Tribunal de Bobigny : « Vous trouvez qu’ils avaient l’air en forme, les consommateurs d’héroïne ? »

CHRONIQUE. La 18e chambre correctionnelle du tribunal de Bobigny est chargée de sanctionner les infractions à la législation sur les produits stupéfiants. En cette fin octobre, elle examine le cas du jeune Hakim, 19 ans, revendeur d’héroïne.


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Julien Mucchiellisamedi 25 octobre2 min
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©Julien Mucchielli

Hakim sortait de chez lui pour se rendre à la mission locale, dans le but de trouver un travail, une formation. D’« aller de l’avant » en quelque sorte, mais à peine avait-il mis le nez dehors que « on », c’est-à-dire l’un des innombrables dealers de la cité des Francs-Moisins, à Saint-Denis, l’a abordé en pleine rue pour lui proposer de vendre. Vendre quoi ? De l’héroïne. Contre quel salaire ? Vingt euros.

« Votre job, c’est de construire votre avenir et vous décidez de vendre de l’héroïne ? Alors que vous avez déjà été condamné », s’étouffe la juge. « Non », répond Hakim, 19 ans et un peu effronté. « Il y a quatre jugements du tribunal pour enfant, objecte la juge, c’était en 2024 pour les derniers faits, complète-t-elle. Extorsion, conduite sans permis, pourquoi vous dites non ?

C’était des faits en tant que mineur.

Et donc ? Vous êtes quand même responsable. Vous pensez que c’est une ardoise qu’on efface ? Remarquez, y’en a beaucoup qui le pensent. »

« Vous connaissez des personnes incarcérées ? »

Avant, Hakim avait un travail « au black ». Ce lundi 7 octobre, il était parti pour être recruté par Amazon. Il a arrêté l’école en terminale, a choisi de ne pas passer le bac pour travailler, « et pourquoi on ne vous retrouve pas en train de travailler mais en train de vendre de l’héroïne ? », demande la présidente. « Si je vous dis que c’est un peu dommage, vous avez quoi à dire ?

Déjà, je regrette ce que j’ai fait. Et…

Vous connaissez des personnes incarcérées ?

Oui.

Ça vous fait envie ?

Non. 

Vous savez quelle peine vous encourez ? C’est dix ans. »

La procureure enchaîne : « vous trouvez qu’ils avaient l’air en forme, les consommateurs d’héroïne ? » Hakim répond que non. « Vous décidez de vendre de l’héroïne plutôt que d’aller à la mission locale, très bonne idée si on veut finir sa journée en détention », dit-elle pour entamer ses réquisitions.

« L’héroïne est une drogue qui détruit, on ne pense plus qu’à sa dose, on ne fait plus rien de ses journées », moralise-t-elle, avant de demander un an de prison, dont six mois avec sursis probatoire (interdiction de paraître sur la commune de Saint-Denis, notamment), sans mandat de dépôt.

C’est la peine qui est prononcée, au détail près que l’interdiction ne concerne que la cité des Francs-Moisins, car « le SPIP n’est pas aux Francs-Moisins », assène la juge.

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