Télétravail : perspectives et impacts sociétaux

Jean-Emmanuel Ray est Professeur émérite à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et auteur du manuel best-seller Droit du travail, droit vivant. Nancéien d’origine, il est revenu sur ses terres le temps d’une conférence organisée au sein de la Faculté de droit et intitulée « Le télétravail : n’entrons pas dans l’avenir à reculons ! ».

Le télétravail, pratique parfois déroutante, n’est pourtant pas une idée novatrice. Jean-Jacques Rousseau, dans ses « Confessions », notait son incapacité à travailler à son bureau, préférant laisser son esprit vagabonder lors de ses promenades ou de ses insomnies. Une différence fondamentale apparaît entre le travailleur manuel et celui du savoir : là où le premier peut reposer ses muscles en s’arrêtant, le second ne peut pas stopper ces neurones actifs, et incontrôlables. Cette distinction se trouve au cœur des bouleversements que le télétravail apporte aux fondements mêmes du droit du travail. Jean-Emmanuel Ray estime que « nous entrons à l’envers dans cette nouvelle société qui est celle du travail à distance et qui ne concerne, de façon habituelle, que 16 sur les 21 millions de travailleurs en France ».

Le développement du télétravail, conséquence d’un changement sociétal

Le paysage professionnel, établi sur la présence physique au bureau, a subi un changement radical en mars 2020, lorsque la crise sanitaire a conduit au « télétravail forcé ». Auparavant peu répandue, il a été brutalement catapulté au rang de pratique courante. Les patrons ont revu leur organisation pour l’adapter à la révolution sociétale. Cette expérience a démontré qu’un virage soudain - celui du travail à distance massif - était possible sans mettre à mal la pérennité des entreprises. Internet n’a pas cédé, la France n'a pas cessé de fonctionner.

Les entreprises ont également modifié l’approche de leur activité. Elles intègrent la prise de recul, et le nouvel équilibre de vie. Le télétravail a bouleversé les normes sociales établies, questionnant les rites et les usages professionnels classiques. Pour le professeur, « le télétravail est un fait social total ».

Antérieure au télétravail massif, la directive de 2003 sur l’aménagement du temps de travail, bien qu'ayant son utilité pour les travailleurs manuels, semble décalée pour ce qui concerne ceux du savoir. Cependant, plutôt que de l’abroger, il parait plus judicieux de faire une place au télétravail et de s’y adapter. Ignorer