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Les grosses réparations sont devenues une notion centrale du bail commercial depuis le décret du 3 novembre 2014 qui a interdit au bailleur de transférer sur leurs locataires les réparations énumérées à l’article 606 du Code civil. Le bail dit « investisseur » (le locataire étant tenu de la taxe foncière, des assurances de l’immeuble et des grosses réparations de l’article 606 du Code civil) n’existe plus. Il est donc devenu essentiel de déterminer avec précision si une réparation doit être qualifiée ou non de « grosse réparation », souligne l’avocat et docteur en droit Christophe Denizot.
Le local commercial donné à bail et les parties communes de l’ensemble immobilier nécessitent régulièrement des réparations. La question se pose donc de la prise en charge par le bailleur ou le preneur. À défaut de disposition précise dans le statut des baux commerciaux et dans le droit commun du bail visé dans le Code civil (seulement les articles 1754 et 1755 du Code civil), les parties ont été contraintes de contractualiser une répartition, et à cet effet, elles se sont référées aux articles 605 et 606 du Code civil qui concerne l’usufruit. Le plus souvent, les baux commerciaux précisent que le preneur sera tenu de l’ensemble des réparations à la seule exception des grosses réparations énumérées à l’article 606 du Code civil. Mais il était possible, avant la réforme issue de la loi Pinel, de transférer sur le locataire lesdites grosses réparations. Or, il restait encore beaucoup de baux commerciaux qui mettaient à la charge du locataire les grosses réparations, notamment les baux des centres commerciaux.
Le législateur a voulu mettre un terme à cette pratique qui consistait à imputer aux locataires les réparations portant sur la structure de l’immeuble qui sont liées au droit de propriété du bailleur.
Ainsi, l’article R. 145-35 du Code de commerce issu du décret du 3 novembre 2014 précise que « ne peuvent être imputés au locataire :1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du Code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ; 2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent ».
Peu importe d’ailleurs la source de la grosse réparation (vétusté, mise en conformité ou autre), elle relèvera du bailleur.
Cependant, et malgré la réforme, certaines grosses réparations vont rester à la charge du preneur dans les cas suivants :
L’article R. 145-35 du Code de commerce soulève une première interrogation : l’interdiction concerne exclusivement les charges, à savoir les dépenses réalisées par le bailleur et refacturées au preneur (les réparations portant essentiellement sur les parties communes de l’ensemble immobilier) ou bien s’applique-t-elle également pour les réparations exécutées par le preneur directement sur les parties privatives ? La question se pose en effet car l’article R. 145-5 du Code de commerce concerne les charges et non précisément les parties privatives (les locaux loués). La Cour de cassation sera sans doute interrogée sur la question, mais dans la mesure où l’esprit de la loi dite Pinel consiste à protéger d’avantage les locataires, il est probable que l’interdiction concernera tant les parties communes que les parties privatives.
Une deuxième question se pose : qu’est-ce qu’une grosse réparation mentionnée à l’article 606 du Code civil ? La réponse n’est pas si facile, car s’il est possible de donner une définition générale (I), une analyse des cas d’espèce est nécessaire (II).
Définition générale des grosses réparations
L’article 606 du Code civil nous précise la liste des grosses réparations : « Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien ».
Pendant un temps, la Cour de cassation s’est simplement contentée d’affirmer que la liste de l’article 606 du Code civil était limitative sans donner de définition précise, car la notion de « gros murs » reste assez vague (Cass. 3e civ., 25 oct. 1983, Bull. civ. III, n° 194 ; Cass. 3e civ., 27 nov. 2002, Bull. civ. III, n° 235).
Elle a cependant rendu un arrêt de principe aux termes duquel elle a précisé que « les réparations d'entretien sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l'immeuble tandis que les grosses réparations intéressent l'immeuble dans sa structure et sa solidité générale » (Cass. 3e civ., 13 juill. 2005, Bull. civ. III, n° 1 55 ; voir également concernant la structure de l’immeuble, Cass. 3e civ., 9 juill. 2008, Bull. civ. III, n° 121).
