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CHRONIQUE. Ce mercredi, le juge de proximité du tribunal de Paris tranche un litige entre voisins, litige dans lequel le bailleur social est aussi partie. Vieilles haines recuites et loyers impayés sont au cœur de ce conflit.
La femme blonde en robe à fleurs avance seule dans son fauteuil roulant électrique à dossier haut, appuie-tête amovible et jantes larges. Elle vient de son banc, plus exactement de l’espace au bout du banc réservé aux personnes en fauteuil roulant, jusque devant la juge ; elle se positionne légèrement en retrait de son avocate.
Elle est la première à plaider devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Paris, pour le compte de cette femme victime de « violences », c’est le terme employé, de nuisances de voisinage qui ont court depuis 30 ans et qui proviennent d’un appartement spécifique, celui de la famille S., dont la mère, présente à l’audience et dernière occupante du logement, est debout, à droite du prétoire.
28 ans plus exactement, puisque les deux femmes – c’est une coïncidence – occupent toutes deux leur logement respectif depuis 1997. L’avocat de la femme en fauteuil, Madame Sanchez, a produit de nombreuses pièces, dit-il, faisant état de nuisances incessantes. Il met également en cause le bailleur, Paris habitat, de ne pas l’avoir relogé décemment ; des propositions ont été faites, mais les appartements n’étaient pas accessibles en fauteuil roulant. Madame Sanchez est coincée dans son appartement du 12e. Il demande 25 000 euros de dommages et intérêts, et la condamnation de la famille S. et du bailleur.
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L’avocate de Paris Habitat surgit sur le devant, et déclare liminairement que soit décidée la prescription pour toutes les demandes antérieures au 27 décembre 2020. Tout est détaillé à l’écrit, elle ne s’attarde pas. Elle ajoute, en revanche, que l’existence des troubles invoqués par Madame S. n’est pas démontrée. Les seuls éléments postérieurs au 27 décembre 2020 sont : quelqu’un qui appuierait sur les boutons d’un ascenseur ou qui lui aurait craché au visage. « Ce ne sont que des troubles de voisinages qui ne caractérisent pas des troubles graves et répétés », qui permettraient de faire condamner le bailleur.
« J’en profite », dit-elle, « pour demander la résiliation judiciaire du bail de la famille S. pour impayés ». Elle précise qu’elle a, en parallèle, fait une demande résolutoire en référé (la décision tombera en août).
La défense de Madame S. s’avance. Elle adhère à la demande de prescription et se rit de la demande de résiliation judiciaire. « En 2021, ma cliente a saisi la commission de surendettement, qui a conclu en 2022 à la suspension de l’exigibilité de la dette pour deux ans. » Elle explique que Paris habitat a engagé un référé avant la fin de ce délai, ce qu’il ne pouvait pas faire. Elle rapporte aussi que la commission de surendettement, dans une deuxième décision intervenue en 2024, a suspendu le remboursement de la dette. « Donc, aujourd’hui, il n’y a pas de dette. Vous ne pouvez pas prononcer de résiliation judiciaire sur une dette qui n’existe pas. »
Elle embraye sur le conflit de voisinage : « Dans ce dossier, vous n’avez : rien. » Des éléments, des courriers, des « meubles déplacés en pleine nuit », sans plus de précisions. Pour elle, aucune des nuisances n’est établie, et le tribunal ne pourra se fonder sur les seules plaintes de Madame Sanchez, qui s’avance (symboliquement) devant ses juges à l’invitation de la présidente, et s’exprime enfin. « On a des pétitions, dit-elle, cinq témoignages écrits : un objet lancé sur le sol à 2h33 du matin dans le seul but de me réveiller. Depuis leur arrivée au mois d’août 1997, je suis en souffrance ! »
Et enfin, l’autre Madame S. prend la parole : « Ça fait 30 ans qu’elle a juré qu’elle aurait ma peau. C’est pas la première fois qu’elle s’en prend aux voisins, mais pour moi, cette dame n’existe plus. Il faut qu’elle arrête ! » Enfin, la juge annonce qu’un jugement tranchera ce litige à la fin de l’été.
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