernement a annoncé la possibilité de faire des actes authentiques avec comparution à distance, et la presse a communiqué sur le sujet. « Mais il faut bien se dire que c’est une grande révolution pour nous notaires. C’est une vieille profession, nous faisons des actes sur papier depuis 4 siècles. Depuis 10 ans, on fait des actes sur support électronique, et là, du jour au lendemain, on nous dit qu’on doit réaliser des actes à distance. Il faut nous laisser à tous le temps d’assimiler cette technique, avoir de l’indulgence à notre égard. »

 

Remarié, propriétaire avec nouvelle épouse d’un appartement, j’ai trois enfants d’un premier mariage. L’aîné est décédé, et laisse deux enfants majeurs. Est-il possible de liquider ma succession de manière anticipée en versant maintenant à mes descendants les parts qui leur sont réservées ?

Bien que la volonté d’anticiper soit louable, a estimé Barbara Thomas-David, « protéger les autres, c’est bien, mais il faut aussi se protéger soi-même ». Car liquider sa succession est radical, et il s’agit de trouver un juste équilibre entre tout donner et ne rien donner, a-t-elle considéré. Son conseil ? « Faire une étude de son patrimoine avec son notaire et voir ce qui doit se conserver pour le protéger et ce qu’il va pouvoir donner à enfants et petits-enfants par le biais de la donation-partage. » 

De cette manière, il est donc possible d’anticiper sa succession. « Souvent, on dit que la donation-partage, c’est la paix des familles », a observé Barbara Thomas-David. Cela se fait de son vivant : on donne les biens qui nous appartiennent, et on attribue aux uns et aux autres des biens particuliers, ce qui évite des situations de tension au moment du décès. « Il y a aussi un intérêt fiscal pour la personne qui fait une donation-partage, puisqu’en anticipant sa succession elle va pouvoir bénéficier de régimes de faveur, avec des démembrements de propriété qui vont lui permettre de conserver la jouissance des biens et des revenus sur les biens », a-t-elle développé. Ce genre de situations complexes nécessite donc une discussion avec son notaire, et le temps du confinement peut permettre « de faire une première étude de cas par téléphone ou par visio-conférence avec lui pour commencer à penser à ce projet ».  

 

Bérengère Margaritelli




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