Justice

Réinsertion : en Gironde, des actions pour donner du sens à la peine


mardi 12 novembre 20245 min
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Éloquence, théâtre d’improvisation, café philo… Le 8 novembre dernier, le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de Gironde a organisé une restitution de ses actions menées à l’intention des personnes placées sous main de justice. Une mise en lumière d’un travail parfois méconnu du grand public, pourtant essentiel dans la prévention de la récidive.

En Gironde, le SPIP suit 6 200 justiciables, prévenus ou condamnés, dont 1 070 incarcérés au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan. Intervenant sous mandat judiciaire, ses missions principales sont la prévention de la récidive et la réinsertion des personnes condamnées. D’abord un outil du travail social pénitentiaire, l’action collective est devenue une mesure d’exécution de la peine. Et pour la troisième année consécutive, à Bordeaux, le SPIP de Gironde a présenté un panel des actions menées dans le département.

Estime de soi

« Pour prévenir la réitération des infractions et la sortie de délinquance, il faut susciter les motivations aux changements de comportements des personnes que l'on suit, tout en intervenant sur leurs besoins en matière d'insertion sociale », résume Marie-Pauline Le Corre, directrice pénitentiaire d’insertion et de probation en milieu ouvert à Bordeaux.

Les axes de travail sont fléchés en fonction des besoins criminogènes et des facteurs de protection. Les premiers peuvent concerner les croyances et les attitudes favorisant le comportement délinquant, l’environnement social, l’absence de loisirs ou encore les addictions. Les seconds permettent d’éloigner de la délinquance, à l’instar du renforcement du capital social, des capacités d’expression ou des habiletés sociales.

Les modalités d’intervention sont fixées dans un plan d’accompagnement autour d’entretiens individuels, se structurant autour des besoins des personnes suivies avec la prise en charge collective. Menées par le SPIP et ses partenaires associés, institutionnels ou associatifs, les actions collectives mobilisent l’interactivité entre les participants et, de fait, l’apprentissage du respect de la parole de l’autre.

Pour la réinsertion, l’un des objectifs visés est l’estime de soi, souvent écornée après une détention ou l’application d’une peine. L’action nommée « M’aime pas mal », en milieu ouvert, vise précisément à travailler cet aspect. Rugby, théâtre d’improvisation et photographie : trois modules composent cette activité à laquelle prennent part des Conseillères d’insertion et de probation (CPIP), au nombre de six au sein de l’antenne bordelaise. Pour chaque module, l’idée est de développer un esprit collectif, d’initier un partage et une ouverture au monde.

Plus connu et répandu, notamment depuis la réforme pénale de 2018, le travail d’intérêt général (TIG) ambitionne plus spécifiquement l’insertion professionnelle. Première sanction à faire appel à l’implication de la société civile, il s’étale sur une durée allant de 20 à 400 heures. En 2024, quatre TIG collectifs ont été déployés en Gironde. L’un sur un chantier participatif solidaire sur le thème du réemploi, un autre a été mené en collaboration avec la mairie de Lormont, dans la métropole de Bordeaux. Encadré par les Compagnons Bâtisseurs, il a permis la réfection d’installations municipales. Enfin, un dernier TIG collectif s’est déroulé dans une commune du libournais. En Gironde, chaque année, ce sont environ 600 TIG qui sont prononcés.

Médiation animale et images policières

Le SPIP de Gironde est composé de deux antennes. Une antenne en milieu ouvert à Libourne et une antenne mixte de milieu ouvert/fermé incluant le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan et le milieu ouvert de Bordeaux. La première est compétente sur le ressort du tribunal judiciaire de Libourne, la seconde sur le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Pour la première fois, sur l’antenne de Libourne, la médiation animale a été mise en place. « À travers la création d’un lien avec le cheval ou le chien, la personne suivie va apprendre à prendre conscience de l’impact de ses émotions, de son comportement sur l’autre, tout en développant sa confiance en elle », décrit Marie-Pauline Le Corre.

Questionner son rapport aux autres, c’est aussi la perspective visée par l’activité collective baptisée « Images policières ». Ce dispositif de réflexion questionne les représentations vis-à-vis des personnes dépositaires de l’autorité publique. Composée de cinq séances, cette action est déployée en milieu ouvert et fermé. Elle est animée par deux CPIP et un psychologue. « Les premières séances font émerger au sein du groupe des représentations qu'ils ont des policiers, généralement caricaturales et négatives. Le fait que tous ne soient pas d'accord permet d'introduire de la nuance. Nous essayons de faire le lien entre les représentations négatives, leurs sentiments et leurs comportements une fois confrontés aux forces de l’ordre », explique Julien Thuillier, psychologue au SPIP de Gironde. « Que voudriez-vous dire aux forces de l’ordre ? Qu’est-ce qui est acceptable et qu’est-ce qui ne l’est pas dans nos comportements face aux forces de l’ordre ? » : telles sont les questions posées au groupe.

Par la suite, un temps d’échange a lieu entre le groupe et un policier. Ce dernier raconte la « réalité du métier », rend compte des décisions qu’il doit prendre, lors d’une arrestation par exemple. L’enjeu est également de percevoir le travail des forces de l’ordre « pas seulement sous l’angle répressif ».

Déconstruire des représentations

Autre action, autre enjeu. Dans une salle d’audience, se glisser dans la robe des magistrats ou des avocats, témoigner à la barre comme prévenu. Un procès fictif mené par le SPIP de Gironde et l’Association du Master 2 Droit pénal approfondi de l’Université de Bordeaux. Avant la représentation, neuf ateliers d’éloquence permettent aux étudiants et aux personnes placées sous main de justice de préparer le faux procès. « L’idée est de travailler autour du discours, d’apprendre à convaincre mais aussi de déconstruire des représentations », précise Adélaïde Moncomble, CPIP à Bordeaux, qui a supervisé l’initiative. Cette année, le procès fictif a vu le jugement de Robin des Bois, personnage romanesque choisi pour son « ambivalence ». 16 étudiants et 10 personnes condamnées ont travaillé ensemble pendant un mois.

Enfin, le SPIP de Gironde, en collaboration avec la Ligue de l’enseignement, a mis au point un travail autour de l’engagement citoyen. « Ça veut dire que l’on a le droit d’avoir des pensées potentiellement contestataires, ce qui n’est pas interdit. Ce qui l’est, c’est de les manifester sans respecter les règles posées par la loi. Notre travaillons beaucoup autour du concept de démocratie et de liberté d’expression », poursuit Adélaïde Moncomble.

Ici, les besoins criminogènes visés sont, entre autres, le profil de personnalité antisocial ainsi que l’absence de loisirs et d’activités prosociales. Une réflexion autour des médias, de l’information et des théories du complot est également amorcée.

Créés par un décret du 13 avril 1999, 103 SPIP sont présents sur le territoire français.

Victoria Berthet

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