L’image totalement interdite


samedi 2 novembre 20197 min
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Outre les interdictions ou impossibilités résultant de la jurisprudence et des règles de protection de la vie privée, il existe des cas d’interdiction légale absolue.


 


Les mineurs


La photo d’un mineur sans l’autorisation de ses parents ou représentants légaux est prohibée, même s’il a donné son consentement.


On a vu que si l’article 226-1 du Code pénal réprimait les photos des personnes dans un lieu privé sans leur consentement, il énonçait aussi : « Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé»


Concernant les mineurs, le consentement ne peut être présumé. Ce qui explique pourquoi, dans les établissements scolaires ou encore dans les colonies de vacances, on fait signer aux parents une autorisation, en début d’année scolaire ou en début de séjour, qui va permettre la photo de classe, ou la diffusion de photos de groupes, d’activités…


 


La pédopornographie


Le Code pénal, en son article 227-23, réprime sévèrement les images pédopornographiques, non seulement leur réalisation et leur diffusion (cinq ans d’emprisonnement, sept ans si utilisation d’un réseau de communication électronique comme Internet, 10 ans si bande organisée), mais aussi leur consultation : deux ans d’emprisonnement pour la seule consultation habituelle de sites ou même la simple détention de telles images.


 


Les images violentes


L’article 227-4 du Code pénal couvre un champ assez vaste : violence, apologie du terrorisme, pornographie, grave atteinte à la dignité humaine. Il énonce en effet : « Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur.


Lorsque les infractions prévues au présent article sont soumises par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »


 


Le tabac


Il est interdit de représenter dans un but publicitaire toute forme de tabac (paquet de cigarettes, cigares, etc.). Cette interdiction résulte de la rédaction de l’article 3 de la loi Évin du 10 janvier 1991 ayant modifié l’article 2 de la loi Veil du 9 juillet 1976 comme suit : « Toute propagande ou publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac ou des produits du tabac ainsi que toute distribution gratuite sont interdites ». Cette disposition est reprise par l’article L. 3512-4 du Code de la santé publique.


En 2009, la RATP, appliquant ce texte à la lettre, mais suscitant la polémique, après avoir fait supprimer la pipe du cinéaste Jacque Tati sur une affiche annonçant une exposition de la Cinémathèque française consacrée à ce réalisateur-acteur, a refusé d’apposer dans les couloirs du métro et sur les autobus une affiche du film Coco avant Chanel, sur laquelle l’actrice Audrey Tautou apparaissait en pyjama en train de fumer une cigarette.


Suite à cette polémique, le ministère en charge de la Santé a publié le 28 mars 2012 une circulaire comportant la règle d’assouplissement suivante : « Peuvent être également qualifiées d’illicites les images qui auraient pour effet, réel ou seulement vraisemblable, de promouvoir le tabac. Toutefois, iI ne ressort ni de l’esprit de la loi dite “Évin” à l’origine de la législation précitée, ni de l’application qui a pu en être faite dans la jurisprudence, ni des engagements internationaux de la France, qu’est interdite la représentation de personnages, historiques ou non, consommant un produit du tabac, surtout quand cela correspond à un trait de sa personnalité, dès lors que le but ou l’effet de cette communication n’est pas de nature publicitaire. La représentation d’éléments liés au tabac, ou de fumeurs, dans des œuvres artistiques et/ou des images historiques ou d’actualité n’est interdite qu’en cas de propagande, parrainage, publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, c’est-à-dire dans le cadre d’une action utilisant des mots et images en vue de donner une représentation positive du tabac ou une image valorisante du fait de fumer. »



 


Les menottes


En mai 2011, le directeur du FMI (Fonds monétaire international), Dominique Strauss-Kahn, est exhibé devant les caméras, menotté, par les policiers newyorkais.


De nombreux hommes politiques, indignés, s’insurgent. Jean-Pierre Chevènement parle d’un « effroyable lynchage planétaire ».


