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Taverny (95)
Laetitia Turco est la fondatrice de Naest, entreprise proposant des vêtements adaptés et innovants destinés à faciliter les soins médicaux. Lauréate de Créatrice d’Avenir catégorie « Innovation », concours proposant un programme d’accompagnement de référence au sein de l’écosystème dédié à l’entrepreneuriat féminin en Île-de-France, elle revient pour le Journal Spécial des Sociétés sur la naissance de son projet en 2016, le chemin parcouru depuis, et ses objectifs à venir.
Pouvez-vous vous présenter brièvement ?
Je m’appelle Laetitia Turco, j’ai 45 ans, j’ai une double formation École de Commerce/École de Stylisme. Après un bref passage dans la musique, j’ai travaillé pendant 15 ans dans l’univers du textile en tant que styliste ou responsable de collection chez des grossistes ou dans des enseignes comme Dim, Eram, Bouchara.
Quand et comment est né votre projet ?
La quarantaine a été pour moi un ras-le-bol au niveau du boulot, avec l’impression de faire un job inutile, la perte de sens était totale. Parallèlement à cela, j’ai eu le malheur de voir mon père diminué par une maladie neuro-dégénérative. J’ai assisté ma mère qui aidait mon père, hospitalisé à la maison. C’est là que j’ai constaté la problématique de l’habillement des personnes malades. Mon père avait mal quand on l’habillait, ma mère se cassait le dos à essayer de lui faire le moins mal possible, et au final, les soignants nous ont conseillé de couper les vêtements dans le dos. La solution semblait être trouvée, mais la dignité en a pris un coup… Quand j’ai vu mon père recevoir ses amis avec un tee-shirt débraillé, parce qu’ouvert dans le dos, et une couverture sur les genoux parce qu’il était impossible de lui enfiler un pantalon, je me suis dis qu’il fallait vraiment que je fasse quelque chose en tant que styliste ! Et ma vie professionnelle a repris du sens !
Qui sont vos principaux partenaires et vos principaux clients ?
Nous vendons en direct au public sur notre site Naest. Nos principaux clients sont les établissements sanitaires et médico-sociaux. Ils investissement pour accompagner les patients sur les lits anti-escarres car certains de nos vêtements brevetés sont conçus de telle sorte que le dos est en contact direct avec le matelas. Avec d’autres établissements ou Sociétés de Services à la Personne, il s’agit plus d’un partenariat BtoBtoC.
Travaillez-vous en collaboration avec les professionnels de santé dans la conception des vêtements ?
Nous avons travaillé avec une quarantaine de soignants dans sept structures de soin différentes pour valider notre première collection (Ehpad, SSR, Cliniques, SSIAD, HAD, USLD). Aujourd’hui, nous continuons d’améliorer nos produits grâce aux retours des établissements. Nous avons notamment eu la chance d’être soutenus par le pôle Médico-Social et le pôle Innovation du Conseil général du Val-d’Oise. Grâce à eux, nous avons monté une expérimentation dans un Ehpad et un FAM (Foyer d’accueil médicalisé), pour tester les produits auprès des résidents et des soignants ; car nos vêtements améliorent aussi la qualité de travail des soignants en réduisant les manipulations des résidents.
Vos habits sont fabriqués en France, notamment dans des ateliers de réinsertion. Ces valeurs locale et sociale étaient-elles importantes pour vous ?
Fabriquer en France est un choix mûrement pesé et réfléchi. Le fait de pouvoir travailler facilement et rapidement avec des professionnels de haute qualité nous a convaincu même si la tâche est ardue, car les prix sont élevés et les fabricants rares. Pouvoir faire profiter des personnes en réinsertion par le travail nous fait vraiment plaisir, c’est notre contribution à un monde meilleur !
L’encadrement juridique de vos pièces uniques doit-être primordial. Comment sont-elles protégées ?
