Quelle déontologie pour le(s) médiateur(s) ? Constats et perspectives selon le mode d’exercice


mercredi 20 mars 20197 min
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Cet article n’a bien évidemment pas pour vocation de répondre à toutes les questions autour de la déontologie du (es) médiateur(s). Il vise à mettre en évidence l’importance de certains principes, et leur respect, mais aussi les atteintes susceptibles d’y être portées, sachant que la déontologie est d’évidence à distinguer de l’éthique ou de la morale. La déontologie, de manière générale, repose avant tout non seulement sur l’énoncé et la mise en pratique, mais également le contrôle du respect des obligations dans les situations concrètes d’une « profession », afin d’en assurer le bon exercice. En cela, il existe des principes déontologiques que l’on pourra qualifier de communs à toutes les professions. Lors d’une intervention2, le professeur Joël Moret-Bailly3 a pu préciser que la déontologie sert avant tout à « répondre publiquement aux aspirations sociales, à l’indépendance, à la transparence, à la loyauté, à la prohibition des conflits d’intérêt... ». Et avec le développement du processus de médiation, tel qu’il est observé depuis plusieurs années, celui-ci doit reposer avant tout par une confiance en la personne du médiateur.



Dès lors, celui-ci devrait certainement être exempt de « reproches » sur un plan déontologique. Dans le cadre de la présente étude, seront tout d’abord rappelés les principes dits « de base » de la déontologie du médiateur (I) pour, par suite, évoquer quelles peuvent (doivent) être les perspectives d’une déontologie du médiateur (II) ; ceci abordé notamment avec certaines spécificités de la médiation administrative4.


 

I. PRINCIPES FONDAMENTAUX D’UNE DÉONTOLOGIE DU MÉDIATEUR

 

1. Le nécessaire respect de la confidentialité en médiation


La confidentialité est, à n’en pas douter, le principe essentiel, pour ne pas dire général, du processus de médiation, tant il est celui que l’on se doit de préciser et d’en informer les parties au démarrage du processus de médiation, en ayant même spécifiquement recours à la signature d’un accord de confidentialité.


Ainsi, tout futur médiateur en formation ou médiateur confirmé a conscience que maintenir la discrétion autour d’un conflit et son règlement est une préoccupation fréquente des parties, et même une des raisons principales qui motive le recours à la médiation plutôt qu’à d’autres MARD (modes alternatifs de règlement des différends), voire au procès lui-même. Les personnes au litige peuvent en effet craindre pour leur image publique ou leur réputation personnelle, et la confidentialité se révèle donc comme un critère important du choix dans la mise en œuvre du processus.


En médiation, on distingue en réalité deux formes de confidentialité : au sens strict, de par les textes qui encadrent le processus, le principe de confidentialité s’applique entre le médiateur et chacune des parties pris séparément, et au sens large, le principe de confidentialité s’étend aux acteurs de la médiation, c’est-à-dire les parties et le médiateur vis-à-vis de tous les tiers extérieurs. L’intérêt majeur de la confidentialité en médiation est de surmonter une contradiction inhérente au procès et au processus juridictionnel. La justice, qu’elle soit judiciaire ou administrative, doit être rendue en public, hormis les cas exceptionnels de huis clos. De même, le principe du contradictoire oblige la communication des pièces, alors même que la médiation évite cet écueil dès lors que la mise en place du processus vise au contraire à accroître le flux d’informations entre les parties, et entre celles-ci et le médiateur, en limitant le risque lié justement à sa diffusion extérieure.


Nous rappellerons donc le dispositif (a), ses exceptions (b) et ses spécificités en matière de médiation administrative (c).



a. Le dispositif du principe de confidentialité en médiation 


L’intérêt du processus de médiation pour les parties au litige est avant tout qu’elles auront la garantie que ce qu’elles diront et ce qu’elles échangeront sera couvert par la confidentialité de ces échanges. C’est donc bien en vue d’instaurer une véritable confiance entre des parties en conflit que le principe de confidentialité trouve une place prépondérante qui s’est imposée naturellement, tant au cours de la médiation elle-même qu’après son terme.


S’agissant donc du cadre légal, le principe de confidentialité concerne, pour le médiateur (comme pour les médiés), tous les types de médiation, qu’elles soient donc conventionnelles (Code de procédure civile, art. 1531), ou judiciaires (Code de procédure civile, art. 131-14) mais aussi bancaires (Code monétaire et financier, art. L. 315-1). En matière de médiation administrative, c’est l’article L. 213-2 du Code de justice administrative, introduit par la loi du 18 novembre 2016 précitée, pris en son deuxième alinéa, qui rappelle ce principe dans des termes à peu près équivalents à ceux des dispositions précitées en matière de médiation judiciaire.


