Université d’été du MEDEF, 20 ans après


mercredi 5 septembre 201811 min
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Le MEDEF a organisé son université d’été les 28 et 29 août derniers sur le campus d’HEC à Jouy-en-Josas (Yvelines). Rendez-vous annuel des chefs d’entreprise, cette 20e édition était placée sous l’égide du tout nouveau président Geoffroy Roux de Bézieux qui a succédé à Pierre Gattaz le 3 juillet 2018. Lors de la cérémonie d’ouverture, après l’allocution du dirigeant de l’organisation patronale, le Premier ministre, Édouard Philippe a été invité à s’exprimer sur les réformes menées par le gouvernement en faveur de l’entreprise depuis le début du quinquennat du président la République, Emmanuel Macron, mais aussi sur la situation économique de l’Hexagone en général.


Pour son premier discours en tant que président du Mouvement des entreprises de France, Geoffroy Roux de Bézieux a choisi l’enthousiasme et la fougue. Le monde est entré, pour lui, dans une ère où tout s’accélère : « Nous sommes confrontés à une urgence environnementale et climatique, à la raréfaction des ressources… L’accélération des nouvelles technologies pose autant de questions humaines, de questions éthiques, qu’elles n’apportent de réponses possibles aux défis de la planète… Ces mutations ne changent pas uniquement notre économie, mais aussi notre rapport au travail, à la démocratie, à notre planète », a-t-il ainsi déclaré pour commencer. Une situation qui exige selon lui d’agir très rapidement. Un conseil à peine voilé adressé aux hautes instances gouvernementales.


L’entrepreneur de 56 ans a ensuite présenté et « esquissé sa vision » des trois thèmes choisis par les organisateurs de l’université d’été cette année : le monde dans vingt ans, l’entreprise dans vingt ans, et la France dans vingt ans.



PRÉSENTATION DES TROIS THÈMES DE L’UE 2018


Le monde dans vingt ans

Si pour Geoffroy Roux de Bézieux, un brin pessimiste, le destin du Vieux Continent semblait tout tracé il y a vingt ans, aujourd’hui « le rêve européen s’est évanoui ». La raison ? Le repli identitaire actuel de certains pays européens (Italie, Pologne, et de manière plus flagrante l’Angleterre avec le Brexit) qui nuit à l’unité de l’Europe. Pour Monsieur Roux de Bézieux, pour combattre au mieux ce regain de populisme, il faut tenter de le comprendre, au lieu de le mépriser comme on en a l’habitude.

L’accélération des échanges et des opportunités rendus possibles par le libre-échange et l’avènement de l’Euro n’a pas seulement créé de l’espoir, mais aussi des angoisses et des incertitudes chez les peuples, notamment de la part de ceux qui profitent le moins de toutes ces avancées : ceux qui restent « encastrés » dans les territoires. Cette impression d’être délaissés par l’Europe explique que certains individus se méfient d’elle et propagent des idéologies nationalistes. À quelques mois des élections européennes, « la victoire des populistes est possible », a ainsi mis en garde le président de l’organisation patronale. C’est pourquoi « l’Europe doit être un sujet majeur de notre action dans les mois qui viennent. Nous les entrepreneurs, nous devons affirmer notre volonté de construire l’Europe, autant celles des producteurs que celles des consommateurs ». Pour le président du MEDEF, il est primordial que les chefs d’entreprise démontrent à tous que l’Europe et l’Euro peuvent apporter de nombreux bénéfices aux entreprises et aux entrepreneurs. Ce jour-là, il a donc proposé aux syndicats de salariés que l’Europe figure à leur agenda social économique « pour construire ensemble un projet européen vu par le monde économique ».


L’entreprise dans vingt ans

Pour Geoffroy Roux de Bézieux, le monde de l’entreprise est aujourd’hui confronté à un changement de paradigme majeur : « l’entreprise est devenue l’acteur incontournable des mutations, aussi bien les mutations technologiques, que les mutations sociétales ». Pour lui, ceux qui changent le monde ce sont en premier lieu les entrepreneurs. « Dans le spatial, dans la médecine… l’initiative est du côté de la sphère privée, et ce sont les entrepreneurs qui vont relever les grands défis à venir. »

Il reste que les entrepreneurs doivent accepter les responsabilités qui vont avec, car « liberté et responsabilité vont toujours de pair » a martelé le président du MEDEF. C’est pourquoi les citoyens attendent des entreprises qu’ils soient des acteurs majeurs du changement sociétal. Une prise de responsabilité qu’attendent également les salariés, surtout les jeunes qui ont un rapport au travail très différent, selon Monsieur Roux de Bézieux.

