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lundi 6 juin 20227 min
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06/06/2022 09:03:56 1 1 3004 10 0 15008 2822 2908 « La participation de la fonction juridique aux instances de direction est devenu un standard de gouvernance. » - Entretien avec Rémi Dujon, directeur juridique Europe de XPO Logistics

XPO Logistics, l’un des principaux fournisseurs de services de transport routier de marchandises, a nommé son nouveau directeur juridique Europe en la personne de Rémi Dujon, qui a déjà occupé ces fonctions chez Vallourec et Orange Business Services. Pour le JSS, il revient sur les principaux enjeux de ce nouveau poste, mais aussi sur la place de la direction juridique dans les entreprises et son évolution.

 

 


Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

Le fil conducteur de toute ma carrière est le métier de juriste d’entreprise et l’utilisation du droit au service du business, depuis mes premières fonctions de juriste d’entreprise chez France Télécom, puis de directeur juridique chez Orange et Vallourec et enfin de directeur juridique de XPO Logistics.

Toutes ces expériences m’ont permis de progresser dans ma connaissance de ces secteurs économiques, mais aussi en expérience professionnelle et managériale. Par ailleurs, j’ai évolué aussi bien dans le B2C que dans le B2B, ce qui m’a permis de couvrir la plupart des domaines du droit : droit des contrats, contentieux en attaque et en défense, droit de la consommation, digital et retail classique, et des domaines plus corporate comme le droit des sociétés ou encore le M&A, par exemple.

J’ai travaillé dans des entreprises internationales et multiculturelles qui se trouvaient toutes dans des contextes de transformation importante voire de crise. J’ai ainsi piloté des processus de transformation de la fonction juridique, dont la digitalisation, mais aussi accompagné et sécurisé le lancement de nouvelles activités.

J’ai notamment contré des fonds activistes vendeurs à découvert ; négocié la distribution exclusive d’un téléphone mobile révolutionnaire en Europe ; ou encore obtenu la résolution d’un contentieux provisionné à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros par une transaction représentant moins de la moitié de la provision passée dans les comptes.

 

 

Vous êtes, depuis le 1er décembre dernier, responsable des questions juridiques liées aux activités européennes de XPO. Quels sont à ce titre les principaux enjeux de votre mission ? 

Il s'agit principalement de sécuriser les activités du groupe en Europe, à la suite notamment d’un spin-off de ses activités logistiques au deuxième semestre 2021.

Ainsi, j’ai plusieurs objectifs et angles d’actions subséquents. La première dimension de ma mission sera organisationnelle, je dois optimiser le fonctionnement de la direction juridique, m’assurer que la fonction juridique est bien en place et opérationnelle, sans « trous dans la raquette ». La deuxième est de m’assurer d’une qualité de service irréprochable à l’égard de mes clients internes, c’est-à-dire le meilleur compromis entre qualité optimale et rapidité du service rendu. La dernière enfin consiste à placer la fonction juridique au plus haut des différentes organisations, afin d’anticiper les éventuels risques ou difficultés, mais surtout faire de la fonction juridique un couteau suisse au service du business, pour maximiser notre performance collective dans le pilotage de nos opérations. 

 



« En s’acheminant vers une profession unifiée du droit, nous serions beaucoup plus compétitifs et beaucoup plus attractifs pour les investisseurs étrangers



 

Vous faites également partie du comité exécutif. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

La participation de la fonction juridique aux instances de direction d’un groupe tel que le nôtre est devenu un standard de gouvernance. Mon président, Luis Gomez, a parfaitement compris cela. Son expérience internationale de plus de 25 ans dans ce métier du transport de marchandises et du management d’entreprises, et donc en premier lieu des femmes et des hommes qui les composent, lui ont inspiré une composition de son comité exécutif particulièrement équilibrée, qu’il a d’ailleurs entièrement sélectionné selon sa volonté et sa vision. C’est un grand honneur pour moi d’être à ses côtés, et aux côtés de l’équipe dirigeante de très grande qualité, pour diriger ce groupe international présent en France, au Royaume-Uni, en Irlande, au Bénélux, en Espagne, au Portugal, en Italie, au Maroc, en Allemagne, en Pologne, en Slovaquie et en Roumanie essentiellement. Nous comptons plus de 13 000 salariés et nous réalisons plus de 2,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Europe.

 

 

Vous intégrez un groupe américain. Quelle place la direction juridique y occupe-t-elle ? 

J’ai la chance d’avoir intégré un groupe américain où la fonction juridique est en général très intégrée, très active et très respectée. XPO Logistics n’échappe pas à cette tendance, et il est vrai que la direction juridique est très bien positionnée dans les différentes organisations internes. J’ai également la chance de bénéficier d’une très grande autonomie dans la gestion des affaires juridiques en Europe, avec une grande confiance qui m’est accordée par la fonction juridique américaine, en plus de celle de la direction générale.