En France, la représentation par l’image d’une personne menottée est prohibée par la loi, sauf si cette personne l’autorise ou la revendique, à l’image de José Bové, le 31 août 1999, brandissant fièrement devant les journalistes ses bras menottés alors qu’il comparaît au Palais de Justice de Montpellier.


La prohibition de cette image est édictée par l’article 803 du Code de procédure pénale : « Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite. Dans ces deux hypothèses, toutes mesures utiles doivent être prises, dans les conditions compatibles avec les exigences de sécurité, pour éviter qu’une personne menottée ou entravée soit photographiée ou fasse l’objet d’un enregistrement audiovisuel. »


L’article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse énonce en outre :
« Lorsqu’elle est réalisée sans l’accord de l’intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, de l’image d’une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l’occasion d’une procédure pénale mais n’ayant pas fait l’objet d’un jugement de condamnation et faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu’elle est placée en détention provisoire, est punie de 15 000 euros d’amende. »


 


Les audiences des tribunaux


Jusqu’en 1954, il était possible de rendre compte des procès par l’image. Après les débordements du procès Dominici, la loi du 6 décembre 1954 a interdit la photographie et la reproduction sonore ou télévisuelle des débats judiciaires.


L’interdiction figure à l’article 38 ter de la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui énonce : « Dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image est interdit. Le président fait procéder à la saisie de tout appareil et du support de la parole ou de l’image utilisés en violation de cette interdiction.


Toutefois, sur demande présentée avant l’audience, le président peut autoriser des prises de vues quand les débats ne sont pas commencés et à la condition que les parties ou leurs représentants et le ministère public y consentent.


Toute infraction aux dispositions du présent article sera punie de 4 500 euros d’amende. Le tribunal pourra en outre prononcer la confiscation du matériel ayant servi à commettre l’infraction et du support de la parole ou de l’image utilisé.


Est interdite, sous les mêmes peines, la cession ou la publication, de quelque manière et par quelque moyen que ce soit, de tout enregistrement ou document obtenu en violation des dispositions du présent article. »


La loi Badinter du 11 juillet 1985 tendant à la constitution d’archives de la justice a cependant introduit la possibilité d’enregistrer certains procès dans le but de conserver une trace historique de ceux-ci (ce qui a été le cas par exemple du procès Barbie). Cette disposition est codifiée dans le Code du patrimoine, dont l’article L. 211-1 énonce : « Les audiences publiques devant les juridictions de l’ordre administratif ou judiciaire peuvent faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel ou sonore dans les conditions prévues par le présent titre lorsque cet enregistrement présente un intérêt pour la constitution d’archives historiques de la justice…l’enregistrement est intégral. »


Il convient de noter que les enregistrements doivent se faire à points fixes, ce qui interdit toute prise de vue mobile par un opérateur se déplaçant dans la salle d’audience.


 


La reproduction de documents secrets


La défense nationale et la sécurité du territoire exigent une protection particulière. La reproduction par l’image de documents protégés est donc totalement prohibée.


L’article 413-10 Code pénal dispose : « Est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende le fait, par toute personne dépositaire, soit par état ou profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire ou permanente, d’un procédé, objet, document, information, réseau informatique, donnée informatisée ou fichier qui a un caractère de secret de la défense nationale, soit de le détruire, détourner, soustraire ou de le reproduire, soit d’en donner l’accès à une personne non qualifiée ou de le porter à la connaissance du public ou d’une personne non qualifiée. »


 


Les prises de vue aériennes de certains lieux


Régulièrement, une liste officielle des zones interdites à la photo aérienne est publiée. Le dernier texte actuellement en vigueur est l’arrêté du 14 octobre 2018 dont l’article 1 énonce : « La liste des zones du territoire national interdites à la prise de vue aérienne par appareil photographique, cinématographique ou tout autre capteur figure en annexe I du présent arrêté. »


On y trouve des installations militaires, des prisons, des lieux sensibles.

 


Etienne Madranges,

Avocat au barreau de Versailles


 


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