Panorama de droit bancaire


samedi 13 janvier 20186 min
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Actualités Contrats d’affaires -  CEDI (Centre d’Étude du Droit de l’Insolvabilité)


Bastien Brignon, Maître de conférences HDR à l’Université d’Aix-Marseille, Membre du centre de droit économique (EA 4224) et du Centre de droit du sport d’Aix-Marseille

Adeline Cerati-Gauthier
, Maître de conférences Aix-Marseille Université, Membre du Centre de droit économique EA 4224

Anne-Marie de Matos
, Maître de conférences Aix-Marseille Université, Laboratoire interdisciplinaire de droit, médias et mutations sociales–LID2MS (EA 4328),

Vincent Perruchot-Triboulet
, Maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille, Membre du centre de droit économique (EA 4224)


La chronique du CEDI conduit ce mois-ci à évoquer le thème des contrats d’affaires. Le choix a été fait d’opérer une sélection à fois subjective et non exhaustive d’un certain nombre d’arrêts rendus par la Cour de cassation ces dernières semaines en droit bancaire. Le point commun des arrêts rapportés est de porter sur des questions à la fois importantes en pratique et qui suscitent réflexions ou interrogations. Ce panorama, débute par l’étude de clauses souvent comprises dans les contrats bancaires et se poursuit par l’analyse d’arrêts relatifs au contentieux toujours renouvelé de la responsabilité des établissements de crédit.

 

Clause de déchéance du terme et nécessité d’une mise en demeure du débiteur. Le premier arrêt rapporté date du 22 juin 2017 et émane de la chambre commerciale de la Cour de cassation. (1) Il concerne une clause de déchéance du terme dans un contrat de prêt d’argent à un particulier. Le Code de la consommation envisage la possibilité pour le prêteur d’exiger la totalité du capital restant dû en cas de défaillance de l’emprunteur en matière de crédit à la consommation (2) ou de crédit immobilier ,(3) mais reste muet sur les modalités de sa mise en œuvre. L’arrêt publié au bulletin rappelle à ce propos un principe désormais bien établi en vertu duquel « si le contrat de prêt dune somme dargent peut prévoir que la défaillance de lemprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier, sans la délivrance dune mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ». La solution a connu un précédent relativement récent. (4) à l’image de la clause résolutoire, la clause de déchéance du terme suppose donc nécessairement une mise en demeure (5). Il est néanmoins possible de prévoir une stipulation en sens contraire si elle est expresse et non équivoque. Sa validité sera naturellement plus facilement admise dans un contrat de prêt accordé à un professionnel pour les besoins de son affaire. La mise en demeure doit en outre indiquer le délai laissé au débiteur pour s’exécuter et régulariser sa situation. En l’espèce, dans le cadre d’un contrat de crédit immobilier consenti à un particulier dont les échéances étaient demeurées impayées, l’établissement de crédit avait demandé la déchéance du terme mais la validité de la mise en demeure était contestable car, après vérification d’écriture, il s’était avéré que la signature figurant sur l’accusé de réception n’est pas celle de l’emprunteur. Faute d’une mise en demeure valable et portée en amont, l’assignation étant insuffisante aux yeux de la Cour de cassation, la déchéance du terme ne pouvait aboutir. La question qui ne manquera pas de se poser désormais est de savoir si, en l’absence de précisions contractuelles, le délai laissé au débiteur pour régulariser ses impayés ne doit pas être raisonnable pour que la mise en demeure ne soit pas considérée comme purement formelle.

