Culture

Pourquoi l'armée ouvrit-elle le feu sur les ouvriers en 1891 à Fourmies ?


dimanche 29 juin3 min
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EMPREINTES D'HISTOIRE. Presque chaque année, des incidents émaillent les défilés du 1er mai. Ultras, black blocs et autres trublions se mêlent à la foule paisible et viennent agresser, saccager, insulter. Cette année encore, des élus ont été pris à partie. La République sait toutefois maintenir l’ordre en évitant les conséquences corporelles et a fortiori les pertes humaines. Il n’en a pas toujours été ainsi. Notre chroniqueur évoque cette semaine le terrible 1er mai 1891 qui vit mourir de très jeunes manifestants pacifiques.

Le 1er mai 1886, les syndicats américains obtiennent la journée de huit heures. Mais des émeutes éclatent devant le refus de certains patrons.

Trois ans plus tard, en 1889, le Congrès international socialiste adopte cette date comme la « journée internationale des travailleurs ». Cette seconde « Internationale socialiste », fondée à l’initiative de Friedrich Engels, regroupant des délégations de 20 pays, se tient le 14 juillet 1889 à Paris.

Dès 1890, le 1er mai commence à être célébré comme journée de revendication ouvrière.

La préparation du 1er mai 1891 à Fourmies

Dans la cité textile du Nord, le Parti ouvrier prépare le 1er mai de Fourmies activement. Son secrétaire local, Hippolyte Culine, publie un appel, espérant que « les patrons de Fourmies n’oublieront pas la coutume du 1er mai traditionnel », et précisant les revendications (journée de 8 heures, horaires de travail et paie, hygiène dans les ateliers), les horaires des réunions des délégués et le programme associé : fêtes, représentations théâtrales, bal…

Les travailleurs s’apprêtent à partager des moments festifs et familiaux en utilisant cette journée symbolique comme un moment de revendication pour de meilleures conditions de travail, tout en demandant une bourse du travail, la journée de huit heures, la création de caisses de retraite.

Le patronat local, très conservateur, s’insurge et publie une proclamation :

« Considérant qu’un certain nombre d’ouvriers de la Région, égarés par quelques meneurs étrangers, poursuivent la réalisation d’un Programme qui amènerait à courte échéance la ruine de l’Industrie du pays (celle des patrons et aussi sûrement celle des travailleurs), considérant que dans les réunions publiques, les excitations et les menaces criminelles des agitateurs ont atteint une limite qui force les chefs d’établissement à prendre des mesures défensives, considérant encore que nulle part les ouvriers n’ont été ni mieux traités ni mieux rétribués que dans la région de Fourmies… les Industriels prennent l’engagement d’honneur de se défendre collectivement, solidairement et pécuniairement dans la guerre injustifiable et imméritée qu’on vient de leur déclarer… ».

En réponse, les « Groupes ouvriers de Fourmies » placardent l’appel suivant : « la bourgeoisie et le patronat se liguent ensemble pour déclarer la guerre aux ouvriers qui veulent revendiquer leurs libertés et combattre les abus… ils ont l’audace de dire que tous les ouvriers sont traités comme des seigneurs… il faut leur prouver notre union, leur faire sentir notre mépris, leur montrer que nous ne sommes pas les plus heureux de la terre, il faut fêter avec calme et dignité le 1er mai 1891 ».

Les travailleurs des 37 filatures de coton et de laine de Fourmies sont bien décidés à manifester dans le calme et la bonne humeur pour revendiquer la journée de huit heures.

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