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Pour la 6e année consécutive, du 16 au 20 novembre, la CCI Paris Île-de-France, l’Ordre des experts-comptables Paris IDF, le barreau de Paris et le Conseil national des barreaux se sont associés pour organiser Transfair, le plus grand événement en France dédié à la transmission d’entreprise. Quatorze masterclasses, douze ateliers d’experts et des conférences plénières étaient au programme pour une édition 100 % digitale. Le JSS s’est spécifiquement intéressé au débat d’ouverture au cours duquel les intervenants ont étudié les conséquences de la crise sanitaire sur le marché de la reprise-transmission d’entreprise.
« Cette manifestation dédiée à la cession et à la reprise d’entreprise est essentielle, particulièrement dans la péri ode de crise sanitaire que nous traversons » a affirmé en préambule Alain Griset, ministre chargé des PME auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, dans une courte allocution à distance.
Comme il l’a rappelé, les TPE et PME constituent plus de 95 % du tissu économique français. Elles irriguent les territoires, offrent des opportunités d’emplois aux jeunes, et sont créatrices de lien social : « elles sont donc primordiales à la stabilité de l’État et à la relance de notre économie ».
Tous les ans, un grand nombre d’entre elles sont susceptibles d’être transmises. Le Salon Transfair a pour objectif de permettre aux professionnels et aux entrepreneurs de se rencontrer, d’échanger, de se former afin d’assurer la réussite de ces projets de cession-transmission.
Il reste qu’avec la crise sanitaire, l’écosystème de la transmission est lourdement impacté. La conférence d’ouverture du Salon, animée par Christine Kerdellant, directrice des Rédactions, Usine Nouvelle, a justement étudié l’influence de la Covid-19 sur la transmission d’entreprise. Les débats ont réuni Dominique Restino, président de la CCI de Paris, Laurent Benoudiz, président de la CROEC Paris IDF, Christiane Féral-Schuhl, présidente du CNB, Eva Beschemin et Brigitte Texier, co-dirigeantes et repreneuses de la société Canasuc.
Laurent Benoudiz, Christine Kerdellant et Dominique Restino
LA TRANSMISSION D'ENTREPRISE À L’HEURE DE LA CRISE
Les fondateurs du Salon, Dominique Restino et Laurent Benoudiz, ont d’abord rappelé les origines et la raison d’être de Transfair.
Le Salon a été créé il y a six ans par la CCI Paris Île-de-France et l’Ordre des experts-comptables Paris IDF. Rapidement, Dominique Restino et Laurent Benoudiz se sont entourés de notaires, d’avocats, de professionnels du chiffre et de l’accompagnement pour mieux cerner les problématiques autour de la transmission d’entreprise.
« Nous nous sommes dit qu’il fallait être un peu plus dans l’information et la formation des accompagnants en matière de transmission d’entreprise, car il s’agit d’un enjeu essentiel pour la pérennité des territoires » a rapporté Laurent Benoudiz, qui avait remarqué à l’époque combien les idées reçues – et fausses – sur la transmission étaient nombreuses, même parmi les acteurs du conseil.
L’interprofessionnalité leur a donc semblé le meilleur moyen pour « accompagner le grand mouvement de transmission d’entreprise qui allait arriver ». Un mouvement inéluctable en effet, étant donné l’âge avancé des chefs d’entreprise en France.
« Tous les acteurs ont un rôle à jouer et cette complémentarité, c’est l’occasion de l’exprimer, c’est l’occasion aussi de montrer que l’avocat, qu’on place souvent sur le terrain judiciaire, joue un rôle important en amont, au niveau du conseil » a renchéri Christiane Féral-Schuhl.
Mais alors que la Covid-19 frappe notre économie de plein fouet, quel est le climat de la reprise d’entreprise en France ? La crise va-t-elle accélérer la consolidation d’un certain nombre de secteurs, ralentir ou bien accélérer les transactions ?
