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Les commandes s’accélèrent chez les tailleurs de robe de justice en ce mois de septembre, avec la fin des épreuves du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA). Pour les nouveaux entrants dans la profession, le choix de la première robe est un rendez-vous chargé de symboles.
Les mannequins parés de robes d’audience, noire ou rouge, toisent l’avenue Parmentier depuis la vitrine de la boutique L’épitoge, dans le 11e arrondissement de Paris. Derrière eux, Lili Gatier, élégance à l’ancienne et verbe franc, multiplie les rendez-vous en cette mi-septembre. Les futurs avocats, notamment ceux formés dans les écoles parisienne et versaillaise, passent en effet les examens du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) et se projettent plus que jamais dans le métier.
Si certains ont anticipé pendant l’été, beaucoup passent commande à la rentrée pour leur première robe. « Une erreur », estime pourtant Lili Gatier. « La confection d’une robe sur-mesure prend, en temps normal, plusieurs semaines », explique-t-elle. « Comme les commandes affluent en septembre et en octobre, les délais sont rallongés et je ne peux pas toujours garantir une livraison pour les premières prestations de serment en décembre ». Car l’enjeu du calendrier est là : pour exercer, le passage en robe devant la cour d’appel est impératif.
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En plein examen, son futur contrat de collaboration déjà signé avec un cabinet parisien, Julien compte se faufiler dans les agendas des tailleurs. « J’avoue ne pas être encore trop renseigné sur le sujet, mais je vais m’en occuper rapidement pour pouvoir prêter serment en décembre, même si je ne suis pas en avance », reconnaît cet étudiant de l’EFB. Un léger retard dans lequel il ne faut pas lire un manque d’enthousiasme.
Comme les 3000 à 4000 jeunes avocats qui prêtent serment chaque année pour la première fois, Julien place dans sa robe une importante charge symbolique. « C’est l’aboutissement de longues études et, enfin, la bascule dans la vie active et ses responsabilités », témoigne-t-il. Également inscrite à l’EFB, Coline, qui a passé commande avant les examens du CAPA, partage ce sentiment d’achèvement. « J’espère que ne pas attendre les résultats ne me portera pas malchance, mais cela m’a permis de me motiver pour les révisions en concrétisant la fin imminente d’un parcours assez difficile », raconte la future avocate.
Plus que la conclusion d’une parenthèse universitaire, la première robe matérialise aussi l’entrée dans un corps et ses traditions. « Un avocat use trois robes : la première pour prêter serment, la deuxième pour gagner sa vie, la troisième pour se faire enterrer », résume l’adage du métier. « C’est cliché, mais dans l’imaginaire collectif, dans les films ou les séries, l’avocat se reconnaît par sa robe, rappelle Julien. Avoir la sienne marque l’entrée officielle dans la profession ».
La commande revêt alors un caractère très solennel. « Chaque année, je sens l’émerveillement et la fierté des jeunes qui viennent pour leur première robe, observe Lili Gatier. Ils sont d’ailleurs souvent accompagnés de leur famille pour ce moment important ». L’entourage occupe en outre une grande place dans les personnalisations possibles. Phrase ou message brodé, doublure ou passepoil colorés… Si tous ces ornements se situent à l’intérieur de la robe et restent cachés, ils comptent beaucoup pour les jeunes avocats qui les pensent comme d’intimes dédicaces ou des clins d’œil personnels.
Ainsi se glissent dans le col le nom d’un parent disparu, parfois lui-même avocat, la couleur préférée d’un proche ou un mantra en lettres d’or. Coline a par exemple opté pour une doublure de sa couleur fétiche, le rose. « C’est un détail que personne ne verra, mais j’aime l’idée d’avoir un signe distinctif rien que pour moi », confie-t-elle.
Une limite, toutefois, à la personnalisation : le budget souvent limité pour une première robe. Chaque option vient gonfler le prix final qui repose néanmoins surtout sur la robe en elle-même et son tissu. Plusieurs mètres sont en effet nécessaires pour confectionner le vêtement. S’il existe des entrées de gamme en matière synthétique autour de 500 euros, pour les robes 100% laine, il faut compter entre 700 et 800 euros. « Je tenais à choisir un tissu respirant, naturel et assez léger, pour ne pas sentir de poids sur les épaules », détaille Coline qui a fait de la qualité de la matière première son principal critère de sélection.
Malgré cette attention, la future avocate est parvenue à tenir le budget de 1000 euros maximum qu’elle s’était fixé. Julien espère s’en sortir avec une facture un peu plus douce, « entre 700 et 800 euros », mais sans non plus céder au bas de gamme. « J’ai vu des offres sur Internet beaucoup moins chères mais sans information sur la provenance des tissus ou le lieu de fabrication, assure-t-il. La robe reste un objet important et un vêtement professionnel, je souhaite tout de même un minimum de qualité ».
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Cet investissement lourd en tout début de carrière trouve souvent une solution de financement auprès des proches, comme pour Coline et Julien dont les parents vont contribuer. « Il est très courant que la famille offre la première robe, constate Lili Gatier. C’est un beau geste, mais tout le monde n’a pas cette chance et il est dommage que certains jeunes soient contraints d’acheter une robe de faible qualité, faute de moyens ».
La gérante le rappelle, aucune aide n’existe pour cet investissement incontournable pour exercer, hormis la possibilité de remboursement de la TVA en tant que frais professionnel. Peut-être une piste de travail pour la profession pour améliorer son accessibilité.
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