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La juridiction financière préconise un renforcement de la lutte contre la fraude à l’assurance, qui représente 4 milliards d’euros de pertes. La piste d’un remboursement des soins en fonction des revenus et celle d’une réduction des soins avec une efficacité limitée tels que les cures thermales sont également envisagées.
Envié par de nombreux pays
étrangers, le système de santé français, particulièrement protecteur, reste peu
efficient et en crise. Bien que le déficit de la sécurité sociale se soit avéré
moins alarmant que prévu en 2024 (15,3 milliards d’euros), les dépenses de
l’objectif national des dépenses d’assurance (Ondam) qu’elle finance « progressent
fortement », observe en effet la Cour des comptes dans une note de
synthèse rendue publique lundi 14 avril.
Voté en loi de financement de
la sécurité sociale pour
2025, l’Ondam atteint 265,4 milliards d’euros, soit + 4,8 % par an depuis
2019 contre +2,4 % entre 2015 et 2019, hors Covid, précise la Cour. « Ce
faisant, sa part dans le produit intérieur brut passerait de 8,2 % en 2019
à 8,9 % en 2025, et 13 milliards non comptabilisés dans l’Ondam ont aussi été
empruntés par la Caisse d’amortissement de la dette sociale pour financer le
désendettement et la relance de l’investissement des établissements de santé de
2021 à 2029 (Ségur de la santé) ».
Les trois branches de la
sécurité sociale pilotées par l’Ondam (maladie, autonomie et accidents du
travail/maladies professionnelles) cumulent quant à elles un déficit annuel qui
passerait de 11,8 milliards d’euros en 2024, à 20,1 milliards en 2028.
Un remboursement des soins selon
les revenus ?
Alors, « comment
améliorer l’efficacité des dépenses de l’objectif national de dépenses
d’assurance maladie tout en assurant le même niveau de prise en charge ? »
Parmi la quinzaine de propositions identifiées par la Cour pour réaliser entre
19 et 21 milliards d’euros d’économie, la mesure qui promet de faire le plus grincer
des dents les Français suggère de repenser le champ du remboursement en
fonction du niveau de revenus des assurés, en s’inspirant du « bouclier
sanitaire » pratiqué en Allemagne.
Concrètement, chaque patient
contribuerait à ses frais de santé « à proportion de ses revenus, dans
la limite d’un plafond au-delà duquel les frais sont pris en charge à 100 % par
l’assurance maladie ». Une façon, selon la juridiction financière, de
limiter les importantes disparités de reste à charge entre les assurés.
Les personnes dont les
revenus sont les plus bas pourraient pour leur part être prises en charge au
premier euro, de même que pour les soins pour les affections longue durée.
Reste à savoir quelle serait la tranche de salaires jugée comme la plus basse
et ainsi la part de population qui devra s’acquitter d’une reste à charge plus
élevé, la Cour n’ayant pas apporté de précision sur ce point.
Cette idée d’un remboursement
selon les revenus, déjà évoquée par le ministre de l’Economie Eric Lombard en
janvier dernier, semble toutefois aller à l’encontre du système de santé français,
selon lequel chaque assuré bénéficie du même niveau de couverture de la
Sécurité sociale pour les soins et les médicaments, quels que soient ses
revenus. Quant à ceux qui excèdent le plafond de prise en charge, une
complémentaire santé payante devenue obligatoire pour les salariés vient
rembourser la différence.
La Cour avance également
l’idée d’alléger la charge des indemnités journalières maladie des salariés
pour l’assurance maladie obligatoire. Elle détaille : « L’effet
financier de cette prise en charge pour la sécurité sociale est en forte
augmentation » et représente 12 milliards d’euros en 2022, soit
+57 % au regard de 2017. En limitant la prise en charge par la branche
maladie et le transfert vers les employeurs et les salariés, une économie de
950 millions pourrait être réalisée, selon la juridiction financière.
Lutter contre la fraude pour limiter
les dépenses
Pour tenter de réaliser les 20
milliards d’euros d’économie annoncés par la Cour, celle-ci insiste sur
l’importance de lutter de manière « renforcée » contre la
fraude à l’assurance maladie ; estimée entre 3,8 et 4,5 milliards d’euros,
selon des données recueillies avant 2022, et en « progrès significatif »
depuis. En 2024 seuls 622 millions ont pu être recouvrés.
Une situation « qui
appelle un changement d’échelle des actions engagées, en accordant la priorité
aux contrôles », pointe la juridiction financière, qui vise aussi bien
du côté des patients que des médecins. « Les fraudes relèvent moins des
assurés eux-mêmes (18 % des montants) que des professionnels de santé (68 % des
montants) », note-t-elle.