Pour Dominique Restino, la crise ne va pas accélérer les transactions, en revanche, à son avis, « c’est le moment de se poser les bonnes questions et de regarder comment être accompagné. »
En effet, de nombreuses entreprises vont connaître des difficultés dans les mois à venir. Certains chefs d’entreprise, qui ont construit leur société pendant 20 ou 30 ans, vont décider de s’adosser à une entreprise un peu plus grande (donc, céder quelques parts) plutôt que de tout perdre, et d’autres vont vendre entièrement leur société. Parallèlement, certaines entreprises vont s’agrandir en rachetant les plus fragiles.
« Plutôt que de voir disparaître des entreprises, il vaut mieux qu’elles soient reprises par d’autres personnes » a assuré le président de la CCI Paris.
Pour Laurent Benoudiz, la crise sanitaire est un accélérateur qui met en avant les forces et les faiblesses des entreprises. Ce dernier a en effet remarqué que dans le même secteur d’activité, il y en a qui s’en sortent mieux que d’autres, car elles ont anticipé, en développant des outils technologiques par exemple.
Certes aucune société aujourd’hui ne peut se passer du numérique, mais certaines PME sont en avance, tandis que d’autres sont dépassées.
Résultat : un nombre non négligeable d’entreprises est parvenu à surmonter la crise de la Covid et est donc en mesure de faire des opérations de croissance externe, ou de se vendre avec une valorisation intéressante. D’autres dirigeants se trouvent malheureusement endettés, et s’ils veulent céder leur entreprise, cela aura forcément un impact sur le prix de vente.
« 2021 sera en tout cas un grand moment de brassage des entreprises et de transmission » a prédit Laurent Benoudiz.
Christiane Féral-Schuhl est certaine de son côté que la crise de la Covid va modifier l’environnement juridique du chef d’entreprise.
« Les entreprises ne peuvent pas continuer aujourd’hui comme si de rien n’était. Peut-être que cela va accélérer les transmissions, en tout cas, la vie des entreprises sera impactée par de nouveaux projets pour faire face aux difficultés » a-t-elle affirmé.
Pour mieux se rendre compte des conséquences de la crise sanitaire sur la transmission, quoi de mieux que d’interroger des entrepreneurs qui ont repris une société au moment de la crise ?
Eva Beschemin et Brigitte Texier, co-dirigeantes et co-repreneuses de la société Canasuc, ont été invitées à témoigner. Celles-ci ont décidé d’acheter l’entreprise avant la crise, mais elles l’ont concrètement reprise juste avant le premier confinement.
HISTOIRE D’UNE TRANSMISSION EN PLEIN CŒUR DE LA CRISE
La construction du projet
Depuis cinq ans, Eva Beschemin et Brigitte Texier avaient envie de reprendre une entreprise ensemble. Elles y ont travaillé pendant deux ans.
Elles ont d’abord ciblé les secteurs d’activité qui les intéressaient. Elles ont opté pour des domaines qui avaient trait au beau et/ou au bon. Elles ont ensuite étudié une cinquantaine de dossiers et rencontré entre 10?et 15?sociétés (ébénisterie, broderie, patrimoine vivant…).
Leurs critères étaient en tout cas très spécifiques, a raconté Brigitte Texier : « on a privilégié la qualité et des entreprises qui correspondaient vraiment à là où on voulait travailler demain ».
Les deux entrepreneures voulaient en outre que la société soit implantée en France et qu’elle dispose d’un réseau et d’un savoir-faire local.
« C’est un vrai travail en amont de reprendre une boîte » a réagi Laurent Benoudiz. Il faut en effet être sûr de ce dont on a envie, et de s’entourer des bonnes personnes. « Deux ans de boulot, ça ne m’étonne pas ! »
Le choix des deux femmes s’est donc arrêté sur la société Canasuc. Comme l’a rapporté Eva Beschemin, à l’origine, Canasuc était un dossier qui leur avait été fourni par la CCI de Paris.