Pour ce dernier, dans vingt ans l’entreprise aura une vocation encore plus large que maintenant, c’est pourquoi « nous devons donc accepter ce débat sur la raison d’être de l’entreprise ». Un débat qui dépasse largement la question des profits, selon lui.

Cependant pour le patron des patrons, s’il est légitime de demander aux entrepreneurs de s’engager plus pour la société, il faut en retour que le rôle central de ces derniers dans le dessein du pays soit « célébré et encouragé ». Il est donc nécessaire pour lui de cesser de parler d’entreprise et d’entrepreneur que pour pointer du doigt les dérives de certains. « Les entrepreneurs ce sont eux qui osent, ceux sont ceux qui innovent, ce sont eux qui prennent tous les risques », a-t-il scandé s’attirant par-là les applaudissements de toute l’assemblée.


La France dans vingt ans

« Dans ce monde en mutation, existe-t-il encore une exception française ? », s’est-il interrogé. « Je ne crois pas à l’exception française, mais à la singularité française ». Paraphrasant de Gaulle, « ce sentiment c’est celui qui nous anime », a-t-il ajouté. Un sentiment qui est une forme de patriotisme, a-t-il reconnu.

Mais le sentiment ne suffit pas. Comme le Général, pour Monsieur de Bézieux, il faut aussi la raison, et, selon lui, les raisons de croire en notre pays sont nombreuses, notamment au regard des multiples atouts dont nous disposons : territoires, démographie, démocratie, stabilité des institutions, grands groupes, ETI…

Mais le véritable enjeu pour l’Hexagone, c’est de transformer le pays au rythme de la transformation du monde, car la France a du retard. Heureusement, pour le président du MEDEF, l’histoire économique du monde n’est pas jouée et les monopoles qui dominent aujourd’hui sont faits pour être remis en cause. « La France terre des arts et des lettres peut redevenir ce qu’elle était au début du 20e. Une terre d’innovation, une terre de technologie, une start-up nation, une nation digitale… », a-t-il déclaré optimiste, « le génie français existe toujours ».

Geoffroy Roux de Bézieux s’est ensuite plus particulièrement adressé à Edouard Philippe, le chef du gouvernement présent ce jour-là. Il a notamment mis en garde l’Exécutif contre les mesures budgétaires annoncées la veille par Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, et perçues par le patronat comme défavorables aux entreprises.

 

UNE CONFIANCE FRAGILE ENVERS LE GOUVERNEMENT

« L’état économique actuel de la France n’est pas très glorieux », a tout d’abord constaté le président du MEDEF. En effet, il y a vingt ans, la dette de la France représentait 40?% du PIB. Elle atteint aujourd’hui près de 100 % du PIB. Les dépenses publiques représentaient elles 52 %, contre 57 % aujourd’hui, et les prélèvements obligatoires 42?% du PIB, contre plus de 44?% aujourd’hui. Quant à la croissance, elle demeure plus faible que ce qui était prévu (1,7 % au lieu de 1,9 %). Le Gouvernement n’a donc pas pour l’instant, selon Monsieur de Bézieux, tenu ses promesses de redressement du pays.

Toutefois, le dirigeant de MEDEF a reconnu les efforts entrepris depuis plus d’un an par l’État en faveur de l’entrepreneuriat : « votre gouvernement Monsieur le Premier ministre a redonné la confiance aux entrepreneurs, car il a décidé de mener une politique pro-entreprise ». Une volonté qui s’est concrétisée autour de plusieurs réformes : abolition de la surtaxation du capital (une anomalie française selon Monsieur Roux de Bézieux), la réforme du Code du travail, le projet de loi avenir professionnel, etc. Des efforts qui exigent de « renvoyer la balle et d’investir dans les entreprises ». En outre, il faudrait aussi selon le président du MEDEF, ouvrir des négociations dans toutes les branches et dans toutes les entreprises. Concernant l’apprentissage, les sociétés doivent selon lui se fixer des critères ambitieux. Enfin, par rapport à la suppression du forfait social sur l’intéressement pour les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés, « nous lancerons une grande campagne au MEDEF pour déployer l’intéressement dans les PME », s’est-il engagé.

