Quelles modalités d’investissement dans le vin ?


mercredi 26 septembre 20188 min
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La consommation de vin, « même avec modération », ne cesse de progresser dans le monde et l’investissement dans ce domaine peut se révéler attractif.


La France est le pays dans lequel le vin est la boisson alcoolisée la plus consommée. Elle a produit 35,6 millions d’hectolitres en 2017, et est l’un des trois premiers exportateurs mondiaux.


En dix ans, l’indice des cent plus grands crus français (WineDex 100) s’est apprécié de 146 %.


C’est pourquoi l’« or rouge » français attire de nombreux investisseurs, désireux de diversifier leurs placements, lesquels peuvent prendre plusieurs modalités : l’achat de bouteilles en direct ou via des caves gérées par des professionnels, l’achat de parts de groupement fonciers viticoles ou fonds communs de placement, et l’achat de propriétés viticoles.




Achat de bouteilles en direct ou via des caves gérées par des professionnels


L’investissement dans le vin peut d’abord se présenter sous la forme la plus simple, à savoir l’acquisition de bouteilles de vin, soit directement, soit via l’intermédiaire de sociétés d’exploitation (caves patrimoniales).




Investissement par l’acquisition directe de bouteilles de vin


Tout amateur de vin peut procéder à l’acquisition de bouteilles de vin en direct, que ce soit sur des sites Internet, directement auprès des producteurs ou encore via les ventes aux enchères pour les vins les plus prestigieux.


Toutefois, pour espérer un retour sur investissement, l’acquisition demande une très bonne connaissance des grands crus et des envies des acheteurs en cas de revente.


En cas d’acquisition aux enchères, l’acquéreur devra garder en tête qu’en plus du prix de vente, il devra également payer la commission du commissaire-priseur (de l’ordre de 10 à 20 % HT, selon les maisons et les sites), à laquelle il convient d’ajouter les frais de stockage s’il ne dispose pas de cave appropriée.




Investissement via des caves patrimoniales


L’investissement via des caves patrimoniales s’est multiplié ces dernières années. Par conséquent, l’investisseur peut désormais faire appel à une cave « clé en mains » en s’inscrivant sur une plateforme en ligne lui permettant ainsi de composer sa propre cave patrimoniale « sur mesure », mais également de la gérer en ligne, par le biais d’un tableau de bord, tel un portefeuille boursier.


Ensuite, la gestion de la cave est déléguée à une société d’exploitation professionnelle qui prendra en charge l’assurance de la cave ainsi que sa gestion logistique : entretien de la cave, transport, stockage etc.


À noter toutefois que l’Autorité des marchés financiers (AMF) établit une liste noire recensant les plateformes d’investissement à éviter, notamment du fait que celles-ci ne disposent pas d’un numéro d’enregistrement délivré par l’AMF. Un certain nombre de plateformes dédiées à l’investissement dans le vin ont ainsi récemment été épinglées comme lacavepatrimoniale.com, cavacave.com, investirdans-le-vin.com et invest-wine.fr.



En cas de revente des bouteilles de vin


Lorsque l’investisseur procède à la revente de bouteilles acquises soit directement, soit via l’intermédiaire de caves patrimoniales, celle-ci est soumise aux règles applicables aux plus-values de cession de biens meubles (article 150 UA du CGI).


Les ventes dont le prix de cession est inférieur à 5 000 euros sont exonérées d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux (article 150 UA, II-1° du CGI). Ce montant s’apprécie cession par cession.


Pour les cessions de vins supérieures à 5 000 euros, la plus-value imposable est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition du vin.


Le montant de cette plus-value pourra être réduit d’un abattement dont le taux est fixé à 5 % par année de détention du vin au-delà de la deuxième année, d’où une exonération totale de la plus-value en matière d’impôt sur le revenu après 22 ans de détention.


La plus-value ainsi calculée sera soumise à l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 19 % auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux actuellement en vigueur de 17,2 %.


Dans la mesure du possible, il est donc conseillé de procéder à des reventes d’un montant inférieur à 5 000 euros.