Il s’agit d’une société française, artisanale basée près de Fontainebleau. Elle fabrique des sucres d’exception, en forme de cœur, de fleurs, d’animaux. « Ce sont des sucres qu’on offre comme des cadeaux ; ils apportent un effet très esthétique au moment du café et du thé, a précisé éva Beschemin, on est vraiment dans l’art de vivre à la française avec des produits beaux et raffinés. »
Les deux dirigeantes travaillent en B to C avec les grands magasins et les boutiques d’épicerie fine, et également en B to B avec les réseaux d’hôtels-restaurants. Elles personnalisent aussi des sucres pour des clients prestigieux, comme Hermès notamment (elles fabriquent le « H » d’Hermès en sucre). Ces derniers offrent ces produits quand ils organisent des évènements ou pour accompagner « l’expérience client » en magasin.
Dominique Restino, Laurent Benoudiz, Christine Kerdellant et Christiane Féral-Schuhl
Le déroulement de la cession
Brigitte Texier et Eva Beschemin ont fait une proposition à la cédante en décembre 2019, que celle-ci a acceptée début janvier 2020.
À partir de là, les co-dirigeantes ont construit leur business plan et ont commencé à faire le tour des banques pour obtenir leur emprunt.
Malheureusement, le confinement a été décrété 15 jours après l’accord de la banque. Tous les commerces ont été fermés. Les restaurants et hôtels avec lesquels Canasuc travaillait se sont retrouvés à l’arrêt. Cela n’a cependant pas changé la donne, a expliqué Eva Beschemin : « nous ne voulions pas profiter de la situation pour baisser le prix de l’entreprise ».
Tout au long du processus de reprise, les repreneuses se sont appuyées sur l’expertise de leur expert-comptable, notamment sur la question de la valorisation de l’entreprise, et de leur avocate pour pouvoir avancer sur le dossier de protocoles.
Concrètement, elles ont adopté un montage de rachat très classique, c’est-à-dire un montage de type LBO (« Leverage Buy Out » en anglais, ou « achat à effet de levier » qui permet le rachat d’une entreprise, dite société « cible », en passant par la constitution d’une société holding, NDLR). Elles se sont ensuite associées au sein de cette holding à 50/50. Un choix qui n’est pas courant et qui leur a même été déconseillé par leur entourage (en cas de conflit entre les associés en effet, une association à 50/50 peut complètement bloquer l’entreprise, car personne ne peut prendre le pas sur l’autre, NDLR).
« Elles ont fait ce choix parce qu’elles le sentaient comme ça, et elles ont eu raison » a réagi Dominique Restino sur ce point.
Pour ce dernier, une association est comme un mariage, et comme dans un couple, on peut se disputer, mais cela ne veut pas dire qu’on se quitte. En tout cas, selon lui, dès lors qu’on garde l’intérêt supérieur de l’entreprise en tête, on trouve toujours la meilleure solution pour la société.
Laurent Benoudiz a semblé un peu moins optimiste. Il a rapporté un cas où les associés à 50/50 ont fini au tribunal de commerce, en dépôt de bilan, car aucun des deux n’a voulu céder.
Ils étaient dans la passion. « C’est comme dans un divorce. Combien de fois il arrive qu’on fasse fi des enfants, de tout, et que le seul objectif est d’embêter l’autre », a-t-il témoigné.
En général, celui-ci préconise donc de s’associer à 51/49. Cela signifie que les associés seront à parts égales concernant les revenus de l’entreprise, mais qu’en cas de dispute, il y en aura toujours un qui aura le dernier mot et la capacité d’être majoritaire. De plus, c’est lui qui gardera la boite en cas de rupture définitive. C’est lors de la signature du contrat de société que les associés doivent s’accorder pour savoir lequel de deux (ou trois) sera majoritaire.
Pour lui, le 50/50 peut cependant fonctionner, si les deux associés sont capables d’une bonne communication. « Le fait que ça soit deux cofondatrices me laisse penser que le dialogue pourra se construire plus facilement que si c’était deux garçons » a-t-il nuancé son point de vue.
Eva Beschemin et Brigitte Texier sont certaines qu’elles auront la capacité à communiquer pour gérer les désaccords de manière sereine. Celles-ci ont néanmoins signé un pacte d’associé, ce qui peut être une solution quand on se met à 50/50.