À noter que si le principe de confidentialité du processus de médiation apparaît donc précisément encadré juridiquement, il n’a nullement été prévu par le législateur de sanctions spécifiques en cas de violation (à titre d’exemple, sanction professionnelle qui serait prononcée par un Ordre en cas de non respect, comme cela s’applique pour les avocats).


À ce stade de l’état du droit sur le statut du médiateur, cette absence de sanctions professionnelles peut certainement trouver sa justification dans le fait que toute atteinte à la confidentialité du processus de médiation par le médiateur lui-même pourra être sanctionnée par le recours au droit commun. En effet, les parties qui subiraient une telle atteinte, disposeraient alors des modalités de recours issues des dispositions du Code de procédure civile5?afin de le faire respecter, voire d’en obtenir réparation.



b. Les exceptions à la confidentialité du processus de médiation


Si la confidentialité de la médiation a été érigée en principe général, des exceptions ont été envisagées afin précisément de ne pas figer le processus au risque même que de telles exceptions constituent une entorse susceptible d’entraver le processus, de médiation lui-même, au regard des préceptes et attentes précisés ci-dessus. Mais de telles limites sont résiduelles et en réalité nécessaires au regard de certains principes considérés comme supérieurs, qui tiennent notamment à la nécessité de protection de l’Ordre public et des parties elles-mêmes.
En effet, la médiation ne doit certainement pas être un procédé dans lequel, au titre d’un principe de confidentialité absolue, des victimes qui seraient l’objet de violences psychologiques, physiques ou d’actes pénalement répréhensibles, ne seraient plus protégées.


Les limites au principe général de la confidentialité de la médiation ressortent donc de textes qui ont ainsi précisé quelles étaient les exceptions, en distinguant les situations dans lesquelles il sera fait exception à la confidentialité de la médiation. La directive européenne 2008/52/CE du 21 mai 2008 relative à la médiation en matière civile et commerciale, a apporté des limites dans son article 7 intitulé « Confidentialité de la médiation », en autorisant la divulgation dinformations dans certaines situations. L’ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 20116, prise en son article 21-3, alinéa 3, énonce également deux hypothèses de levée de la confidentialité de la médiation. Cette même ordonnance précise dans son article 23que les dispositions du chapitre 1 sur la médiation civile et judiciaire « ne sont pas applicables aux procédures pénales ».


Le Code de déontologie du médiateur, instauré en France en février 2009 (voir infra), précise également les limites au principe de confidentialité : « Le médiateur ne divulgue ni ne transmet à quiconque le contenu des entretiens et toute information recueillie dans le cadre de la médiation (…) sauf obligation légale et risque de non-respect de l’ordre public. » En matière de médiation administrative, qui sera plus spécifiquement évoquée ci-après, c’est l’article L. 213-2 du Code de justice administrative, introduit par la loi du 18 novembre 2016, pris en son troisième alinéa, qui précise les exceptions.


Les exceptions en vertu desquelles l’obligation de confidentialité pourra être levée (en cas de raisons impérieuses d’ordre public, de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne) sont ainsi protectrices des personnes. En effet, la médiation ne saurait permettre de rendre confidentiels des faits contraires à l’ordre public ou des situations qui requièrent leur révélation en vue d’assurer la protection des personnes. Une autre exception au principe de confidentialité est avérée « lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution ». Il est bien évidemment dans l’intérêt des médiés, que la confidentialité de la médiation n’entrave pas l’exécution d’un accord de médiation, qui nécessiterait que soient révélés des constatations, des déclarations, voire l’accord lui-même et son contenu. Mais il est certain que si des difficultés d’exécution apparaissent, les parties doivent pouvoir user de cette exception. 



c. Les spécificités de la notion de confidentialité en médiation administrative


L’obligation d’une autorisation de l’Assemblée délibérante sur l’accord écrit de médiation.


En matière de médiation administrative, il doit être souligné certaines spécificités de la notion de confidentialité au regard de la qualité d’une des parties (personnes publiques, et plus spécifiquement pour les collectivités territoriales).


En effet, si la médiation aboutit à la signature d’une convention de médiation (l’accord écrit n’étant d’ailleurs pas obligatoire), celle-ci ne peut dès lors intervenir sans l’autorisation préalable de l’organe délibérant (conseil municipal pour les communes, par exemple), sauf délégation à l’exécutif expressément permise par des textes particuliers7. Ainsi, le Code général des collectivités territoriales prévoit que l’organe délibérant doit se prononcer sur « tous les éléments essentiels du contrat à intervenir au nombre desquels figurent, notamment, la contestation précise que la transaction a pour objet de prévenir ou de terminer et les concessions réciproques que les parties se consentent à cette fin8 ».


Toutefois, il doit être so

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