Spoliation : « un passé qui ne passe pas »


samedi 13 janvier 20243 min
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Le juriste éprouve une certaine hésitation face à la question de la restitution des biens culturels spoliés pendant le deuxième conflit mondial, bien que cette dernière soit chargée d’une forte signification morale et éthique. En effet, le publiciste pourrait s’inquiéter de l’opportunité de la part des pouvoirs publics de trouver des solutions normatives qui judiciarisent ou même « tribunalisent » les faits de l’Histoire. Le privatiste – de son côté – se trouve confronté à un principe de prescription bouleversé, lorsque les faits jugés remontent à plus de soixante-dix ans.

Nonobstant cette situation a priori défavorable, au fil des ans les ordonnancements juridiques européens, et notamment les français, ont montré une certaine originalité de solutions juridiques en la matière. D’un côté, le législateur a déployé plusieurs instruments afin de contourner les obstacles juridiques aux restitutions et réintégrer de leurs droits les victimes des spoliations. De l’autre, la jurisprudence s’est montrée également active sur le sujet, donnant lieu à un contentieux des restitutions nourri.

Les initiatives publiques de restitution des biens culturels spoliés

La praxis actuelle des restitutions des biens culturels spoliés peut se concevoir comme le résultat de la stratification de trois « vagues » d’instruments juridiques différents. Après la première phase post conflit, la question de la restitution a resurgi dans les années 1990, puis elle a tressailli d’un nouvel élan très récemment.

  • Les réparations des crimes de l’Histoire et la restitution des biens culturels spoliés

Le premier mouvement de restitution intervient dans l’immédiate après-guerre. Avec la déclaration de Londres de 1943, les puissances alliées se réservent la possibilité de considérer « null and void » tous les actes de transfert de biens, droits ou intérêts intervenus sous l’empire des États occupants de l’Axe. Cette volonté politique manifestée au niveau international s’assortira d’accompagnements juridiques internes : parmi d’autres, l’ordonnance du 21 avril 1945 française et la Law 59 allemande annulent les actes de pillage intervenus tant par la voie de confiscations que par la voie de transactions privées. Elles permettent la réintégration des droits patrimoniaux des victimes. À ce stade, la restitution des œuvres d’art ne présente pas encore une autonomie juridique et rentre dans le mouvement plus général des réparations, à l’exception de certaines clauses expressément dédiées dans les traités de paix.

Après cette première phase, la question semblait destinée à sombrer dans l’oubli. Mais elle acquiert un nouvel élan dans les années 1990. La chute du mur de Berlin, l’accès aux archives et la récurrence des commémorations ont déterminé un véritable mouvement de « remémorisation » dans l’espace public, consacré tout d’abord dans les discours publics (2) ou dans les commissions d’enquête (3).

La question du destin des biens culturels spoliés commence à faire poindre une autonomie juridique lors de la Conférence de Washington de 1998, au cours de laquelle plusieurs États adoptent des

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