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jeudi 27 septembre 20186 min
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27/09/2018 11:57:02 1 1 1409 10 0 13019 1349 1396 Le rosé français qui n’était pas français ! Ou la problématique des vins sans indication géographique





Alors que les premières semaines de septembre nous accordent la faveur d’un été prolongé, que les vendanges sont déjà terminées dans les zones viticoles méridionales et bien avancées dans les vignobles septentrionaux, la chaleur des fins de semaines et la douceur des fins de journée sont autant d’incitation à conserver les habitudes de nombre de consommateurs de vins à cette époque de l’année, en préférant le rosé aux autres couleurs de robe que peuvent nous offrir les vignes françaises. Rosé français, donc, mais ce rosé est-il véritablement français, autrement dit les raisins proviennent-ils de vignes plantées et cultivées en France ?


Tout remonte à 2015. En effet, dès la fin de cette année 2015, l’Administration, et plus précisément la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) a été alertée à propos de la « francisation » de vins espagnols. Une enquête a été ouverte en 2016 et poursuivie en 2017. Au cours de ses investigations, la DGCCRF a constaté que la francisation de vin rosé d’origine espagnol concernait plus de 70 000 hectolitres pour quatre « négociants-producteurs », dont plus de 30 000 hectolitres par un seul négociant. Ainsi, au moins 100 000 hectolitres de rosé espagnol ont été francisés au cours de cette période, identifiés et retrouvés par la DGCCRF auprès des établissement commercialisant du vin que l’on peut regrouper juridiquement sous l’appellation des distributeurs (négociants) et des « débits de boissons » (cafés, bars et restaurants), ce qui représente environ 10 millions de bouteilles de vin rosé.


La francisation du vin, autrement dit, le fait de vendre des « Vins de France », a été réalisée de deux façons différentes. Pour une partie, elle était réalisée au moyen d’une présentation confusionnelle des vins vendus. Ainsi, la DGCCRF a relevé des manquements tels que l’absence de mention d’origine du vin d’une carte des vins, une confusion entretenue par l’utilisation de dénominations commerciales en français (avec une fleur de lys, une cocarde française ou bien par une mention « Produced in France » ou « Embouteillé en France »). Des restaurateurs mal intentionnés proposaient du « vin de la maison », un « kir aligoté » ou un « vin IGP OC », alors qu’en réalité le vin servi était espagnol. Cette fraude allait parfois jusqu’à usurper une IGP (Indication Géographique Protégée) française.


Comment expliquer une telle fraude au pays des AOC (Appellations d’Origine Contrôlée) ou les signes de qualité des produits et denrées alimentaires ? On peut avancer principalement deux raisons à cette tromperie de grande ampleur. En effet, l’Espagne a connu d’importants excédants de production viticole, notamment en vin rosé, en 2016, alors qu’au cours de la même année, les volumes étaient peu importants en France. Cette situation a provoqué une baisse des prix des vins espagnols autour de 0,35 euro le litre en 2016, alors qu’un vin français de qualité semblable était vendu à 0,85 euro, la même année. La récolte 2017 ayant été très petite en général dans l’Union européenne, la situation s’est rééquilibrée, sur ce point, entre les deux pays.


Cette tromperie sur l’origine des vins rosés met en évidence la délicate question des vins sans indication géographique. En effet depuis le 1er août 2009, l’Union européenne permet de commercialiser des vins sans indication géographique, également appelés VSIG, avec pour indication un nom de cépage ou un millésime. Antérieurement, seuls les vins de pays devenus les vins à indication géographique protégée (IGP) pouvaient utiliser sur leurs étiquettes des mentions valorisantes car le cépage peut constituer une information primordiale pour le consommateur.


Désormais, les « vins de table » sont commercialisés sous la dénomination « vin » qui peut être complétée par le pays de leur provenance, comme « Vin de France » pour les vins produits en France ou « Vin d’Espagne » pour les vins espagnols, avec la mention du millésime ainsi que du ou des cépages. Ces vins sont parfois appelés « Vins sans indication géographique » ou « VSIG ». Toutefois, les États membres doivent mettre en place une procédure de certification afin de garantir la véracité des informations mentionnées sur l’étiquette ou dans la désignation du vin (prospectus de vente, carte des vins d’un restaurant, étalage d’une boutique) relatives au cépage et au millésime. Cette procédure doit permettre d’assurer la traçabilité des vins (C. rur. et pêche mar., art. R. 665-18 et s.).


FranceAgriMer gère cette procédure qui comporte l’agrément des producteurs et la certification des vins :


L’obtention de l’agrément préalable est nécessaire pour tout opérateur qui réalise, pour un vin ne bénéficiant pas d’une appellation d’origine protégée (AOP) ou d’une IGP, autrement dit un vin VSIG, la mise à la consommation sur le territoire national d’un vin non conditionné (vin en vrac), l’expédition hors du territoire national d’un vin non conditionné ainsi que le conditionnement d’un vin (C. rur. et pêche mar., art. R. 665-18
à R. 655-22). L’opérateur peut être défini comme tout professionnel : négociant, producteur, caviste ou bien encore cave coopérative. Il est responsable de la véracité des informations mentionnées sur l’étiquetage du vin ou indiquées dans sa désignation ainsi que les informations relatives au cépage et au millésime. Il doit assurer la traçabilité des cépages et des millésimes aussi bien dans le processus interne à son entreprise que lorsqu’il met le vin sur le marché. L’agrément a pour but d’assurer que l’opérateur dispose des moyens de maîtriser cette traçabilité (registre des coupages, documents d’accompagnement du vin, notamment). L’agrément est retiré lorsque l’opérateur cesse de remplir l’une des conditions requises pour son obtention.


La certification du vin a pour finalité de garantir la véracité des informations fournies par l’opérateur. Elle est réalisée au moyen de déclaration par l’opérateur à FranceAgriMer dans laquelle il indique son identité et son numéro d’agrément, le volume que l’opérateur envisage de commercialiser ainsi que le cépage et le millésime, les éventuelles procédures internes et externes de contrôle de la qualité et de certification mises en place par l’opérateur. De plus, il doit s’engager à se soumettre aux vérifications qui seraient réalisées, de tenir à la disposition des organismes de contrôle les documents et enregistrements nécessaires à ce dernier, de supporter les frais de contrôle, d’informer FranceAgriMer de toute modification le concernant ainsi que d’indiquer avant le 31 août de chaque année, le volume de vin réellement commercialisé en hectolitres, par cépage et par millésime au cours de la campagne précédente.


Ainsi, l’opérateur doit déclarer avant le début de chaque campagne vitivinicole, les volumes prévisionnels qu’il envisage de commercialiser avec indication du cépage et du millésime afin d’obtenir le certificat correspondant.


 


Sources bibliographiques :



- S. Visse-Causse, Droit du vin : de la vigne à la commercialisation du vin, collec. Droit Expert, Gualino, 2017.


- Fiche Vin, « Les Fiches de FranceAgriMer », févr. 2018.


- Vins sans indication géographie : le point de la réglementation, Fiche pratique DGCCRF, déc. 2017.


- Vins : lisez les étiquettes ! Fiche pratique DGCCRF, juin 2018.


- Pratiques commerciales trompeuses : les clés pour les reconnaître et s’en prémunir, Fiche DGCCRF, janv. 2018.


 


Christine Lebel,


Maître de conférences HDR (CRJFC, EA 3225),


UFR SJEPG (Université de Franche-Comté),


Vice-présidente de l’AFDR


 


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