 

 

Comment le rôle de la direction juridique a-t-il évolué ces dix dernières années ?

La fonction juridique en entreprise a énormément évolué depuis les dix dernières années. C’était déjà le cas il y a dix ans, et encore dix ans auparavant…

Il faut retenir quelques éléments déterminants sur la transformation profonde du métier de juriste d’entreprise, liée à l’organisation des directions juridiques, à l’inflation législative et réglementaire galopante mais aussi à la digitalisation et à la mesure de la performance.

Ainsi, s'il y a dix ans, le juriste d’entreprise commençait à intégrer les organes de décision, aujourd’hui, la fonction juridique est un organe de management de l’entreprise au même titre que la finance, les ressources humaines, les systèmes d’information ou la communication.

De même, l’organisation était parfois un peu « timide », au sens où il y avait encore çà et là des directions juridiques « guichet ». Ce temps est maintenant totalement révolu dans nos entreprises, et les organisations des directions juridiques sont maintenant alignées sur celles de ses homologues des fonctions support, du modèle matriciel pour les grandes entreprises, au modèle intégré de la PME, en passant par le modèle plus classique de l’ETI.

Par ailleurs, nous assistons à une très forte inflation des normes juridiques, aussi bien européennes que nationales, avec parfois une rapidité d’entrée en vigueur qui laisse peu de temps à l’anticipation et à la prévision. L’agilité devient alors une qualité majeure et recherchée qui entraîne une inflation parallèle des spécialisations, d’où quelques pénuries dans certaines niches qui conduisent à des niveaux de salaire parfois très importants voire démesurés. 

Enfin, le digital a amélioré les méthodes de travail des juristes d’entreprises et les a parfois même littéralement bouleversées. Les legaltech sont de plus en plus nombreuses, elles se concurrencent. Elles étendent année après année un peu plus les fonctionnalités qu’elles peuvent proposer aux juristes, jusqu’à couvrir quasiment en temps réel les besoins globaux des directions juridiques, que ce soit en matière contractuelle, contentieuse, de conformité, corporate, sociale, d’archivage, de signature électronique, etc. De ce point de vue, une consolidation du marché des legaltech est d’ailleurs à prévoir dans les prochaines années.

 


La France a pris, le 1er janvier dernier, la présidence de l’Europe. En tant que directeur juridique Europe, qu’en attendiez-vous ?

Il aurait sans doute été intéressant de relancer un projet paneuropéen d’uniformisation de la règlementation du legal privilege dans l’Union européenne concernant les juristes d’entreprise, par exemple sur la base de ce qui existe en Espagne, où les avis des juristes d’entreprise sont protégés, au même titre que ceux des avocats exerçant en cabinets. En allant au-delà des traditionnels corporatismes français, uniques au monde et passablement dépassés, et en s’acheminant vers une profession unifiée du droit, nous serions beaucoup plus compétitifs et beaucoup plus attractifs pour les investisseurs étrangers. Une de mes premières conversations avec mes collègues américains portait sur leur incompréhension de l’absence du legal privilege me concernant et concernant les juristes de mon équipe en France, au-delà de l’étonnement lié à l’étendue des différentes professions du droit.

Ce sont des expériences très différentes mais toutes deux très enrichissantes. Différentes puisque les activités de ces entreprises sont des services IT et télécoms d’une part, et de la production industrielle beaucoup plus concrète d’autre part. L’activité d’Orange Business Services est aussi beaucoup plus mondiale que celle de Vallourec, avec une présence dans pratiquement tous les pays.

 


Comment vous définiriez-vous en tant que manager ?

Je suis un manager qui place sa confiance personnelle envers ses subordonnés de manière naturelle. Cela n’empêche pas le contrôle, mais il est important de manifester cette confiance, car c’est aussi cela qui donne au collaborateur son envie de faire et de réussir. Mon management est participatif à la base mais peut devenir très directif, notamment en période de crise ou d’urgence. J’aime atteindre les objectifs et générer des résultats, surtout lorsque cela est difficile ou ambitieux.

 

 

Quels sont les aspects de votre profession que vous appréciez le plus ?

C’est une profession passionnante qui comprend à la fois des questions très opérationnelles, pour lesquelles il convient d’apporter des réponses rapides et efficaces, mais aussi des questions de réflexion de long terme. Ainsi, l’activité suppose qu’il faut parfois réagir immédiatement avec un délai de réflexion et d’exécution court, notamment en période de crise ou de besoins immédiats, mais c’est également un métier où la réflexion plus longue et plus aboutie est aussi nécessaire pour mettre en place des plans d’actions en ligne avec les orientations stratégiques de l’entreprises et l’adaptation de la fonction juridique ou son accompagnement dans la transformation de l’entreprise, par exemple. 

 


Propos recueillis par Cécile Leseur et Constance Périn



 

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