 


Achat de parts de GFV ou de FCP



Souscription au capital de groupements fonciers viticoles


Les investisseurs ont également la possibilité d’investir dans des GFV par l’acquisition de parts, leur permettant de devenir copropriétaires d’un domaine viticole dont l’exploitation est confiée à un exploitant.


Il s’agit d’une société civile créée dans le but d’acquérir et de louer des vignobles de haute qualité à des viticulteurs professionnels.


Ainsi, le capital de chaque GFV est divisé en parts souscrites par des particuliers qui en deviennent associés.


Les revenus générés par l’activité constituent des revenus fonciers et sont donc, en principe, imposables à l’impôt sur le revenu au barème progressif ainsi qu’aux prélèvements sociaux de 17,2 %.


Cette imposition peut toutefois être limitée si les revenus n’excèdent pas la somme de 15?000?euros, auquel cas l’investisseur pourra bénéficier du régime du micro-foncier permettant la taxation à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux de seulement 70?  de sa quote-part des loyers.


En cas de déficit généré par l’exploitation viticole, celui-ci pourra s’imputer sur les éventuels autres revenus fonciers perçus par l’investisseur à raison, par exemple, de la location d’un bien immobilier.


De plus, les parts de GFV peuvent être exonérées d’impôt sur la fortune immobilière à hauteur de 75 % de leur valeur sous certaines conditions. Il en est de même en cas de succession ou donation des parts.


En cas de revente des parts du GFV, la plus-value de cession générée sera soumise au régime des plus-values immobilières et taxée à l’impôt sur le revenu au taux proportionnel de 19?% et aux prélèvements sociaux de 17,2 %.


En cas de détention des parts du GFV depuis plus de cinq ans, cette plus-value sera diminuée d’un abattement pour une durée de détention aboutissant à une exonération d’impôt sur le revenu au bout de 22 ans de détention et de prélèvements sociaux au bout de trente ans.


À noter toutefois que ce type d’investissement présente en général un rendement relativement faible et difficile d’accès, dans la mesure où ce produit d’investissement est très demandé et l’offre limitée.



Investissement dans un FCP professionnel spécialisé dans le vin


Ce type d’investissement, relativement récent, consiste en un placement collectif exigeant une mise de départ souvent conséquente (environ 30?000?euros). Le gestionnaire du fonds se charge de l’achat des bouteilles de vin, ainsi que de la revente et de la liquidité des parts.


En souscrivant à un tel fonds, l’investisseur possède donc des parts de grands vins. Pendant la durée de détention de celles-ci, les bouteilles de vin seront entreposées dans un entrepôt et en cas de sortie du fonds, seul le montant correspondant à la valeur des parts au moment du retrait sera restitué (et non les bouteilles !).


En termes de revenus, la possession de parts de FCP peut engendrer des distributions de dividendes et la réalisation de plus-values. Afin de connaître précisément le régime fiscal applicable à ces revenus, l’investisseur devra nécessairement prêter attention au régime fiscal propre du FCP.


Pour rappel, les revenus perçus en 2018 sont en principe soumis de plein droit à la Flat tax, soit une imposition au taux global de 30 % (12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux) ou, sur option, au barème progressif de l’impôt sur le revenu (avec application d’un abattement de 40 % sur le montant des dividendes bruts).


Ces investissements s’adressent à une clientèle qui ne dispose pas de la possibilité d’acquérir leur domaine.

 



Achat de domaines viticoles


Pour les passionnés de la terre désireux d’en faire leur métier et les investisseurs disposant de moyens plus significatifs, l’acquisition d’un domaine viticole se révèle être un investissement plaisir et rentable. Toutefois, cet investissement nécessite de solides connaissances en matière viticole ; il est donc fortement conseillé de s’entourer de professionnels compétents pour procéder à une telle acquisition.


Compte tenu des spécificités du domaine viticole, l’intervention d’experts est à privilégier pour accompagner les investisseurs dans la transaction.


