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Une nouvelle directrice à la tête de l’Ecole nationale des greffes


mercredi 6 août8 min
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06/08/2025 09:47:51 1 10 6682 23 0 2363 5913 6112 Attestation d’honorabilité : après un premier bilan « inquiétant », les associations de protection de l’enfance veulent aller plus loin

Depuis septembre 2024, une nouvelle pratique s’impose dans le quotidien des crèches, des maisons d’assistantes maternelles et des foyers de l’enfance : l’attestation d’honorabilité, devenue obligatoire pour pratiquer certaines professions au contact des tout-petits. Le secteur décrit aujourd’hui des premiers résultats « effrayants », mais « utiles », après que des centaines de profils problématiques ont été identifiés.

Un garde-fou efficace pour la protection des jeunes enfants ? La plateforme gouvernementale qui permet aux professionnels de la petite enfance d’obtenir l’attestation d’honorabilité, expérimentée depuis septembre 2024 dans les départements de Paris, de l'Essonne, des Hauts-de-Seine, du Maine-et-Loire, du Nord et de la Vendée, est progressivement généralisée à l’ensemble du territoire. Un déploiement qui semble indispensable : depuis son lancement, plusieurs centaines de personnes ont vu leur embauche empêchée par ce nouveau dispositif.

Car l’attestation d’honorabilité concerne les assistants maternels et familiaux, y compris les adultes vivant à leur domicile, ainsi que tout professionnel ou bénévole intervenant dans des structures d’accueil du jeune enfant ou de protection de l’enfance. Sa présentation est requise lors de l’embauche, lors d’une demande d’agrément et à intervalles réguliers pendant l’exercice de l’activité.

Elle garantit ainsi qu'ils n’ont pas de condamnation définitive empêchant d’intervenir auprès de mineurs, inscrite sur leurs casiers judiciaires ou au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (FIJAISV). Objectif de cette attestation : « empêcher toute personne condamnée pour des faits graves de travailler auprès de jeunes enfants », explique sobrement le ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles sur son site.

« Notre façon de faire jusqu’alors était défaillante »

Quelques mois après sa première phase de lancement dans les départements pilotes, le dispositif a donc permis d’établir de premières statistiques. Au 31 mars 2025, « plus de 93 000 personnes ont demandé leur attestation d’honorabilité », a communiqué récemment le cabinet de la ministre Catherine Vautrin. « Parmi elles, 435 personnes se sont vu refuser la délivrance de l’attestation d’honorabilité en raison de condamnations, dont 20 en raison d’infractions inscrites au FIJAISV. »

Mis en service en 2005, le FIJAISV, qui recense les auteurs d’infractions sexuelles (qu’elles soient qualifiées de crimes ou de délits), et même les infractions faisant l'objet d'un appel, comptait, au 30 septembre 2024, plus de 111 000 personnes inscrites, d’après les chiffres du ministère de la Justice.

Des chiffres « inquiétants », mais qui montrent, selon les associations de protection de l’enfance, que le système fonctionne et que sa généralisation à l’ensemble du territoire doit se faire le plus rapidement possible. Au 27 novembre 2024, la DGCS avait déjà fourni quelques résultats : la vérification du FIJAISV avait alors permis d’identifier huit personnes inscrites, entraînant une incapacité d’exercice.

« Malheureusement, ce n’est pas une surprise, cela confirme ce que nous dénonçons depuis longtemps : certains individus n’ont rien à faire au contact d’enfants. Et c’est la preuve que notre façon de faire jusqu’alors était défaillante, commente Aude Lafitte, présidente d’Action contre les Violences Infantiles. C’est à la fois effrayant et utile. Cela veut dire que des dizaines de personnes potentiellement dangereuses pour les enfants auraient pu être embauchées dans des crèches, des associations, ou en tant qu’assistantes maternelles. »

Un système efficace, mais qui gagnerait à être renforcé

Si « le filtre commence enfin à fonctionner », ces chiffres doivent « pousser à renforcer les contrôles et à ne plus fermer les yeux sur les risques », poursuit Aude Lafitte. Même si l’expérimentation a démontré son efficacité et sa nécessité, la portée territoriale et le champ des professionnels concernés reste encore limités. L’impulsion politique se fait néanmoins sentir : la plateforme a été étendue à vingt-trois départements supplémentaires en mars 2025, le nombre de départements assujettis à l’attestation passant de six à 29 en l’espace de six mois, avant une généralisation prévue pour la fin de l’année sur l’ensemble du territoire.

