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Rentrée des avocats du Val-de-Marne : « Prenez soin de vous, autant que vous prenez soin de vos clients »

La rentrée des avocats du Val-de-Marne a mobilisé la profession, le temps d’une audience plutôt marquée par l’émotion. Avant son départ, la bâtonnière Yolaine Bancarel a dépeint une justice « en souffrance », au besoin grandissant de retrouver son humanité. Ces thèmes ont également imprégné la joute oratoire des secrétaires de la conférence. Le JSS y était.


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Mylène Hassanyvendredi 19 septembre4 min
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La bâtonnière Yolaine Bancarel a livré un discours émouvant, pour cette dernière audience de rentrée, devant les avocats du Val-de-Marne.

Vendredi 12 septembre, les derniers avocats se pressent silencieusement pour trouver quelques rares places dans la salle des assises du tribunal judiciaire de Créteil. Ce jour-là, le barreau du Val-de-Marne fait sa rentrée. Dans la salle également, des personnalités civiles, la présidence du tribunal, le parquet et des acteurs locaux.

C’est donc devant un auditoire attentif que Yolaine Bancarel, bâtonnière du barreau val-de-marnais, dresse le bilan de son mandat, une mission de près de deux ans au service d’une juridiction « exigeante », « l’une des plus modernes de France ».

Et de rappeler l’histoire du barreau de Créteil, « né d’avocats dissidents » en 1973, quittant le grand Paris pour créer un groupement d’avocats dans le Val-de-Marne. « Notre héritage, notre histoire, notre fierté », loue-t-elle.

« Les rentrées solennelles sont généralement l’occasion pour les bâtonniers de faire entendre leur voix pour appeler à la vindicte et au combat », décrit le barreau sur son site. La preuve, par l’exemple : dans la salle des assises, le discours de Yolaine Bancarel dépeint un monde judiciaire aux missions menacées, et aux voix « de moins en moins audibles ».

Pour Yolaine Bancarel, la mission de bâtonnière « comporte de multiples facettes », qui doit composer avec « de nombreux partenaires » au quotidien. Un regret cependant : celui de n’avoir pas pu inscrire son action dans la continuité, et le « déséquilibre » avec le mandat de président du CNB, lui élu pour trois ans. « Il y a certains combats que je n’ai pas pu mener à bien », déplore-t-elle devant l’audience.

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Et puis, la bâtonnière souhaite rendre hommage aux avocats disparus récemment, et qui ont marqué de leur empreinte, de près ou de loin, le barreau val-de-marnais. Christian Leipp, membre fondateur du barreau, décédé la veille de cette rentrée solennelle des avocats, a droit à un hommage appuyé de la part de ses confrères présents ce jour-là. Maxime Teissier, avocat pénaliste, ainsi que Mathieu Hérondart, tous deux disparus tragiquement en 2025, sont également cités dans cet hommage.

« La justice est malade, et il faut trouver un coupable »

« Il faut aussi fêter la vie, et saluer l’arrivée de nos enfants », poursuit l’avocate. Une accroche qui permet d’aborder un autre sujet, tout aussi présent chez les professionnels du droit : la santé et la maternité. « Pour être mère et avocate, il faut bien du courage. Elles portent leur enfant jusqu’au bout, par peur des renvois. Bien qu’à Créteil, aucun incident ne m’est remonté, je dois le reconnaître. » La bâtonnière salue aussi le travail mené en commun avec les autres professionnels de la juridiction, et ce « respect mutuel » qui a marqué les 20 mois de son mandat. Aux chefs de la juridiction présents dans le public, elle loue des liens qui ne sont « pas rompus » entre avocats et magistrats.

Pour elle, « sans barreaux, pas de justice, n’en déplaise à certains fachos ». Une référence à peine voilée à ceux qui attaquent la profession sous l’étendard de la lutte contre le crime. « Ils généralisent une profession qu’ils ne connaissent pas, ou ne veulent pas connaître. La justice est malade, donc il faut trouver un coupable. »

La bâtonnière poursuit son propos en brossant le portrait d’une justice en souffrance : des justiciables parfois violents, des magistrats « eux aussi épuisés », des avocats « entre le marteau et l’enclume », aux missions menacées, dont la voix « s’étiole ». Elle déplore aussi la disparition des jurés populaires dans la justice criminelle, au profit d’audiences « toujours plus vite, toujours plus courtes ». « Mais à quel prix ? ». Au milieu de tout cela, un point essentiel : « Gardez l’essentiel, notre humanité. Prenez soin de vous autant que vous prenez soin de vos clients », intime-t-elle.

Elle termine avec ces mots : « Vous faites désormais partie de ma vie et j’emporte avec moi un peu de chacun d’entre vous ».

Après une standing ovation, la parole revient à Virgile Leblanc et Clément Despujol, premier et second secrétaires de la conférence du jeune barreau, pour des débats enflammés autour du thème « Puissants ou misérables ». Avec humour, ils dépeignent les travers de la justice et les grands thèmes qui traversent son actualité aujourd’hui : le laxisme, la course au chiffre au mépris de la qualité des procédures, la loi sur la justice pénale des mineurs, Vendin-le-Vieil, tout y passe et leurs arguments font mouche. La salle semble conquise.  Ils se voient tous deux remettre le prix « Agnès Livarek », en hommage à « notre consœur trop tôt disparue », décrit Yolaine Bancarel.

Les deux secrétaires de la conférence se sont affrontés lors d’une joute verbale sur le thème « Puissants et misérables ».

Si les magistrats chefs de juridiction dévoilent, à la fin de l’audience, « ne pas partager tout ce qui a été dit », le procureur Damien Savarzeik – arrivé à son poste à peine une semaine auparavant – salue ce « vibrant appel à l’humanité, dans une société qui en perd. »

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