En effet, les experts pourront intervenir dans les domaines suivants :


l’audit foncier et l’évaluation de la propriété : expertise foncière permettant de déterminer les qualités objectives de la propriété (terroir, plantations, installations techniques, etc.) la conformité avec les règles spécifiques au vignoble cible (AOC, densité de plantation, cépages, etc.) ; lorsque l’acquéreur sollicite l’intervention d’un expert foncier, il peut également lui demander un avis de valeur pour valider le prix de vente demandé par le vendeur ;


l’inventaire, la dégustation et la vérification de la qualité du vin sont effectués par un courtier assermenté ou un œnologue ;


le contrôle de l’absence de pollution atmosphérique dans les lieux de stockage du vin est effectué par un laboratoire spécialisé, il en mesure les quantités de composés organochlorés, organo-phénolés et d’isobornéols ;


l’inspection des bâtiments est réalisée par un expert spécialisé pour rechercher la présence d’amiante, de plomb, de termites, etc (diagnostics à réaliser par le vendeur) ;


l’expertise du château : l’acquéreur peut se faire accompagner d’un architecte pour se conforter sur la qualité des bâtiments et pour avoir un avis sur la possibilité de les transformer.


Ces investissements peuvent être réalisés sous différentes formes : acquisition par l’investisseur des actifs immobiliers et mobiliers affectés à l’exploitation (parcelles cultivées, droits de replantation, terres nues, immeubles bâtis, droits de propriété intellectuelle, matériels nécessaires à l’exploitation, etc.) ; acquisition des titres de la ou des sociétés propriétaires des actifs nécessaires à l’exploitation, exploitante(s) du domaine viticole et exerçant l’activité de vente des produits issus (ou non) de l’exploitation (sociétés commerciales ou agricoles comme SCEA/SCEV, GFA, coopératives agricoles).


La cession d’un fonds agricole est soumise aux règles applicables en matière de plus-values professionnelles et peut faire l’objet d’une exonération d’impôt (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés).


Quant à la cession de parts de sociétés agricoles, celle réalisée par un associé non exploitant sera soumise au régime des plus-values privées sur cession de droits sociaux et valeurs mobilières, avec application éventuelle d’un abattement pour durée de détention. L’associé exploitant cédant sera quant à lui taxé selon le régime des plus-values professionnelles.


L’intervention d’avocats au cours de la transaction est nécessaire car les parties devront être conseillées dans toutes les étapes de la transaction, préparer le projet de vente, réaliser des audits juridiques, fiscaux et sociaux, coordonner les différents experts, négocier et rédiger la documentation juridique, structurer l’acquisition pour l’acheteur et l’accompagner à l’issue de l’acquisition dans le suivi juridique, fiscal et social de l’exploitation viticole.


Cela permet également pour l’acquéreur, de connaître le montant des droits d’enregistrement, dus à raison, de l’acquisition du domaine, les contraintes liées à d’éventuels droits de préemption, à l’obtention d’autorisation d’exploiter, etc.


En effet, quand bien même une telle acquisition présente un attrait significatif, il s’agit, pour les propriétaires viticoles d’une certaine taille, de l’acquisition d’une entreprise. Mieux vaut en conséquence ne pas se précipiter et anticiper les conséquences d’une véritable exploitation viticole.


En cas de revente, si une plus-value de cession est réalisée, celle-ci sera soumise à l’impôt (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés selon la forme de l’exploitation), sauf si elle entre dans le champ d’une exonération spécifique notamment au domaine agricole.

 


En conclusion, les différentes modalités d’investissement dans le vin ont l’avantage de pouvoir concerner tout type d’amateur et tout type de portefeuille.


Le point commun d’un tel investissement est qu’il doit s’envisager sur le long terme. Ainsi, comme tout investissement, il requiert de la patience et de la prudence quand bien même certains investissements pourraient présenter des avantages fiscaux.


Le risque n’étant pas exclu en matière d’investissement dans le vin, les professionnels conseillent généralement aux particuliers désireux d’investir dans le vin de limiter cet investissement à 5 % de leur patrimoine.


 


Jean-François Bette,

Avocat associé
Responsable du département droit fiscal du cabinet Simon Associés


Julie Menette,

Avocate,

Département droit fiscal du cabinet Simon Associés



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