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Le 11 septembre dernier, Muriel Pénicaud, ministre du Travail ; Selma Mahfouz, directrice de la DARES ; Philippe Martin, président délégué du Conseil d’Analyse économique (CAE) et professeur à Sciences Po et Xavier Timbeau, directeur de l’OFCE, ont présenté, lors du 5e rendez-vous de Grenelle, la situation du marché du travail au 2e trimestre 2018. Quant au focus de ce trimestre, il était consacré au recours aux contrats temporaires en 2017.
Avant d’analyser avec force détails la situation du marché du travail au 2e trimestre 2018, les experts du jour ont évoqué en quelques mots l’état économique de la France, car celui-ci influe grandement sur celui de l’emploi et de la création d’entreprises. Alors que la croissance de l’activité économique a été particulièrement dynamique en 2017, au 2e trimestre comme au 1er trimestre 2018, la croissance est stable. Le PIB a ainsi progressé de 0,2 % en volume au 2e trimestre 2018 alors que, l’an passé, la croissance du PIB se situait à +0,7 % en moyenne par trimestre. Cette baisse de croissance pèse sur l’emploi. Cela avait été mis en avant lors du 4e rendez-vous de Grenelle, et la situation reste la même au 2e trimestre 2018.
Afin de caractériser la situation du marché du travail au 2e trimestre et le lien avec l’état de la France en général, les experts ont mis en avant cinq faits saillants.
Un emploi salarié quasiment stable…
Entre avril et juin 2018, le climat des affaires connaît un net recul dans tous les secteurs (excepté dans le bâtiment où les données restent stables), et les créations d’emplois ont stagné (+12 500 postes soit une croissance de +0,05 % alors qu’au premier trimestre cette croissance était de 0,2 %). Notons tout de même que cette stagnation de la croissance n’est pas une spécificité française. Cela a été le cas dans de nombreux pays dans le monde au 2e trimestre 2018. Sur un an, l’emploi salarié en France décélère à +0,8 % en glissement annuel. Ainsi, l’emploi dans les services marchands hors intérim a ralenti à +0,2 % (+26 000 postes) après +0,3 % le trimestre précédent. Dans l’industrie, on enregistre un recul des effectifs de 0,1 % (-2 200 postes). En outre, la période étudiée se distingue par une baisse assez nette des effectifs de la fonction publique : -11 800 postes, soit le plus fort recul dans ce secteur depuis fin 2011.
…Mais de nombreuses créations d’entreprises
Au total au 2e trimestre 2018, le cumul des immatriculations d’entreprises a progressé de 3,8 % par rapport au trimestre précédent (+4,1 % au 1er trimestre). Ainsi, entre avril et juin 2018, ce n’est pas moins de 173 500 entreprises qui ont été créées. Quant aux microentreprises, leur nombre d’immatriculations a atteint 76 200 au 2e trimestre, soit le niveau le plus élevé depuis 2011. C’est principalement dans les secteurs des transports et celui du soutien aux entreprises qu’ont vu le jour ces nouvelles entreprises. En 2017, ces sociétés démarrent leur activité avec 2,6 salariés en moyenne. Dans l’industrie et le secteur des transports, l’effectif salarié moyen est plus élevé (respectivement 3,5 et 3,0 salariés).
Un taux de chômage qui diminue
Au 2e trimestre, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) a diminué de 0,1 point (-48 000 chômeurs) pour se positionner à 9,1 % (2,7 millions d’individus). Ce sont les jeunes de 15 à 24 ans qui bénéficient le plus de ce recul du chômage (-0,6 point), confirmant la baisse tendancielle enclenchée depuis mi-2016. Cependant, le taux de chômage de longue durée est resté stable à 3,6 % de la population active (1 million de personnes en recherche d’emploi depuis plus d’un an).
Un taux de chômage qui diminue moins vite en France qu’en Europe
Au 2e trimestre, le taux de chômage en Europe se situait à 8,3 % de la population active (en zone euro). Il s’agit du taux le plus faible depuis 2009. Cependant, il y a des différences entre les pays. En France, comme en Espagne et en Italie, le taux de chômage n’est pas encore revenu à son niveau d’avant la crise. Quant à la République tchèque (2,3 %), l’Allemagne (3,5 %), la Hongrie (3,6 %), la Pologne (3,8 %) et les Pays-Bas (3,9 %), ils affichent les taux les plus bas de l’Union alors que la Grèce et l’Espagne affichent les taux les plus hauts (respectivement 20,2 % et 15,2 %).
Les salaires réels reculent
Lors de ce 5e rendez-vous de Grenelle, le focus était centré sur le recours aux contrats temporaires en 2017.
Le recours aux contrats temporaires en 2017
En 2017, les contrats temporaires ont représenté plus
de neuf embauches sur dix, et 80 % ont duré moins d’un mois. Le recours
aux contrats temporaires a fortement augmenté dans l’Hexagone depuis les années
90. En 2017, plus de la moitié des flux d’embauches ont concerné des missions
d’intérim, et 41 % sous forme de CDD.
En moyenne, parmi les contrats rompus au moment de leur arrivée à terme, ceux
de très courte durée sont les plus fréquents. En effet, plus de huit CDD
sur dix et plus de neuf missions d’intérim sur dix durent en général moins
d’un mois. Les CDD de moins d’un mois ont constitué ainsi près d’un tiers
des fins de contrats en 2017. Ces contrats sont concentrés dans le secteur
tertiaire et nettement moins dans l’industrie et la construction. Les métiers
qui ont le plus recours aux CDD très courts sont ceux de l’information et de la
communication (édition, audiovisuel, diffusion), l’administration, la santé…
D’après l’Unedic, 84 % des embauches en CDD d’un mois ou moins sont des
réembauches, une pratique qui a fortement augmenté depuis les années 2000.
Enfin, la durée médiane des contrats temporaires, CDD
et intérims confondus, se situe à cinq jours.
Plus de 20 % des contrats durent un jour et 90 % moins de
39 jours. Pour ce qui est des CDD seulement, la durée médiane sur
l’ensemble des secteurs est de six jours (contre 61 jours dans
l’industrie, et 117 jours dans la construction) ; et la durée médiane des
missions d’intérim, tous secteurs confondus, est de cinq jours. 75 %
des missions d’intérim ont ainsi une durée comprise entre 1 et 13 jours.
Ce recours de plus en plus fréquent aux contrats très courts a été dénoncé ce jour par la ministre de la Justice, Muriel Pénicaud : « on a réinventé les journaliers », a-t-elle regretté. Pour la ministre, le fait que la plupart des individus concernés par ces contrats sont en réalité réembauchés par le même employeur pose un vrai problème : « l’emploi temporaire n’est plus un tremplin vers l’emploi durable, mais se transforme en trappe à précarité ». Par ces pratiques, certaines entreprises optimisent ainsi le coût de leur main d’œuvre, car la période entre deux contrats est prise en charge par l’assurance chômage. Le 21 septembre 2018, dans le cadre d’une négociation sur l’assurance chômage avec les partenaires sociaux, a été étudiée la création d’un bonus-malus sur les cotisations patronales pour décourager les chefs d’entreprise à recourir trop facilement aux contrats courts. Cela permettra-t-il peut-être à des milliers d’individus de pouvoir se projeter dans l’avenir. Ne souhaitant pas froisser le patronat, la ministre du Travail est toutefois restée vague sur la mise en place pratique de cette mesure. Affaire à suivre.
Maria-Angélica Bailly
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