 

Clause d’anatocisme dans le prêt destiné à financer une activité professionnelle. L’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 20 septembre 2017 attire pour sa part l’attention sur la problématique de la capitalisation des intérêts moratoires. (6) La stipulation d’anatocisme est en principe illicite dans les contrats de prêts régis par le Code de la consommation, et notamment en cas de défaillance de l’emprunteur ou de remboursement anticipé. (7) La Cour de cassation considère au contraire qu’elle est valable dans les prêts destinés à financer une activité professionnelle sous réserve de respecter les conditions du Code civil : « aucune dérogation aux dispositions de larticle 1154 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de lordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, nest prévue pour les prêts destinés à financer une activité professionnelle ». Pour mémoire, l’ancien article 1154 du Code civil subordonnait l’anatocisme des intérêts échus à une convention spéciale et uniquement pour des intérêts dus pour au moins une année entière. La disposition était d’ordre public. La règle figure désormais à l’identique dans une formulation simplifiée au sein de l’article 1343-2 du Code civil. Ces conditions du Code civil au jeu de l’anatocisme sont autant de protection contre le risque d’une progression exponentielle de la dette par le jeu de la clause de capitalisation des intérêts auxquels les professionnels peuvent prétendre. Il est en outre pas inutile de rappeler que, depuis l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, les articles L. 611-10-1 et L. 622-28 du Code de commerce interdisent toute capitalisation des intérêts échus contre les débiteurs en procédure amiable ou collective de règlement de leurs difficultés.

 

Clause d’indemnité de recouvrement et qualification de clause pénale. Il n’est pas rare de trouver dans les contrats de crédit accordés à des professionnels des clauses d’indemnité de recouvrement. Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation a eu à en connaître dans un arrêt du 4 mai 2017. (8) De facture assez classique, elle était rédigée de la façon suivante : « si, pour parvenir au recouvrement de sa créance, le prêteur a recours à un mandataire de justice ou exerce des poursuites ou produit à un ordre, l’emprunteur s’oblige à lui payer, outre les dépens mis à sa charge, une indemnité forfaitaire de 7 % calculée sur le montant des sommes exigibles avec un montant minimum de 2 000 euros ». Comment analyser cette clause ? S’agit-il d’une clause pénale inscrite désormais à l’article 1231-5 du Code civil et figurant auparavant à l’article 1152 du Code civil ? La qualification de la stipulation est évidemment importante pour savoir si les tribunaux disposent du pouvoir de la réviser. Dans cette espèce, les juges du fond avaient retenu la qualification de clause pénale et avaient considéré que, eu égard à son caractère manifestement excessif, elle pouvait être modifiée. La Cour de cassation leur donne raison et pose « qu’ayant retenu que cette indemnité était stipulée à la fois comme un moyen de contraindre l’emprunteur à l’exécution spontanée, moins coûteuse pour lui, et comme l’évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le prêteur du fait de l’obligation d’engager une procédure, la cour d’appel en a exactement déduit que la clause prévoyant cette indemnité devait être qualifiée de clause pénale ». Cette riche motivation insiste sur le caractère mixte de la clause pénale servant à la fois un objectif comminatoire et un intérêt indemnitaire. Ces clauses n’ont pas toujours été qualifiées de clauses pénales par le passé (9) et la solution mérite donc d’être bien soulignée. Par ailleurs, en droit des procédures collectives, ces clauses sont désormais bannies lorsque le débiteur est en défaut de paiement ce qui en réduit l’intérêt pratique. En effet, la Cour de cassation considère qu’elles aggravent les obligations du débiteur en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de l’ouverture de la procédure collective. (10) (11) L’intérêt des clauses d’indemnité est donc limité : efficaces seulement contre les débiteurs in bonis, elles sont réductibles si elles sont manifestement excessives.

 

Hameçonnage et négligence grave du titulaire de la carte de paiement. Le contentieux qui oppose les porteurs de cartes bancaires aux établissements émetteurs n’en finit pas de défrayer la chronique judiciaire. Le dernier arrêt de la chambre commerciale, très largement diffusé, date du 25 octobre 2017 (12). Il est publié sur le site internet de la Cour de cassation et devrait générer à lui seul un important trafic d’internautes sur le site officiel car il traite de l’épineuse et récurrente question de « l’hameçonnage » ou « phishing » en anglais. Le contexte juridique est bien connu même sil est appelé

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