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XPO Logistics, l’un des principaux
fournisseurs de services de transport routier de marchandises, a nommé son
nouveau directeur juridique Europe en la personne de Rémi Dujon, qui a déjà
occupé ces fonctions chez Vallourec et Orange Business Services. Pour le JSS,
il revient sur les principaux enjeux de ce nouveau poste, mais aussi sur la
place de la direction juridique dans les entreprises et son évolution.
Pouvez-vous
revenir sur votre parcours ?
Le fil conducteur de toute ma carrière
est le métier de juriste d’entreprise et l’utilisation du droit au service du
business, depuis mes premières fonctions de juriste d’entreprise chez France
Télécom, puis de directeur juridique chez Orange et Vallourec et enfin de
directeur juridique de XPO Logistics.
Toutes ces expériences m’ont permis de
progresser dans ma connaissance de ces secteurs économiques, mais aussi en
expérience professionnelle et managériale. Par ailleurs, j’ai évolué aussi bien
dans le B2C que dans le B2B, ce qui m’a permis de couvrir la plupart des
domaines du droit : droit des contrats, contentieux en attaque et en
défense, droit de la consommation, digital et retail classique, et des domaines
plus corporate comme le droit des sociétés ou encore le M&A, par exemple.
J’ai travaillé dans des entreprises
internationales et multiculturelles qui se trouvaient toutes dans des contextes
de transformation importante voire de crise. J’ai ainsi piloté des processus de
transformation de la fonction juridique, dont la digitalisation, mais aussi
accompagné et sécurisé le lancement de nouvelles activités.
J’ai notamment contré des fonds
activistes vendeurs à découvert ; négocié la distribution exclusive d’un
téléphone mobile révolutionnaire en Europe ; ou encore obtenu la
résolution d’un contentieux provisionné à hauteur de plusieurs dizaines de
millions d’euros par une transaction représentant moins de la moitié de la
provision passée dans les comptes.
Vous
êtes, depuis le 1er
décembre dernier, responsable des questions juridiques liées aux activités
européennes de XPO. Quels sont à ce titre les principaux
enjeux de votre mission ?
Il s'agit principalement de sécuriser
les activités du groupe en Europe, à la suite notamment d’un spin-off de ses
activités logistiques au deuxième semestre 2021.
Ainsi, j’ai plusieurs objectifs et angles d’actions
subséquents. La première dimension de ma mission sera organisationnelle, je
dois optimiser le fonctionnement de la direction juridique, m’assurer que la
fonction juridique est bien en place et opérationnelle, sans « trous dans
la raquette ». La deuxième est de m’assurer d’une qualité de service
irréprochable à l’égard de mes clients internes, c’est-à-dire le meilleur
compromis entre qualité optimale et rapidité du service rendu. La dernière
enfin consiste à placer la fonction juridique au plus haut des différentes
organisations, afin d’anticiper les éventuels risques ou difficultés, mais
surtout faire de la fonction juridique un couteau suisse au service du
business, pour maximiser notre performance collective dans le pilotage de nos opérations.
Vous faites également partie du
comité exécutif. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
La participation de la fonction juridique aux instances de
direction d’un groupe tel que le nôtre est devenu un standard de gouvernance.
Mon président, Luis Gomez, a parfaitement compris cela. Son expérience
internationale de plus de 25 ans dans ce métier du transport de marchandises et
du management d’entreprises, et donc en premier lieu des femmes et des hommes
qui les composent, lui ont inspiré une composition de son comité exécutif
particulièrement équilibrée, qu’il a d’ailleurs entièrement sélectionné selon
sa volonté et sa vision. C’est un grand honneur pour moi d’être à ses côtés, et
aux côtés de l’équipe dirigeante de très grande qualité, pour diriger ce groupe
international présent en France, au Royaume-Uni, en Irlande, au Bénélux, en
Espagne, au Portugal, en Italie, au Maroc, en Allemagne, en Pologne, en
Slovaquie et en Roumanie essentiellement. Nous comptons plus de 13 000 salariés
et nous réalisons plus de 2,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en
Europe.
Vous intégrez un groupe américain.
Quelle place la direction juridique y occupe-t-elle ?
J’ai la chance d’avoir intégré un groupe américain où la
fonction juridique est en général très intégrée, très active et très respectée.
XPO Logistics n’échappe pas à cette tendance, et il est vrai que la direction
juridique est très bien positionnée dans les différentes organisations
internes. J’ai également la chance de bénéficier d’une très grande autonomie
dans la gestion des affaires juridiques en Europe, avec une grande confiance
qui m’est accordée par la fonction juridique américaine, en plus de celle de la
direction générale.
Comment
le rôle de la direction juridique a-t-il évolué ces dix dernières années ?
