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Éloquence, théâtre d’improvisation, café philo… Le 8 novembre dernier, le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de Gironde a organisé une restitution de ses actions menées à l’intention des personnes placées sous main de justice. Une mise en lumière d’un travail parfois méconnu du grand public, pourtant essentiel dans la prévention de la récidive.
En Gironde, le SPIP suit 6
200 justiciables, prévenus ou condamnés, dont 1 070 incarcérés au centre
pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan. Intervenant sous mandat judiciaire, ses
missions principales sont la prévention de la récidive et la réinsertion des
personnes condamnées. D’abord un outil du travail social pénitentiaire,
l’action collective est devenue une mesure d’exécution de la peine. Et pour la
troisième année consécutive, à Bordeaux, le SPIP de Gironde a présenté un panel
des actions menées dans le département.
« Pour prévenir la
réitération des infractions et la sortie de délinquance, il faut susciter les
motivations aux changements de comportements des personnes que l'on suit, tout
en intervenant sur leurs besoins en matière d'insertion sociale », résume Marie-Pauline
Le Corre, directrice pénitentiaire d’insertion et de probation en milieu ouvert
à Bordeaux.
Les axes de travail sont
fléchés en fonction des besoins criminogènes et des facteurs de protection. Les
premiers peuvent concerner les croyances et les attitudes favorisant le
comportement délinquant, l’environnement social, l’absence de loisirs ou encore
les addictions. Les seconds permettent d’éloigner de la délinquance, à l’instar
du renforcement du capital social, des capacités d’expression ou des habiletés
sociales.
Les modalités d’intervention
sont fixées dans un plan d’accompagnement autour d’entretiens individuels, se
structurant autour des besoins des personnes suivies avec la prise en charge
collective. Menées par le SPIP et ses partenaires associés, institutionnels ou
associatifs, les actions collectives mobilisent l’interactivité entre les
participants et, de fait, l’apprentissage du respect de la parole de l’autre.
Pour la réinsertion, l’un des
objectifs visés est l’estime de soi, souvent écornée après une détention ou
l’application d’une peine. L’action nommée « M’aime pas mal », en
milieu ouvert, vise précisément à travailler cet aspect. Rugby, théâtre
d’improvisation et photographie : trois modules composent cette activité à
laquelle prennent part des Conseillères d’insertion et de probation (CPIP), au
nombre de six au sein de l’antenne bordelaise. Pour chaque module, l’idée est
de développer un esprit collectif, d’initier un partage et une ouverture au
monde.
Plus connu et répandu, notamment
depuis la réforme pénale de 2018, le travail d’intérêt général (TIG) ambitionne
plus spécifiquement l’insertion professionnelle. Première sanction à faire
appel à l’implication de la société civile, il s’étale sur une durée allant de
20 à 400 heures. En 2024, quatre TIG collectifs ont été déployés en Gironde.
L’un sur un chantier participatif solidaire sur le thème du réemploi, un autre
a été mené en collaboration avec la mairie de Lormont, dans la métropole de
Bordeaux. Encadré par les Compagnons Bâtisseurs, il a permis la réfection
d’installations municipales. Enfin, un dernier TIG collectif s’est déroulé dans
une commune du libournais. En Gironde, chaque année, ce sont environ 600 TIG
qui sont prononcés.
Le SPIP de Gironde est
composé de deux antennes. Une antenne en milieu ouvert à Libourne et une
antenne mixte de milieu ouvert/fermé incluant le centre pénitentiaire de
Bordeaux-Gradignan et le milieu ouvert de Bordeaux. La première est compétente
sur le ressort du tribunal judiciaire de Libourne, la seconde sur le tribunal
judiciaire de Bordeaux.
Pour la première fois, sur
l’antenne de Libourne, la médiation animale a été mise en place. « À
travers la création d’un lien avec le cheval ou le chien, la personne suivie va
apprendre à prendre conscience de l’impact de ses émotions, de son comportement
sur l’autre, tout en développant sa confiance en elle », décrit
Marie-Pauline Le Corre.
Questionner son rapport aux
autres, c’est aussi la perspective visée par l’activité collective baptisée
« Images policières ». Ce dispositif de réflexion questionne les
représentations vis-à-vis des personnes dépositaires de l’autorité publique. Composée
de cinq séances, cette action est déployée en milieu ouvert et fermé. Elle est
animée par deux CPIP et un psychologue. « Les premières séances font
émerger au sein du groupe des représentations qu'ils ont des policiers,
généralement caricaturales et négatives. Le fait que tous ne soient pas
d'accord permet d'introduire de la nuance. Nous essayons de faire le lien entre
les représentations négatives, leurs sentiments et leurs comportements une fois
confrontés aux forces de l’ordre », explique Julien Thuillier,
psychologue au SPIP de Gironde. « Que voudriez-vous dire aux forces de
l’ordre ? Qu’est-ce qui est acceptable et qu’est-ce qui ne l’est pas dans
nos comportements face aux forces de l’ordre ? » : telles
sont les questions posées au groupe.
Par la suite, un temps
d’échange a lieu entre le groupe et un policier. Ce dernier raconte la
« réalité du métier », rend compte des décisions qu’il doit prendre,
lors d’une arrestation par exemple. L’enjeu est également de percevoir le
travail des forces de l’ordre « pas seulement sous l’angle répressif ».
Autre action, autre enjeu.
Dans une salle d’audience, se glisser dans la robe des magistrats ou des
avocats, témoigner à la barre comme prévenu. Un procès fictif mené par le SPIP
de Gironde et l’Association du Master 2 Droit pénal approfondi de l’Université
de Bordeaux. Avant la représentation, neuf ateliers d’éloquence permettent aux
étudiants et aux personnes placées sous main de justice de préparer le faux
procès. « L’idée est de
travailler autour du discours, d’apprendre à convaincre mais aussi de
déconstruire des représentations », précise Adélaïde Moncomble, CPIP à
Bordeaux, qui a supervisé l’initiative. Cette année, le procès fictif a vu le
jugement de Robin des Bois, personnage romanesque choisi pour son « ambivalence ».
16 étudiants et 10 personnes condamnées ont travaillé ensemble pendant un mois.
Enfin,
le SPIP de Gironde, en collaboration avec la Ligue de l’enseignement, a mis au
point un travail autour de l’engagement citoyen. « Ça veut dire que
l’on a le droit d’avoir des pensées potentiellement contestataires, ce qui
n’est pas interdit. Ce qui l’est, c’est de les manifester sans respecter les
règles posées par la loi. Notre travaillons beaucoup autour du concept de
démocratie et de liberté d’expression », poursuit Adélaïde Moncomble.
Ici,
les besoins criminogènes visés sont, entre autres, le profil de personnalité
antisocial ainsi que l’absence de loisirs et d’activités prosociales. Une
réflexion autour des médias, de l’information et des théories du complot est
également amorcée.
Créés par un décret du 13
avril 1999, 103 SPIP sont présents sur le territoire français.
Victoria Berthet
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