Le fait que leur profil soit complémentaire constitue aussi un atout pour la réussite de cette association.
Eva Beschemin dispose en effet d’un parcours marketing et communication tandis que Brigitte Texier a des compétences en logistique, service client et supply chain. « Cette complémentarité est extrêmement importante dans une association qu’on dit à 50/50 » a reconnu Dominique Restino.
Impact de la crise sur les différentes étapes
« Nous avons signé un protocole deux jours avant le premier confinement », s’est remémorée Brigitte Texier.
La crise a provoqué un retard de deux mois dans le calendrier prévisionnel que les co-dirigeantes s’étaient fixé. Elles étaient en effet censées reprendre l’entreprise en avril et n’ont pu le faire que le 2 juin.
Elles ont donc été obligées d’ajuster leur plan d’action. Cependant, cette période de confinement leur a permis de travailler avec la cédante (dont le mari décédé avait créé la société) sur certains dossiers. Elles ont ainsi gagné du temps avant d’être dans le concret, « d’être dans le dur ».
« Elles ont vraiment l’âme d’entrepreneures, car d’une situation compliquée, elles en ont profité pour faire quelque chose qui a été bénéfique, c’est-à-dire se focaliser sur leur activité » a salué Dominique Restino.
La crise a-t-elle fait baisser le prix de la cession ?
Dans leur cas, puisque le processus de reprise a été enclenché avant la crise, le prix ne s’est pas vraiment ajusté à la situation de crise, a infirmé Dominique Restino qui connaît très bien le dossier Canasuc.
« La crise peut cependant faire hésiter de nombreux repreneurs à sauter le pas. D’où l’importance d’être vraiment bien entouré avant de prendre sa décision » a ajouté le président de la CCI de Paris.
« Le prix de cession dans une transaction est la composante de deux éléments : la valeur de l’entreprise et la trésorerie disponible » a expliqué de son côté Laurent Benoudiz.
La crise de la Covid peut avoir un impact sur l’un ou l’autre de ces aspects ou sur les deux. Ainsi, pendant la crise, la valeur de l’entreprise peut rester la même – car on sait que l’entreprise reprendra comme avant, après la crise – et en même temps, la société peut perdre plusieurs centaines de milliers d’euros en trésorerie parce qu’elle est à l’arrêt. À cause de la chute de la trésorerie, l’entreprise vaudra moins en cas de vente, mais cela est moins grave qu’une chute de sa valeur en soi.
Pour savoir si, au-delà d’une perte de trésorerie, la valeur d’une entreprise va diminuer à cause de la crise, il faut se poser les questions suivantes : la Covid aura-t-elle un impact à long terme sur l’activité en elle-même ? L’activité reprendra-t-elle parfaitement ?
Ce qui est certain, c’est qu’après la récession économique que nous vivons, certaines entreprises ne pourront pas rebondir. Les changements individuels de comportement post-covid pourront aussi impacter la pérennité de certaines d’entre elles.
Heureusement, pour Laurent Benoudiz, Canasuc n’est pas concernée.
Inversement, « beaucoup d’entreprises s’en sortent très bien grâce à la Covid » a reconnu Dominique Restino. Certaines sociétés connaissent aujourd’hui une croissance extraordinaire. Leur trésorerie a explosé. C’est le cas du marché du vélo par exemple, de même que celui des entreprises qui font de la vidéo et de la digitalisation de conférences. Cela pourrait même perdurer après la crise.
Quoi qu’il en soit, pour la présidente du CNB, en ces temps de Covid, on peut certes tirer l’avantage de la conjoncture pour faire baisser le prix de cession, « mais toujours dans une recherche d’équilibre et de transparence ». « Quoi qu’on fasse, il est important de garder une démarche loyale » a-t-elle fortement conseillé.
Brigitte Texier et Eva Beschemin
Le financement
En parlant de prix de cession justement, comment les repreneuses ont-elles financé l’achat de la société Canasuc ?