« L’attestation d’honorabilité répond à une évidence : tout le monde ne peut pas être au contact des enfants. Les enfants, en particulier les jeunes enfants 0-3 ans, sont des cibles idéales pour des personnes inadaptées voire malveillantes. Un huis clos suffit à rendre possible l’agression », souligne Aude Lafitte. « Il était donc impératif de mettre en place des garde-fous à l’embauche, pour éviter que des personnes condamnées pour des faits graves puissent se retrouver au contact d’enfants. » 

« Jusqu’ici, le contrôle reposait souvent sur les structures elles-mêmes, sans homogénéité nationale. Certaines embauchaient dans l’urgence, sans vérifier les antécédents. C’était une brèche dangereuse », dénonce Sylvie Vernassière, avocate et vice-présidente d’AVI. Une pratique qui se traduit parfois tragiquement dans la réalité. On se souvient ainsi du drame survenu dans une crèche privée de Lyon, où une employée avait tué une petite fille de 11 mois en lui faisant ingérer un produit corrosif. Plusieurs enquêtes judiciaires, administratives et journalistiques, notamment le livre Les Ogres, de Victor Castanet, avaient montré de graves défaillances dans le fonctionnement des crèches privées et dans le recrutement de professionnels.

« Avec la plateforme honorabilité, le contrôle est automatisé, centralisé et sécurisé, ce qui est un réel progrès », reprend Sylvie Vernassière. « Nous réclamons ce type de contrôle depuis longtemps, notamment pour les assistantes maternelles, qui travaillent à leur domicile, seules, avec des enfants… parfois en présence d'autres adultes de la famille qui n'ont, eux, jamais été contrôlés. C’est un angle mort de la protection de l’enfance. Il fallait une réponse structurelle. Le système d’attestation d’honorabilité va dans ce sens. »

« Il faudrait des contrôles impromptus »

Un dispositif qui arrive trop tard ? « On peut vraiment se poser la question, rebondit Aude Lafitte. Sous le mandat d’Adrien Taquet, un fichier national a été prévu, et intégré à la loi de 2022 qui prévoyait un renforcement des contrôles des antécédents pour les professionnels et bénévoles de la protection de l’enfance, y compris les assistants maternels et les membres de leur foyer. Mais la mise en œuvre a été trop lente, malgré les alertes répétées des professionnels de terrain et des associations. »

Une lenteur que les acteurs de la petite enfance expliquent par des freins multiples : manque de moyens humains dans les PMI, lourdeur administrative, désintérêt politique, « et sans doute aussi une forme de déni collectif autour des violences faites aux tout-petits qui sont banalisés », pointe Aude Lafitte. « Lorsqu’un drame survient, on parle de fait divers, mais ce sont des vies brisées à chaque fois. Il s’agit de protéger les plus vulnérables d’entre nous, cela devrait être la priorité politique de notre pays. »

Et surtout, si l’attestation d’honorabilité était indispensable, elle ne suffit pas à elle seule à garantir la sécurité des plus jeunes, « des cibles vulnérables, qui ne peuvent pas toujours témoigner et qui dépendent totalement des adultes », renchérit Sylvie Vernassière.

