Vidéosurveillance : tout le monde s’en mêle !


dimanche 3 novembre 20195 min
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Les élus des grandes villes sont pour. L’opinion publique aussi.

Les enquêtes d’opinion permettent en effet de se convaincre que les Français sont en général favorables, pour les deux tiers ou les trois quarts d’entre eux, à la vidéosurveillance dans les lieux publics.


Un texte de portée générale, l’article L. 251-2 du Code de la sécurité intérieure, autorise les autorités publiques à transmettre et enregistrer des images prises au moyen de la « vidéoprotection » afin de protéger des bâtiments ou installations, réguler le trafic routier, constater les infractions au Code de la route, porter secours, sécuriser les parcs d’attraction, prévenir l’abandon d’ordures, prévenir les agressions dans des établissements exposés.


La loi LOPSSI II du 14 mars 2011, dont l’objectif était d’améliorer la performance de la sécurité intérieure, avait prévu la possibilité, pour l’autorité publique, de déléguer au profit d’une personne morale de droit privé le soin d’organiser la captation et la transmission des images de vidéosurveillance. Les agents privés auraient été soumis à des mesures de contrôle.


Dans sa décision du 10 mars 2011, le Conseil constitutionnel, à la demande de 120 parlementaires, a censuré cette disposition, invoquant l’article 12 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (le recours à ce texte est rare !), disposant que la force publique est instituée « pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». Le juge constitutionnel (paragraphe 19 de la décision) interdit la possibilité « d’investir des personnes privées de missions de surveillance générale de la voie publique », « la délégation à une personne privée des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la force publique étant contraire à la garantie des droits ».


On peut se demander, par un raisonnement parallèle, ce que pourrait devenir le système consistant à confier à des personnes privées les voitures radar banalisées initialement pilotées par des gendarmes, véhicules au radar indétectable, qui peuvent circuler sur des tronçons routiers choisis.


Et on ne peut que s’interroger dès lors sur le rôle et surtout la constitutionnalité de la présence de multiples sociétés privées de sécurité qui interviennent dans les lieux publics (musées…), les ports et les aéroports.


Outre le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la vidéosurveillance. Dans son arrêt du 11 décembre 2018 (pourvoi 18-82 365), la Cour suprême judiciaire s’est penchée sur la possibilité pour un juge d’instruction d’installer une caméra sur la voie publique en face de l’habitation d’un suspect. Il résulte de cette décision que le juge d’instruction a le pouvoir de faire procéder à une vidéosurveillance sur la voie publique aux fins de rechercher des preuves des infractions. Mais cette ingérence dans la vie privée doit avoir un caractère limité, être proportionnée au regard de l’objectif poursuivi, et surtout, la mesure ne peut être mise en place que sous le contrôle effectif du magistrat qui doit définir au préalable une durée et un périmètre précis.


Rappelons que les articles 706-96 et 706-96-1 du Code de procédure pénale autorisent le juge des libertés et de la détention (JLD) et le juge d’instruction à faire procéder à la captation et à l’enregistrement d’images dans des lieux privés et des véhicules.


Le Conseil d’État n’est pas en reste ! Il s’est prononcé sur l’installation de la vidéoprotection sur le lieu de travail et le non-respect de proportionner ce dispositif aux finalités poursuivies malgré les injonctions de la CNIL. Saisie par un salarié qui contestait les conditions de la vidéosurveillance au travail (absence d’informations, excès de la surveillance), la CNIL avait en effet, après mise en demeure, sanctionné pécuniairement l’entreprise « fautive ». Cette dernière avait saisi la juridiction administrative afin de faire annuler la sanction. Dans son arrêt du 18 novembre 2015 (371196), mettant en exergue le rôle central et indispensable de la CNIL, la Cour suprême administrative, constatant le non-respect des normes de vidéosurveillance, pourtant strictement encadrées par la loi, et le défaut d’affichage conforme, a rejeté le recours de l’entreprise.


Le Défenseur des droits, lui aussi, est intervenu dans le domaine de la vidéosurveillance ! Une femme, ayant son fils majeur placé sous tutelle vivant dans un établissement spécialisé, s’était aperçue que la direction de cet établissement avait installé un dispositif de vidéosurveillance dans la chambre de son fils. Elle avait saisi le Défenseur des droits, estimant n’avoir pas consenti à cette prise d’images attentatoire à l’intimité de la vie privée. Après s’être rendu sur place de façon inopinée, et avoir constaté que le dispositif de vidéosurveillance interne était illégal car non autorisé dans les formes règlementaires, le Défenseur des droits a rendu la décision suivante : « le Défenseur des droits recommande à la direction de la maison d’accueil spécialisée, de cesser toute activité de vidéosurveillance non conforme à la loi, d’adopter pour l’avenir toutes mesures propres à satisfaire aux exigences légales, notamment en sollicitant les autorisations requises, en informant les personnes concernées et en adoptant un usage de la vidéosurveillance raisonné et respectueux de la vie privée.
Il demande à la direction de la maison d’accueil spécialisée, de lui rendre compte des suites données à ces recommandations dans un délai impératif de deux mois à compter de la notification de la présente décision, sans préjudice le cas échéant, d’une transmission au procureur de la République. Il recommande à la ministre des Affaires sociales et de la Santé de rappeler les exigences légales relatives aux dispositifs de vidéosurveillance aux établissements sanitaires et médico-sociaux.
 »


Compte tenu de la multiplication des dispositifs de vidéosurveillance un peu partout, il est probable que les saisines et les contentieux de toute nature ne feront que croître !


 


L’IMAGE SATELLITE


Pour conclure ce condensé très bref, en quelques pages, de certains aspects du droit de l’image, prenons de la hauteur avec l’image satellite.


L’Agence spatiale européenne (ESA) s’est alignée sur la NASA qui autorise l’utilisation de ses photos. Les photographies téléchargées sur son site sont libres de droits et utilisables sans formalités.


L’image satellite est peu protégée mais celui qui la retravaille peut en faire une œuvre originale. On peut assimiler à l’image satellite, l’image prise sur un microscope ou un télescope, qui n’est pas une œuvre originale soumise à la protection du droit d’auteur.


Des milliers de clichés sont pris chaque jour depuis le ciel et l’espace, à des fins météo, militaires, cartographiques, avec une précision toujours plus grande, et ceux-ci sont finalement les moins contrôlés, les moins sujets à recours, les moins règlementés.


Dans l’espace, l’image, grâce au téléobjectif, peut être proche. Le droit, lui, y reste parfois bien lointain…


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