La fonction juridique en entreprise a
énormément évolué depuis les dix dernières années. C’était déjà le cas il y a
dix ans, et encore dix ans auparavant…
Il faut retenir quelques éléments déterminants sur la transformation profonde du
métier de juriste d’entreprise, liée à l’organisation des directions
juridiques, à l’inflation législative et réglementaire galopante mais aussi à
la digitalisation et à la mesure de la performance.
Ainsi, s'il y a dix ans, le juriste
d’entreprise commençait à intégrer les organes de décision, aujourd’hui, la
fonction juridique est un organe de management de l’entreprise au même titre
que la finance, les ressources humaines, les systèmes d’information ou la
communication.
De même, l’organisation était parfois un
peu « timide », au sens où il y avait encore çà et là des directions
juridiques « guichet ». Ce temps est maintenant totalement révolu dans nos
entreprises, et les organisations des directions juridiques sont maintenant
alignées sur celles de ses homologues des fonctions support, du modèle
matriciel pour les grandes entreprises, au modèle intégré de la PME, en passant
par le modèle plus classique de l’ETI.
Par ailleurs, nous assistons à une très forte inflation
des normes juridiques, aussi bien européennes que nationales, avec parfois une
rapidité d’entrée en vigueur qui laisse peu de temps à l’anticipation et à la
prévision. L’agilité devient alors une qualité majeure et recherchée qui entraîne
une inflation parallèle des spécialisations, d’où quelques pénuries dans
certaines niches qui conduisent à des niveaux de salaire parfois très
importants voire démesurés.
Enfin, le digital a amélioré les méthodes de travail des
juristes d’entreprises et les a parfois même littéralement bouleversées. Les
legaltech sont de plus en plus nombreuses, elles se concurrencent. Elles
étendent année après année un peu plus les fonctionnalités qu’elles peuvent
proposer aux juristes, jusqu’à couvrir quasiment en temps réel les besoins
globaux des directions juridiques, que ce soit en matière contractuelle,
contentieuse, de conformité, corporate, sociale, d’archivage, de signature
électronique, etc. De ce point de vue, une consolidation du marché des
legaltech est d’ailleurs à prévoir dans les prochaines années.
La
France a pris, le 1er
janvier dernier, la présidence de l’Europe. En tant que directeur juridique
Europe, qu’en attendiez-vous ?
Il aurait sans doute été intéressant
de relancer un projet paneuropéen d’uniformisation de la règlementation du legal
privilege dans l’Union européenne concernant les juristes d’entreprise, par
exemple sur la base de ce qui existe en Espagne, où les avis des juristes
d’entreprise sont protégés, au même titre que ceux des avocats exerçant en
cabinets. En allant au-delà des traditionnels corporatismes français, uniques
au monde et passablement dépassés, et en s’acheminant vers une profession
unifiée du droit, nous serions beaucoup plus compétitifs et beaucoup plus
attractifs pour les investisseurs étrangers. Une de mes premières conversations
avec mes collègues américains portait sur leur incompréhension de l’absence du legal
privilege me concernant et concernant les juristes de mon équipe en France,
au-delà de l’étonnement lié à l’étendue des différentes professions du droit.
Ce sont des expériences très
différentes mais toutes deux très enrichissantes. Différentes puisque les
activités de ces entreprises sont des services IT et télécoms d’une part, et de
la production industrielle beaucoup plus concrète d’autre part. L’activité
d’Orange Business Services est aussi beaucoup plus mondiale que celle de
Vallourec, avec une présence dans pratiquement tous les pays.
Comment
vous définiriez-vous en tant que manager ?
Je suis un manager qui place sa
confiance personnelle envers ses subordonnés de manière naturelle. Cela
n’empêche pas le contrôle, mais il est important de manifester cette confiance,
car c’est aussi cela qui donne au collaborateur son envie de faire et de
réussir. Mon management est participatif à la base mais peut devenir très
directif, notamment en période de crise ou d’urgence. J’aime atteindre les
objectifs et générer des résultats, surtout lorsque cela est difficile ou
ambitieux.
Quels
sont les aspects de votre profession que vous appréciez le
plus ?
C’est une profession passionnante qui
comprend à la fois des questions très opérationnelles, pour lesquelles il
convient d’apporter des réponses rapides et efficaces, mais aussi des questions
de réflexion de long terme. Ainsi, l’activité suppose qu’il faut parfois réagir
immédiatement avec un délai de réflexion et d’exécution court, notamment en
période de crise ou de besoins immédiats, mais c’est également un métier où la réflexion plus longue et plus aboutie est aussi
nécessaire pour mettre en place des plans d’actions en ligne avec les
orientations stratégiques de l’entreprises et l’adaptation de la fonction
juridique ou son accompagnement dans la transformation de l’entreprise, par
exemple.
Propos recueillis par Cécile Leseur et Constance Périn
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