Comme l’a expliqué Brigitte Texier, elles ont puisé dans leurs économies personnelles. En général, a-t-elle précisé, il faut un apport personnel d’environ 30 % (elles étaient un peu au-dessus) complété par un prêt bancaire classique.
Le président du Conseil de l’ordre des experts-comptables d’Île-de-France a acquiescé. Quand on se lance pour la première fois dans la reprise, les banquiers réclament en général entre 20 et 30 % d’apport personnel, car ils sont un peu inquiets quant à la qualité du repreneur (qui n’a aucune expérience). Mais une fois qu’on a fait ses preuves, on peut être financé à 100 % par la banque, a assuré Laurent Benoudiz. L’apport personnel sert en tout cas à vérifier que le repreneur s’investit vraiment personnellement, et qu’il croit réellement à son projet.
Les co-dirigeantes ont également dû signer une caution personnelle sur le prêt bancaire (non négociable auprès de la banque), dont 50 % ont été pris par la BPI. « Il ne faut pas oublier que le travail du banquier n’est pas de prendre des risques, donc c’est normal » a certifié Laurent Benoudiz.
En Île-de-France, a précisé de son côté Dominique Restino, les entreprises à reprendre (sur le marché visible) se situent en termes de chiffre d’affaires entre 400 000 et 5 millions d’euros. Le profil des repreneurs est donc le suivant : il s’agit d’un homme ou d’une femme de 40-50 ans, cadre-supérieur, avec un apport personnel compris, en général, entre 150 000 et 300 000 euros. Il faut donc relativement avoir les moyens.
Pour financer un projet de reprise, il n’est pas non plus interdit aujourd’hui d’utiliser son PGE, a assuré Laurent Benoudiz : « l’esprit du Prêt garanti par l’État (PGE) est justement favorable à cela ».
Le PGE est en effet un plan de soutien en cette période de crise, mais aussi un plan de relance pour permettre à l’entreprise de se réorganiser. Si pour rebondir on a besoin de reprendre un concurrent, il faut le faire : « cela permettra de sortir plus fort de la crise et de concourir à la relance de l’économie. »
Comme l’a également rappelé Christiane Féral-Schuhl, le PGE est accordé à toutes les entreprises (du moment qu’elles n’étaient pas en procédure collective au 31 décembre 2019). Il s’agit d’un prêt de trésorerie qui peut atteindre 25 % du CA 2019 (ou deux années de masses salariales pour les entreprises créées depuis le 1er janvier 2019) et aucun remboursement n’est exigé la première année. Selon elle, le PGE peut effectivement être utilisé pour effectuer une reprise, car la loi n’a pas prévu de contrôles sur l’utilisation de ce fonds, en tout cas pas pour les TPE-PME.
Avant d’utiliser sont PGE, il faut cependant se poser les questions suivantes : s’agit-il du moyen approprié au regard du montage envisagé, du montant plafonné, des offres sur le marché ?
Au cas où l’on a des difficultés à obtenir son prêt, la présidente du CNB préconise de se tourner vers la Médiation du crédit, qui est un dispositif gratuit mis en œuvre par la Banque de France dans chaque département. « Les médiateurs rétablissent un dialogue entre l’entreprise et les partenaires financiers »
a-t-elle précisé. En outre, le Médiateur peut être saisi en ligne.
Enfin, si on ne peut obtenir de PGE, il reste les prêts directs de l’État et les avances remboursables, a indiqué la présidente du CNB.
Dans tous les cas, « les avocats ont vocation à aider, à orienter, à répondre aux questions pour trouver des solutions de financement et explorer celles mises en œuvre par l’État » a-t-elle assuré.
Enfin, pour éviter les mauvaises surprises après la reprise, Brigitte Texier et Eva Beschemin ont signé une clause de garantie de passif avec la cédante. Une décision saluée par la présidente du CNB : « il est important de vérifier qu’on ne va pas découvrir une irrégularité après la reprise, d’où la signature de cette clause ».