« Actuellement, deux réformes sont en cours » a rappelé le dirigeant de l’organisation patronale : la réforme de la santé, et celle de l’assurance chômage. Le monde de l’entreprise prendra sa part, a-t-il promis, à condition pour lui que l’Exécutif ne franchisse pas la ligne rouge : l’augmentation des charges pour les entreprises. Bref, « cette confiance retrouvée est fragile », a mis en garde Geoffroy Roux de Bézieux, car les mesures « budgétaires annoncées hier par Bruno Le Maire sont un très mauvais signal ». La méfiance du patronat envers le gouvernement n’a donc pas disparu d’autant plus qu’il y a quatre ans, a rappelé Monsieur Roux de Bézieux, le Premier ministre (à l’époque il s’agissait de Manuel Valls) avait affirmé qu’il aimait l’entreprise, mais « les mesures n’avaient pas suivi ». « Monsieur le Premier ministre, nous préférons les preuves d’amour aux déclarations d’amour », a donc déclaré le patron des patrons non sans humour.

Geoffroy Roux de Bézieux a conclu son allocution en évoquant le rôle à venir de l’instance qu’il représente. Pour lui, le combat doit rester la priorité du MEDEF, un combat « pour s’assurer que notre compétitivité nous permette la création de richesses, donc la création d’investissements, donc la création d’emplois ». Cependant, pour lui le combat seul ne suffit pas, « je veux un MEDEF qui soit un MEDEF de propositions ». Il a par conséquent invité l’ensemble des chefs d’entreprise présents à cette occasion à questionner leurs certitudes, leurs dogmes, et à se projeter dans les vingt prochaines années.

Edouard Philippe, le Premier ministre, a ensuite été invité à répondre au président du MEDEF devant un auditoire impatient d’entendre son point de vue.

 

UN GOUVERNEMENT QUI SE DIT À L’ÉCOUTE DES ENTREPRISES

Comment évolue économiquement la France depuis 20?ans ? Pour le Premier ministre, le pays connaît depuis vingt ans des transformations bénéfiques majeures, telles que le passage à l’Euro, l’élévation continue du niveau de vie, les transformations territoriales qui ont permis à de grandes métropoles régionales de s’imposer…

Cependant, a-t-il admis, durant cette période, la France a également connu des moments d’immobilisme « qui sont parfaitement préoccupants lorsqu’on se regarde, mais qui sont encore plus préoccupants lorsqu’on se compare à nos partenaires les plus proches. Ainsi, l’évolution de la dette publique, de la dépense publique, l’incapacité répétée à prendre des décisions de rupture nous ont conduits, il est vrai, à des absences ou à des faiblesses », a-t-il indiqué.

Pour redresser le pays, le gouvernement a donc choisi de commencer par réformer « la production de richesse » laquelle contribue, selon Édouard Philippe, à la prospérité et la puissance d’une nation.

Des réformes pro-entreprises

« Je crois beaucoup au travail, je crois à l’effort… je crois à la liberté, à commencer par la liberté d’entreprendre (…). Je crois à l’entreprise parce que, jusqu’à présent et à mon avis pour longtemps, on n’a rien trouvé de mieux pour fabriquer de la valeur et de l’emploi », a-t-il affirmé. C’est pourquoi, depuis un an, l’Exécutif tente de répondre aux besoins du monde de l’entreprise : le besoin de dialogue social dans les plus petites entreprises, le besoin de sécurité dans les relations du travail, et des règles attractives pour les investisseurs internationaux.

Parmi les réformes menées à bien depuis un an, on trouve aussi le barème des dommages et intérêts pour les licenciements injustifiés et les licenciements économiques (avec les possibilités de rupture collective négociée). Le gouvernement a également tenté de répondre au besoin de compétitivité des entreprises, en votant notamment fin 2017, une trajectoire du taux de l’impôt sur les sociétés : « nous poursuivons ce chemin qui nous permettra d’atteindre les 25 % en 2022 », a promis Edouard Philippe. Pour rappel, ce taux est actuellement de 33,3 %.

Quant aux salariés, ils auront la possibilité, à compter du 1er septembre 2019, de bénéficier complètement de leurs heures supplémentaires (cf. suppression des cotisations salariales pour les heures supplémentaires). « Une des lignes directrices de notre action, c’est de revaloriser le travail et les revenus du travail et c’est cohérent », a en effet expliqué le Premier ministre.