Nous avons été très bien conseillés dès le début par Stéphanie Rito (Cabinet Camus-Lebkiri) pour le droit des marques et Magaly Girardeau (Cabinet Girardeau) pour le conseil en propriété industrielle. Je les ai rencontrées dans le réseau du 95 lorsque j’étais incubée à Neuvitec (aujourd’hui La Turbine). Nous sommes fiers d’avoir pu déposer un brevet sur une chemise qui sera publié en mai 2020.
Vous avez lancé en décembre une campagne de financement participatif sur le site WeDoGood. Pourquoi cette campagne et quel en est le résultat ?
Nous souhaitons continuer notre recherche et développement sur de nouveaux produits mais malheureusement ce ne sont pas des choses qui sont prises en compte par la banque. Nous avons choisi la plateforme WeDoGood car elle ne soutient que des projets éthiques. Notre campagne est validée, nous avons recueilli plus de 15 000 euros pour une centaine de participants.
Vous êtes lauréate du Concours Créatrices d’Avenir en 2018 dans la catégorie « Innovation ». En quoi cela consiste-t-il ? Qu’est-ce que cette distinction vous a particulièrement apporté ?
Me présenter à ce concours m’a permis d’améliorer mon projet. Travailler à expliquer son concept permet aussi d’en détecter les zones de faiblesses. Ensuite, cela m’a offert la possibilité d’améliorer ma présentation orale, qui est absolument cruciale en tant que porteur de projet (notamment dans les rendez-vous avec la banque, avec les clients…). Enfin, cela permet de se confronter à la réalité : comment est reçu ce que je propose. Cerise sur le gâteau, même sans gagner, on rentre dans une communauté qui permet de booster le business et on gagne des parutions médias.
Votre entreprise a également reçu l’agrément d’État Entreprise solidaire d’utilité sociale. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous avons été chercher cet agrément d’État car il était totalement en accord avec nos valeurs : avoir une action utile pour la société, se fixer des limites de rémunération, monter un comité stratégique externe à la société. Cela permet de garder la tête froide. Si toutes les entreprises s’y mettaient… je vous laisse finir la phrase !
Quelles aides avez-vous reçues lors de la création de votre entreprise et quels ont été les principaux obstacles ?
Mon plus grand étonnement a été, et reste, les délais : on se rend compte que monter une entreprise est une course de fond et non une course de vitesse. Or, cela donne beaucoup de complexes quand on lit tout ce qui est censé se passer dans le monde des start-up. Une fois cela compris, il faut savoir tout faire. On ne peut pas rester dans sa zone de confort ; il faut apprendre, apprendre et encore apprendre. C’est passionnant et exigeant ! Mais surtout, il ne faut pas rester seul (mais il ne faut pas tout déléguer non plus !). Bref, un subtil équilibre est à trouver.
Quels sont vos projets à moyen et long terme ?
Nous sommes en train de monter de très beaux partenariats avec des sociétés qui ont les mêmes valeurs que les nôtres dans le monde associatif et dans la santé. Nous aimerions multiplier ces partenariats avec des directions d’établissements qui souhaitent améliorer le bien-être des patients et la qualité de travail de leurs soignants. À bon entendeur…
Propos recueillis par Constance Périn
À propos de Créatrices d’Avenir?
Depuis 2011, Créatrices d’Avenir a permis d’étudier 2?200 candidatures et sélectionner 135 finalistes puis 50 lauréates. Ces dernières ont bénéficié de dotations à hauteur de 300 000 euros mobilisées auprès des partenaires publics et privés du programme. Des dotations en numéraire, mais aussi en accompagnement (formation, mentorat, coaching, billets d’avion…) en fonction de leurs besoins. Les lauréates profitent également de l’important réseau de partenaires d’Initiative Île-de-France, et rejoignent la communauté active et solidaire des Créatrices d’Avenir. Des conditions favorables doublées d’une mise en lumière par la couverture médiatique de l’événement qui se révèlent être un réel booster pour l’activité des finalistes et lauréates.
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