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Mangez des huîtres !


dimanche 29 décembre 20193 min
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Élevage, transport, conservation, présentation et dégustation : la reine des tables de fêtes vue sous l’angle méconnu des brevets d’invention déposés au 19e siècle.


 


Un peu d’histoire…


Les amas de coquilles découverts par les archéologues sur de nombreuses côtes attestent que la consommation des huîtres remonte à la préhistoire. Certains éléments prouvent que leur élevage est même pratiqué par certaines populations chinoises quelques 2000 ans avant notre ère. Les prémices de l’ostréiculture existent aussi chez les Romains qui réalisent l’affinage en viviers. Ces derniers, désignés par le mot latin ostriaria, donnent d’ailleurs leur nom à ce fameux mollusque dont la Chine est le premier producteur mondial avec environ 3,7 millions de tonnes par an, loin devant la France qui n’en produit « que » 130 000 tonnes.


Jusqu’au 19e siècle, l’ostréiculture cons iste dans le dragage des bancs naturels, les huîtres étant soit livrées directement à la consommation, soit placées dans des parcs situés sur le littoral pour être engraissées et consommées ultérieurement. C’est sous le Second Empire que les huîtres connaissent véritablement le succès sur les tables averties. À tel point qu’en 1852, donnant suite à un rapport alarmiste du ministère de l’Agriculture et du Commerce relatif à la chute de la production des gisements naturels, l’administration maritime en réglemente le ramassage. Napoléon III nomme une mission chargée d’étudier les méthodes pour élever les huîtres sur les côtes de France et d’Italie. À partir de là, les expériences d’huîtrières artificielles se développent, notamment dans le bassin d’Arcachon.


 


Les débuts de l’ostréiculture…


Ce développement est significatif ; en témoignent les brevets d’invention déposés dans ce domaine au 19e siècle : sur plus de 150 brevets ayant un rapport avec les huîtres, la plupart sont délivrés à partir de 1850. Ce sont la reproduction, l’élevage, la récolte et le nettoyage qui génèrent le plus d’innovations. On protège tout d’abord le naissain, c’est-à-dire les juvéniles, par des collecteurs appelés également « ruches » : caisses, bacs ou tuiles spéciales en céramique servent à protéger les huîtres des crabes et mollusques destructeurs pendant leur croissance. 


Parallèlement, le développement des transports, et notamment du chemin de fer, permet d’acheminer la production croissante plus rapidement et en minimisant les pertes. Il faut approvisionner des consommateurs de plus en plus nombreux et exigeants ! Encore faut-il que leurs contenants soient adaptés. Les professionnels mettent au point des modes d’emballage, paniers, bourriches, système de caisses pour conserver l’huître, garnis notamment de paille de jonc ou de toile en fibres de coco. Parmi eux, dix inventeurs se proclament ostréiculteurs, preuve que le métier évolue et se spécialise.



 



Paniers, bourriches, porte-huîtres, étagère à plateaux mobiles : l’INPI compte dans ses archives plus de 150 brevets du 19e siècle en rapport avec les huitres





A table !


Une fois arrivée à bon port, il faut passer à table : s’atteler à l’ouverture semble relever du défi. Pas moins de 35 brevets sont déposés pour différents systèmes aux noms évocateurs : pince, ouvreuse, ouvre-huître, écailleur, écaillère, écailleuse. Et au vu de ces mécaniques, certains on dû se creuser la tête ! Couteliers et même forgerons sont de la partie ! Mais seulement trois brevets mentionnent le mot « couteau » dont deux sont dits « mécaniques », aucun ne ressemblant au couteau employé actuellement.


Enfin, une fois ouverte, la reine des tables de fêtes se doit d’être mise en valeur. De nombreux présentoirs sont imaginés et brevetés pour le service de la table, aussi bien chez soi qu’au restaurant : porte-huîtres, huîtrier, étagère à plateaux mobiles, banc d’huîtres de table et autre fourchette à huîtres perfectionnée. On trouve parmi ces divers objets de véritables œuvres dart créées spécifiquement par des bijoutiers et des orfèvres. Et pour ce qui est de sa consommation, on la trouve à toutes les sauces. Un pharmacien va même jusqu’à mettre au point la recette d’un chocolat analeptique, c’est-à-dire stimulant, aux huîtres. Grâce à sa teneur élevée en iode et en phosphore, l’huître est reconnue comme aphrodisiaque depuis la nuit des temps. Alors, pour garder la forme, mangez des huîtres !


 


Steeve Gallizia,

Chargé de la valorisation des archives patrimoniales de l’INPI


 


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