Les établissements de santé
ne sont pas en reste, puisqu’ils représentent 14 % des fraudes, ce qui,
selon la Cour, tient à la suspension des contrôles depuis la crise sanitaire.
Repris en fin 2024, les contrôles feront l’objet d’un bilan d’ici quelques
mois, est-il par ailleurs indiqué.
Pour lutter contre les
fraudes dans les trois branches qui financent l’Ondam, la Cour propose non
seulement de rehausser l’objectif de détection de la fraude au tiers au moins
du préjudice estimé, mais également de bloquer le règlement des facturations irrégulières
des professionnels et des établissements de santé, et de renforcer les actions
de lutte contre les fraudes de la Caisse nationale de solidarité pour
l’autonomie (CNSA).
D’après ses calculs, plus
d’un milliard et demi d’euros d’économie pourrait être réalisé avec un renfort
contre la fraude. Les actions de lutte contre les fraudes de la branche
autonomie sont quand à elles jugées « encore limitées », et à
renforcer, ajoute la Cour.
Rabot sur les frais de
remboursement de certains soins
La pertinence des soins et
des prises en charge est également dans le viseur, la Cour appelant par exemple
à envisager des efforts de réduction de les dépenses telles les transports
sanitaires « en forte progression ». D’autres dépenses, comme
le recours à un séjour hospitalier plutôt qu’une prise en charge anticipée et
conforme aux bonnes pratiques en ville, pourraient également être évitées et
mériteraient un meilleur encadrement, estime la juridiction financière.
Celle-ci avance également
l’idée de baisser les taux de remboursement sur des actes ou produits de santé
dont les effets ont une efficacité limitée. La Cour prend notamment l’exemple
des cures thermales, dont le taux de remboursement par l’assurance maladie est
compris entre 65 et 70 % et a représenté en 2023 une prise en charge de
250 millions d’euros, alors même « que leur service médical n’ait été
démontré ». « Dans le contexte actuel des finances sociales,
il serait nécessaire de remettre en cause cette prise en charge »,
insiste-t-elle.
À lire aussi : Une loi infirmière,
pour quoi faire ?
Autre piste envisagée, celle
de diminuer les tarifs de remboursement des séances de dialyse en centres et en
unités de dialyse médicalisée, et favoriser la prise en charge des patients par
les structures les plus efficientes. Une économie d’un million d’euros pourrait
ainsi être réalisée, anticipe-t-elle. « L’auto-dialyse et la dialyse à
domicile pourraient être davantage promues », est-il également
préconisé.
Prévenir plutôt que guérir
Pour le reste, la Cour
appelle à la prévention. Alors que de plus en plus de personnes sont atteintes
par l’insuffisance rénale chronique, en raison du vieillissement de la population
ainsi d’une sensibilisation insuffisante, une prévention ciblée pour mieux
anticiper la maladie permettrait de réduire d’un tiers le nombre de nouveaux
patients admis, augure la juridiction.
Cette dernière préconise
également un recours plus généralisé à la greffe rénale, qui représente « un
meilleur bénéfice » pour les patients et moins de soins onéreux pour
l’assurance maladie, contrairement à la dialyse. Bonne idée ? Pas si sûr.
Car encore faut-il que le patient malade, outre la longue liste d’attente,
trouve un donneur compatible potentiel rapidement pour se soustraire à la
dialyse, qui reste alors le mode de suppléance obligatoire en attendant une
greffe.
La juridiction appelle
également à améliorer et anticiper la prévention de la perte d’autonomie des
personnes âgées et ainsi amoindrir les chutes et les décès induits qui coûtent
entre 800 000 et 1,2 milliard d’euros chaque année. La note le souligne,
les Français vivent plus longtemps, contrairement à d’autres pays européens,
mais en moins bonne santé, augmentant ainsi ce poste de dépense.
« Le gain d’un an
d’espérance de vie sans incapacité ferait économiser un montant de dépenses de
santé de 1,5 Md€ à l’assurance maladie. Les chutes de personnes âgées ont un
coût de prise en charge estimé à 0,9 Md€ dans l’année qui suit l’accident et
causent plus de 10 000 décès par an », poursuit la Cour.
C’est pourquoi cette dernière
encourage les professionnels de santé à adapter leurs pratiques avec la détection
des signes de fragilité, la prescription d’activité physique adaptée ou encore
le réexamen de la pertinence des médicaments, mais aussi à limiter les
hospitalisations évitables des personnes âgées en adaptant les parcours de
soins.
Autant de propositions
« partielles » qui pourraient être complétées, indique la
Cour. La juridiction financière ajoute que la mise en œuvre des propositions,
dans la continuité de celles déjà existantes, peut se faire « à plus ou
moins brève échéance d’ici 2029 ».
Allison
Vaslin
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