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Un collectif a été lancé pour
accompagner les propriétaires concernés tout au long de la procédure. La
décision du rachat par l’État de plus de 1300 logements dégradés pour les transformer
ou les démolir avait été annoncée en 2021.
« Faites valoir vos
droits ! » Alors que l’expropriation de logements à Grigny 2 (Essonne),
sur la commune du même nom, a commencé, le Barreau de l'Essonne a lancé début
août un appel invitant les propriétaires qui ne seraient pas encore accompagnés
à « solliciter une assistance juridique pour [se] défendre ».
Dans cette immense copropriété
de 5 000 logements, les syndicats rongés par les impayés de charges, la détérioration
des immeubles en roue libre et l’échec des interventions successives - trois plans
de sauvegarde initiés dès 2001 - ont eu raison d'une partie du mastodonte, qui va bientôt changer de mains. Au total, 1 320 appartements des cinq syndicats secondaires les plus en difficulté doivent être rachetés par l’État pour être
transformés en HLM ou, c’est le cas des deux-tiers, démolis, avec l'espoir de transformer le quartier.
L’annonce avait été faite en mars 2021, devant des co-propriétaires indignés pour certains, soulagés pour d’autres.
Mais l’Établissement public foncier d'Île-de-France (Epfif) acquiert en réalité déjà ces logements depuis 2017, dans le cadre d'une opération de requalification des copropriétés dégradées, pour tenter de lutter contre les marchands
de sommeil et d'enrayer l’endettement. Il a désormais jusqu’à 2026, date des
premières démolitions - lesquelles devraient s’étendre jusqu’à 2030, voire au-delà
-, pour acheter le reste à l’amiable, et, si besoin, par expropriation. Quant
aux appartements transformés en logement sociaux, leurs habitants pourront y rester… sous le statut de locataire du
bailleur social.
Une première « vague »
depuis mai
« Ici, c’est
l’utilité publique, la salubrité, qui sont en balance avec le droit de
propriété », souligne Cassandre Huchet, avocate à Evry et bâtonnière élue pour la mandature 2025-2026, qui évoque une
procédure « inéluctable ». « Face au délabrement
général, le sujet était devenu problématique », admet-elle. « Ceux
qui paient subissent malheureusement le défaut de paiement des autres et la
faillite collective, et un certain nombre de ceux qui ne paient pas ont déjà été
expulsés via des saisies immobilières ». L'an dernier, un protocole encadrant la liquidation du syndicat principal avait par ailleurs donné droit à un dédommagement auprès de copropriétaires créditeurs.
Si cette expropriation à
Grigny 2 est rendue possible, c’est parce qu’elle relève d’une procédure
d’exception. Celle-ci s’appuie plus précisément sur une déclaration d’autorité
publique signée par le préfet, qui, « comme toutes les décisions
administratives (…) peut toutefois être contestée », souligne
Cassandre Huchet.
Prévue de longue date, donc, l’opération, qui se décompose en plusieurs
étapes, est « organisée par "vagues", par "tranches" en fonction des
adresses », explique Cassandre Huchet. La première a été lancée
en mai. La procédure commence par un échange amiable avec l’Epfif, mais certains
dossiers ont d’ores été transmis au tribunal judiciaire d’Evry.
30 avocats mobilisés au sein
d’un collectif
Afin de faire valoir les
droits des propriétaires, « les avocats de
l’Essonne ont mis en place un dispositif spécifique », précise le barreau essonnien
sur les réseaux sociaux. Ce collectif, chapeauté par le Conseil de l’Ordre, est
composé d’une trentaine d’avocats recrutés et formés en interne, pour organiser
une prise en charge qui soit la plus fluide possible.
« On est plutôt bien
placés pour ça, car on connaît le territoire, la population, mais aussi l’historique
du syndic et les spécificités du dossier, assure Cassandre Huchet. On travaille également en étroite
collaboration avec la juridiction, pour que les justiciables soient
toujours accompagnés et qu’ils aient le plus d’informations en amont ». Pour ces avocats, c’est aussi l’assurance de nouveaux
dossiers, dans un département où les affaires sont parfois captées par les cabinets
parisiens.
En plus d’un numéro de téléphone
en cours d’attribution, le groupe d’intervention a lancé une adresse mail dédiée
pour « orienter au mieux » les destinataires d’un mémoire de l’Epfif
ou d’une convocation du tribunal. « Le but est qu’ils puissent entrer
en contact rapidement avec nous, préparer leurs dossiers, donner leurs pièces justificatives
et faire leur demande d’aide juridictionnelle », détaille la future bâtonnière du barreau essonnien.
Des permanences dédiées
« Tout le travail des
avocats consiste notamment à faire augmenter les prix des logements pour les propriétaires »,
rapporte l’avocate. Car quand la déclaration d’autorité publique n’est pas
contestée, le principe de l’expropriation est acquis, et la procédure a
vocation à poser un prix. Si les propriétaires n’acceptent pas l’offre, l’Epfif
saisit la juridiction, le magistrat se transporte sur les lieux et donne une
audience qui statue sur les prix. Problème : l’Epfif se base sur le prix
de préemption, mais la mise à prix correspond bien souvent au montant de la
dette, et non au montant du bien. « Il a pu préempter à des prix
bas, et quand il se base dessus, ce sont souvent des prix trop bas pour les
propriétaires », pointe l’avocate.
Le collectif a donc
particulièrement quadrillé le sujet. « A chaque date de transport du
juge sur les lieux pour lui permettre d’évaluer un bien, en cas de litige entre
deux parties, il y aura des avocats pour se rendre sur place avec les juges, et
pour suivre les dossiers à l’audience », indique Cassandre Huchet.
Les avocats ont également instauré
des permanences spécifiques au point d'accès au droit de Grigny, qui accueille
d’ordinaire une permanence de 3 heures, le troisième lundi de chaque mois. Un
créneau supplémentaire a été ajouté au mois de mai ; un deuxième sera lancé
en septembre. Depuis trois mois, ces consultations ne désemplissent pas. « On
reçoit des personnes avec des problématiques très concrètes : à quel
moment je pars ? comment je gère mon locataire ? comment je fais pour me
reloger », témoigne la future bâtonnière. Les propriétaires
concernés y sont attendus sur réservation préalable, pour une consultation
gratuite et de « premières orientations » dans le cadre de cette première tranche ou de celles à venir. La deuxième, elle, aura lieu l’an prochain.
Bérengère Margaritelli
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