Le rôle des accompagnants
Pour construire leur projet de reprise, les dirigeants doivent s’appuyer, surtout en cette période troublée, sur les acteurs du conseil. « Le rôle des experts-comptables, des avocats, des notaires et de la CCI est très important pour faire des choix » a ainsi affirmé Dominique Restino.
Pour Christiane Féral-Schuhl, le rôle des avocats est d’inciter le repreneur à se poser les bonnes questions, à vérifier l’état de l’existant, la conformité à la réglementation, etc. Dans le contexte de la crise sanitaire, il faudra par exemple se demander si le télétravail est envisageable.
« Il faut être capable d’envisager tous les scénarios possibles en version brainstorming » a également préconisé la présidente du CNB.
Il est bon d’imaginer par exemple que des conflits, voire une rupture, puissent advenir dans le futur, même si pour l’instant tout se passe bien.
« Cela n’est pas amusant, quand on est sur un projet porteur, de se mettre autour d’une table et d’anticiper pendant deux heures tous les problèmes, mais en envisageant aussi des solutions, cela permettra de ne pas être pris au dépourvu » a-t-elle insisté.
Le fait que les co-dirigeantes de Canasuc aient signé un pacte d’associés signifie qu’elles ont anticipé de potentielles difficultés. Une décision jugée pertinente par Christiane Féral-Schuhl, en cas de blocage 50/50.
S’il y a conflits, les associées pourront aussi faire appel à un médiateur ou à un tiers, ou revenir vers leur avocat ou tout autre acteur qui pourra les aider.
Au cours de la transmission, le rôle d’accompagnement du cédant est également fondamental.
Concernant Canasuc, la cédante est restée avec Brigitte Texier et Eva Beschemin jusqu’au mois d’août. Elle continue aujourd’hui à les aider, de manière gracieuse, sur des aspects de comptabilité, techniques et de conseil.
Pour Laurent Benoudiz cependant, « il ne faut pas que le cédant reste plus de 2-3 mois ».
Même son de cloche pour Dominique Restino : « une fois qu’on a vendu son entreprise, elle n’est plus à nous. Il faut tourner la page ».
Le salon Transfair accompagne les cédants sur cet aspect-là. « On aide les cédants à se préparer, à titre personnel, à définir ce qu’ils vont faire de leur vie après. Certains ont le sentiment d’être inutiles, alors qu’ils peuvent faire plein de choses » a rapporté Dominique Restino.
Les conséquences sur la vie personnelle
Enfin, il a été question des conséquences d’un projet de reprise d’entreprise sur la vie personnelle des dirigeants.
Selon éva Beschemin, le rachat de Canasuc a d’abord été une décision familiale, donc forcément, cela impacte la vie de tous au quotidien. En outre, dans sa famille, tout le monde s’intéresse aux produits vendus, donne son avis sur les sucres à inventer…
Le fait que la société se situe à 80 km de leur domicile a des impacts sur leur vie personnelle, mais pour l’instant, les deux repreneuses ne s’en plaignent pas. Canasuc répond à toutes leurs attentes sur tous les autres points.
Pour Dominique Restino, une reprise d’entreprise, « ça impacte totalement la famille et même les enfants ». Pour lui cependant, tout le monde n’est pas censé « y mettre son grain de sel ». « Il n’y a que deux dirigeantes, il ne faut pas l’oublier. »
Lors d’une reprise, le patrimoine de la famille est engagé. Il est donc naturel que toute la famille se sente concernée, a estimé de son côté Laurent Benoudiz. En outre, certains membres peuvent se sentir en insécurité, car lorsqu’on reprend une entreprise, il n’y a pas de salaire fixe au départ. Pour qu’une transmission se déroule bien, il est donc essentiel, pour lui, d’être soutenu par sa famille.
« Une reprise d’entreprise ça transforme la vie, a conclu Dominique Restino, car on porte un regard différent sur soi, et le regard des autres sur soi change aussi ». De quoi encourager ceux qui hésitent encore à sauter le pas.
Maria-Angélica Bailly
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