Enfin, à l’occasion de ces universités d’été, Edouard Philippe a promis que son gouvernement ne créerait pas de nouveaux impôts sur les entreprises, mais au contraire allait « supprimer ces multiples petites taxes héritées du passé ». Concrètement, il s’agit de supprimer, dès l’an prochain, une vingtaine de petites taxes pour un montant global de 200?millions d’euros.

En outre, l’actuel CICE sera transformé dès 2019?en un allégement de charges simple et immédiat. « Cette bascule du CICE en allègements de charges pérennes aboutira, en 2019, à un ressaut de trésorerie exceptionnelle, ce n’est pas un cadeau, c’est un droit », a justifié le Premier ministre anticipant par-là les éventuelles contestations. « Ce sera utile pour financer les investissements, ce sera utile pour développer la compétitivité, ce doit être utile pour ça et je n’ai aucun doute sur le fait que les entreprises se saisiront de cette opportunité formidable pour utiliser cette trésorerie. »

Enfin, Monsieur Philippe a loué les mérites de la future loi Pacte dont l’objectif principal sera de simplifier les procédures pour les entreprises. Parmi les mesures contenues dans les textes : la suppression du seuil de vingt salariés, par le gel durant une période de cinq ans des seuils qui subsisteront ; l’allégement des obligations de certification légale des comptes ; la création d’un guichet numérique unique pour les créateurs d’entreprises et un regroupement des différents registres ; la suppression des doubles frais lors de l’immatriculation de ceux qui sont à la fois artisans et commerçants, etc. « Ces mesures, elles vont là encore de façon peut-être peu spectaculaire, mais réelle simplifier la vie de milliers d’entrepreneurs et elles seront effectives dès le 1er janvier prochain » a affirmé l’homme politique. Se voulant complètement rassurant, il a certifié que son gouvernement avait pris des engagements clairs qui ne seront pas remis en cause d’ici à la fin du quinquennat.


Compétences et formation professionnelle

Autre chantier d’importance, le besoin des entreprises en compétences. Monsieur Philippe a expliqué que pendant ses déplacements en région, il était souvent confronté au désarroi de chefs d’entreprise qui ne trouvaient pas de personnels compétents pour effectuer le travail demandé. Pour le Premier ministre, cela relève d’un « cruel non-sens… un gâchis abominable d’argent public, d’initiatives privées, et de destinées humaines ». Alors que le chômage en France s’élève à 9,1?% comment remédier à cette situation ? Pour l’homme politique, en réalité le problème vient de la formation de la main-d’œuvre, raison pour laquelle il a affirmé que le gouvernement allait mener un très grand nombre de mesures pour faire en sorte d’élever et d’adapter le niveau de compétences de la population active française. Par conséquent, selon lui « cette révolution de la compétence passe par la remise à plat de notre système de formation professionnelle pour que [celui-ci] profite désormais à ceux qui en ont besoin parce qu’aujourd’hui ce n’est pas le cas ». Ainsi, il a promis que les pouvoirs publics allaient très rapidement déployer le plan d’investissement dans la compétence. Ce dernier représentera un investissement de 15 milliards d’euros pour la formation d’environ deux millions de demandeurs d’emploi et de jeunes « décrocheurs » : « c’est considérable, mais c’est indispensable », a-t-il expliqué. Reste à savoir comment le gouvernement va s’y prendre pour financer un tel plan. La solution a l’air simple pourtant pour le chef du gouvernement : « nous n’allons pas créer de nouvel impôt, nous allons moderniser les prélèvements qui existaient pour la formation professionnelle et en simplifier la collecte ». Affaire à suivre.

Concernant les jeunes, une des principales catégories qui souffre actuellement du fléau du chômage, Edouard Philippe a promis que des efforts allaient être entrepris en termes de recrutement et d’apprentissage : « Nous avons décidé de mettre le paquet sur l’apprentissage, nous avons décidé de revoir complètement le mode d’organisation et le mode de financement du recours à l’apprentissage parce que nous considérons que c’est et que ce doit être la voie royale de l’accès à l’emploi. » C’est pourquoi, il a affirmé que les apprentis allaient désormais être mieux rémunérés, et que les entreprises allaient pouvoir recruter des apprentis jusqu’à

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