Prostitution des mineurs : quels défis pour les professionnels ?


samedi 26 janvier 20193 min
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Hélène Bidart, adjointe d’Anne Hidalgo (Maire de Paris) en charge de l’égalité hommes/femmes, de la lutte contre les discriminations et des droits humains, a reçu Armelle Le Bigot-Macaux, présidente de l’Association contre la prostitution des enfants (ACPE). L’ACPE a organisé, le 30 novembre dernier, à Hôtel de ville de Paris, ce colloque qui a donné l’occasion aux parents de victimes, aux éducateurs, aux enquêteurs et à tous les acteurs luttant contre cette calamité d’échanger sur leurs expériences.

 


Barthélémy Hennuyer est substitut du procureur au parquet du tribunal de grande instance de Paris. Il souligne que la compétence judiciaire de l’Île-de-France et de la capitale sont souvent retenues. La protection de l’enfance entre dans le champ des missions du ministère public.
Le parquet des mineurs, en particulier, est quotidiennement confronté à la problématique de la fugue. Avec la brigade de protection des mineurs, il traite les dossiers de jeunes auteurs ou victimes d’infractions. Il prend également en charge ceux pour lesquels il estime qu’un péril existe, sans pouvoir nécessairement déterminer qu’une infraction y soit liée. L’escapade d’un jeune est un indice. La première difficulté rencontrée par le policier et le magistrat consiste à déterminer sa bonne interprétation. Est-elle le signe d’un conflit parental ou scolaire ? Est-on en présence d’une exploitation et de proxénétisme ?


Toutes les situations de fugue sont portées à la connaissance du parquet, soit le jour même de leur signalement, soit dans les jours suivants, selon la diligence du service et l’existence d’antécédents.
Les cas de récidive déclenchent une évaluation sociale ou éducative, c’est-à-dire la saisine de la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP). Celle-ci fait un point, sans se focaliser sur des infractions. Elle s’intéresse à la situation du mineur et de sa famille. Cette
étude est parfois lancée dès la première occurrence, en raison de sa durée ou d’éléments rapportés à son issue. En effet, le mineur de retour de fugue est interrogé sur les conditions de son périple, sa durée, les lieux fréquentés, les personnes rencontrées. En cas de premier soupçon de proxénétisme ou de prostitution, des exploitations téléphoniques peuvent être diligentées.


Le proxénétisme, dit de cité, a une dimension liée aux réseaux sociaux. Il existe un décalage de compétence entre les parents qui ne maîtrisent pas ces modes de communication et leurs enfants. Les délinquants ont, du reste, bien compris leur intérêt à profiter de cet espace. En effet, il est difficile d’y enquêter pour la police, d’obtenir des traces de messages, des éléments d’échanges. Cela suppose des réquisitions chez des opérateurs, souvent américains, et des délais de réponse importants. Faute de mieux, faute de temps, les dossiers se limitent donc à des captures d’écran sans pouvoir pousser davantage les réquisitions, sauf dans l’hypothèse d’un trafic d’ampleur.


Sur les investigations téléphoniques, en dehors des écoutes, l’analyse des factures détaillées d’un mineur qui revient d’une longue disparition fournit des informations précieuses. Elle permet de relever tous les numéros contactés, la fréquence des appels, et de détecter de potentielles mises en cause de personnes physiques identifiées, ayant des antécédents judiciaires susceptibles de conduire à une piste. Cependant, le parquet ne peut pas autoriser les écoutes téléphoniques ab initio, il doit solliciter le juge des libertés. Cette démarche consomme des moyens humains importants, elle ne s’applique que dans le cadre d’un dossier déjà ciblé. On utilise cette méthode en présence d’un faisceau de preuves déjà accumulées pour passer à l’étape supérieure et obtenir une caractérisation plus fine. Les écoutes sont extrêmement révélatrices. Elles permettent d’objectiver la présence de prostitution, de proxénétisme ainsi que celle de la violence, de la contrainte, de l’asservissement dans les échanges. Les discussions entre les proxénètes et les mineures exploitées sont rarement calmes.


Le problème principal pour les enquêteurs tient à l’évanescence probatoire due à un environnement sans trace : changement de puce électronique, locations immobilières précaires, réseaux sociaux, etc.,
le domaine est
éphémère, mobile, ce qui laisse peu de possibilités d’appréhension. Le magistrat ne dispose pas des moyens pour poursuivre tous les signalements qui, du reste, mèneraient le plus souvent à la relaxe ou à une peine insignifiante. Il filtre donc les dossiers contenant d’emblée des éléments intéressants menant à des condamnations à la hauteur des valeurs transgressées.



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