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Streaming illégal du football : le tribunal judiciaire de Paris ordonne le blocage des services IPTV


lundi 12 août 202412 min
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12/08/2024 17:19:13 1 10 5198 23 0 4270 4683 4855 CHRONIQUE. (78) Tribunal de Versailles : « Il reconnaît les faits, même s'il ne s'en souvient pas » Aux comparutions immédiates, il y a des prévenus déconcertants. Comme celui-ci jugé à Versailles : à chaque fois qu'il sort de détention, il s'empresse de retourner au même endroit commettre les mêmes faits. Et repart donc à la maison d'arrêt.

Lahcen L., la trentaine, comparaît pour des menaces de mort. Il est d'ailleurs en récidive : fin 2023, puis au printemps 2024, il avait déjà menacé, à peu près dans les mêmes termes, la même personne... qu’il ne connaît même pas ! Mais Marie C. a le malheur d'habiter juste à côté de sa supérette favorite : celle où il vient avec des copains acheter les bouteilles qu'ils descendent dans la foulée. Au moment de son interpellation, Lahcen L. a dit avoir parfaitement connaissance de son interdiction de paraître aux abords de ladite supérette, et ne jamais y avoir remis les pieds depuis sa condamnation, mais aussi « être passé à autre chose ».

Sauf que Marie C. l'a filmé. On le voit s'arrêter juste devant le porche de son immeuble, puis lâcher deux fois la phrase « Tu vas mourir » (une seule fois n'aurait pas suffi pour caractériser l'infraction). S'ajoutent d'autres paroles plus confuses. « J'étais ivre, je me rappelle de rien, lâche Lahcen depuis le box. J'ai perdu la tête, je lui ai demandé pardon, j'ai jamais essayé de lui faire du mal et j'ai jamais fait de mal à personne. Je sais très bien que je devais pas être là-bas, je sais pas comment j'ai atterri là-bas. »

« Deux bouteilles de vodka par jour »

Concrètement, après les premiers faits, Lahcen L. a écopé d'une peine mixte (une partie ferme, une partie avec sursis probatoire). C'est en sortant de la partie ferme qu'il a commis les deuxièmes faits, qui ont entraîné la révocation partielle du sursis probatoire par le juge de l'application des peines (JAP). Et c'est donc en sortant de cette deuxième incarcération qu'il a commis ces troisièmes faits. Récidive oblige, la peine encourue double, passant de trois à six ans. À la présidente interloquée de le retrouver aussi vite au même endroit, il raconte que « c'est une ruelle où tout le monde se pose, mes amis se posent toujours là-bas ».

Il explique au passage qu'il consomme « deux bouteilles de vodka par jour » depuis sa toute fraîche sortie (soit une demi-douzaine en tout). Au travailleur social qui s'est chargé de l'enquête sociale rapide (ESR), il a indiqué que « dès que je me réveille, je cherche de l'alcool, sinon je transpire ». Comme il est toujours sous sursis probatoire, il a toujours une obligation de soins, mais n'a même pas eu le temps d'avoir un rendez-vous, ni sans doute d’en demander. Au passage, le JAP demande la révocation totale du reliquat de trois mois de ce sursis probatoire.

Place aux réquisitions. La procureure souligne qu'il « reconnaît les faits, même s'il ne s'en souvient pas », et ajoute « qu'au dossier, vous avez des éléments objectifs, notamment cette vidéo ». Elle est un peu déconcertée : « Cette dame, il ne la connaît pas, il n'a aucun reproche à lui faire. C'est totalement incompréhensible pour le ministère public que je représente ». « Que faire, à part un mandat de dépôt, fait-elle mine de s'interroger. Je ne vois pas ». Elle demande trois ans, dont 18 mois de sursis probatoire avec obligation de soins, outre la révocation totale du précédent.

« Il se parle tout seul, il raconte n'importe quoi »

« Je ne vous cache pas que les réquisitions de madame le procureur me scotchent, entame l'avocate de Lahcen L. Rien dans le dossier n'indique qu'il s'adressait directement à [la plaignante]. Il était assis sous le porche, parce que c'est un porche où, manifestement, il se rend en sortant de l'épicerie quand il est ivre. […] Il est donc sous le porche, il ne voit pas madame, il se parle tout seul, il raconte n'importe quoi, […] il faut être très fort pour se sentir visé par des menaces de mort ». Elle plaide la relaxe. « Il y a d'autres personnes dans l'immeuble, donc il visait peut-être quelqu'un d'autre. »

« À mon sens, poursuit l'avocate, la seule chose qu'on peut lui reprocher, c'est d'avoir violé son sursis probatoire en se rendant dans cette rue. Mais pour lui, c'est juste l'endroit où il se pose quand il a bu. » Elle ajoute que « madame le procureur nous explique qu'en prison il va se soigner. Première nouvelle ! La preuve, il a fait je ne sais pas combien d'allers-retours et il n'est toujours pas soigné ». Dernier mot, un peu décousu, du prévenu : « Elle, je veux plus la rencontrer, je l'ai même pas vue, le lui ai rien fait de mal. »

Le tribunal prononce 22 mois, dont 15 de sursis probatoire renforcé, avec, outre une obligation de soins, une nouvelle interdiction de paraître aux abords de la fameuse supérette. Il ordonne également la révocation du précédent sursis probatoire. Ce qui fait donc 10 mois ferme, aménagés ab initio en semi-liberté. « Alors, il ne faut surtout pas rentrer bourré au quartier de semi-liberté, je préfère être claire ! », ponctue la présidente.

Antoine Bloch

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