Plus récemment, la Cour de cassation a confirmé sa définition en rappelant qu’une grosse réparation affecte la structure de l’immeuble : « la réfection complète de la peinture du plafond du local rendue nécessaire par l'absence d'étanchéité de la toiture-terrasse, affecte la structure de l'immeuble et constitue une grosse réparation » (Cass. 3e civ., 22 juin 2017, pourvoi n° 15-18316).
La cour d’appel de Paris a d’ailleurs repris cette définition : « considérant qu'au sens de l'article 606 du Code civil, les grosses réparations sont celles qui touchent à la solidité et à la structure même de l'immeuble » (Paris, 21 mai 2014, RG n° 11/19300, Blanche / Blandis).
Les grosses réparations (en réalité l’expression gros murs) concernent donc la structure de l’immeuble, à savoir essentiellement la façade, les murs et poteaux porteurs, la toiture et la dalle (sol/plafond).
Dès lors que des réparations affectent la structure de l’immeuble, nous sommes ainsi en présence d’une grosse réparation à la charge du bailleur, étant rappelé que pour la toiture, la réparation doit être intégrale comme le précise l’article 606 du Code civil. Une reprise partielle d’étanchéité ne peut donc être considérée comme une grosse réparation.
La notion de « structure » étant nécessairement technique, une approche au cas par cas permet de déterminer avec plus de précision si nous sommes en présence ou non d’une grosse réparation.
Analyse des cas d’espèce
Amiante :
Les travaux de désamiantage sont avant tout des mises en conformité qui sont imposées par l’administration. Si le bail ne transfère pas ce type de travaux sur le locataire il faut donc s’interroger sur son rapport avec la structure de l’immeuble.
Ainsi les travaux de désamiantage d’une ampleur telle qu’ils touchent à la structure de l’immeuble ont été considérés comme des grosses réparations (Paris, 26 novembre 1999, RG n° 1999/04661, Sofres / Selectipierre II).
Ascenseur :
L’installation (CA Grenoble, 10 septembre 2009, RG n° 08/01009, Localp / Deux Alpes Voyages) et le remplacement d’un ascenseur (CA Paris, 17 juin 2009, RG n° 08/07290, Salvy / Jarry) ont été qualifiés de grosses reparations.
Canalisation :
Le remplacement de la totalité des canalisations communes de l'immeuble est une grosse réparation (CA Paris, 21 mai 2014, RG n° 11/19300, Blanche / Blandis).
Chaudière :
Sont des menues réparations : le remplacement d’une installation de chauffage-climatisation (CA Besançon, 31 mai 2005, RG n° 04/00175, Immochan / Marques Pereira), les Travaux de remplacement de la chaudière alimentant les lieux loués en eau chaude et chauffage (CA Lyon, 12 mars 2013, RG n° 11/08323, Allirand / Ferrand (Auberge du Bernay), JurisData n° 2013-018185 ; Voir également, CA Caen, 7 janvier 1999, RG n° 97-02327, Sté Gacéenne de fleurs et graineterie / Breux, JurisData n° 1999-105647), les réparations (CA Colmar, 4 juillet 2012, RG n° 11/04154, Salah / Christophe, JurisData n° 2012-019321).
En revanche, nous sommes en présence des grosses réparations quand un problème de chauffage relève du remplacement des canalisations dont certaines sont situées sur la toiture-terrasse de l'immeuble (Cass. 3e civ., 27 novembre 2002, n° 01-12.816).
Climatisation :
Le remplacement en son entier du système de climatisation n’est pas par principe une grosse réparation (CA Paris, 11 mai 2011, RG n° 1999-22472, Infogold Services / Gérer ; également, Cass. 3e civ. 10 février 1999, n° 97-13.096).
Mais des travaux à réaliser dans un immeuble grande hauteur (IGH) sont des grosses réparations, car les fenêtres ne peuvent être ouvertes, de sorte que le système de climatisation qui vise à mai
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