Car si les parents restent les premiers auteurs de violences, « les structures censées protéger les enfants — crèches, MAM, assistantes maternelles — manquent cruellement de reconnaissance, de contrôle et de personnel. Ce contexte crée une brèche dangereuse dans laquelle peuvent s’engouffrer des individus mal intentionnés. Parfois, des structures embauchent dans l’urgence, sans vérifier les antécédents, faute de mieux. Mais on ne peut pas jouer avec la sécurité des enfants. »

AVI alerte notamment sur le manque de suivi une fois que les professionnels sont en poste. « Certaines assistantes maternelles ne sont pas inspectées pendant dix ans ! Il faudrait des visites annuelles minimum, et même des contrôles impromptus », souligne Sylvie Vernassière. Et les sanctions paraissent parfois dérisoires. « Lorsqu'une assistante maternelle est condamnée pour des violences ayant entraîné la mort d'un enfant, elle peut, en obtenant la clémence de la Cour d’assises, n’être interdite d'exercer que cinq ans. Cela devrait être à vie de façon automatique. »

Les associations plaident donc aujourd’hui pour que cette première étape soit renforcée par des mesures complémentaires, comme l’installation de caméras sécurisées dans les structures d'accueil, accessibles uniquement par la justice en cas d'incident grave (sur le modèle des boîtes noires dans les avions). « Cela permettrait avant tout de dissuader un passage à l’acte mais également de faire la lumière sur ce qui s'est réellement passé, notamment dans les cas de bébés secoués », précise Aude Lafitte.

Une autre de ces mesures pourrait être la création d’un fichier national croisé des agréments et signalements, car « aujourd’hui, un retrait d’agrément dans un département peut ne pas être visible ailleurs : une faille inacceptable ». Il faudrait enfin, selon l’association AVI, une meilleure protection des professionnels qui osent alerter sur des comportements inquiétants. « La culture du signalement doit évoluer. Signaler, ce n’est pas dénoncer un auteur, c’est protéger une, voire plusieurs victimes. Il y a aussi le problème du traitement des signalements réalisés. Aujourd'hui, certains collègues hésitent à parler, et des alertes restent parfois sans suite. C'est ainsi que des drames surviennent », déplore Aude Lafitte.

La nécessité d’une meilleure coordination nationale

D’autres législations pourraient aussi servir de modèles en matière de protection des enfants. Le Canada est souvent cité en exemple par les professionnels du secteur. Depuis 2000, le pays a mis en place une vérification des antécédents en vue d’un travail auprès de personnes vulnérables, obligatoire pour toute personne occupant un poste de confiance ou d’autorité auprès d’enfants ou de publics fragiles.

« Ce contrôle va bien au-delà du simple casier judiciaire, il inclut des informations de police et les infractions sexuelles même anciennes, via un processus rigoureux encadré par la Gendarmerie royale du Canada », explique Sylvie Vernassière. « En France, nous n’avons encore qu’un dispositif partiellement opérationnel, à l’échelle départementale, avec peu de coordination nationale (...). Le modèle canadien montre qu’un fichier national bien pensé peut réellement protéger les enfants. » 

Récemment, l’affaire Joël Le Scouarnec, du nom de ce chirurgien pédocriminel condamné pour des viols et agressions sexuelles sur plus de 299 victimes, a également mis en avant la nécessité d’une meilleure communication entre les acteurs territoriaux, et surtout d’étendre l’attestation d’honorabilité à l’ensemble des professionnels au contact des enfants, dont les médecins. Une mesure réclamée par de nombreuses associations.

Interrogée par le média spécialisé « What’s up doc », Martine Brousse, présidente de l’association La Voix de l’Enfant, estime que « la protection de l'enfant doit primer sur la vie privée des gens », tout en précisant qu’« il n'est pas question de dénoncer n'importe qui ou de faire n'importe quoi. L'employeur ne fait pas d'enquête sur la personne, il demande juste un document qui va plus loin que le casier judiciaire ».

Sollicité par l’AFP en mai dernier, le Conseil national de l'Ordre des médecins, partie civile au procès à Vannes, a rappelé qu'à l'heure actuelle, il n'a « pas la possibilité d'interroger le FIJAISV sur les antécédents judiciaires d'un praticien », précisant que « la consultation du bulletin numéro 2 du casier judiciaire reste limitée à l'inscription d'un médecin ou à l'ouverture d'une procédure disciplinaire ».

Mylène Hassany

 

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