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CHRONIQUE. Aux comparutions immédiates versaillaises, des vols de ferraille se sont soldés par 15 mois ferme avec mandat de dépôt.

Dumitru M., 40 ans, comparaît pour vol en réunion dans un lieu d’entrepôt, sur une période de prévention de six semaines. Le butin est du genre modeste : des radiateurs, des casseroles, quelques batteries aussi, « barbotés » en famille dans trois déchetteries du département. Il ne voit pas où est le problème. « Quand le portail est ouvert, c’est que c’est ouvert, et quand le portail est fermé, c’est que c’est fermé », gronde la présidente. « C’est quand même pas compliqué à comprendre ! ». « C’est ce que je lui ai expliqué… », intercale l’avocat de la défense. « Chez nous, c’est pas comme ça, je savais pas », tente son client, en haussant les épaules.
À chaque fois, ce sont ses fils qui sont entrés, en se faufilant entre les deux vantaux des portails. À chaque fois, c’est sa femme qui a réceptionné le bazar par-dessus la clôture. Lui a toujours patienté au volant – même s’il est sous le coup d’une interdiction de conduire en France. Dumitru M. trouve que son rôle n’est même pas de l’ordre de la complicité : « On est complice si on fait des actes comme ouvrir la porte, mais moi je n’ai rien fait, je suis resté assis ». L’un des faits leur a valu un contrôle d’identité sur le parking, sans qu’aucune intrusion ne puisse être démontrée : il explique qu’ils s’étaient arrêtés totalement par hasard pour « donner à manger au chien ». Aux autres dates, il estime qu’avec sa petite famille, il a juste « fait les encombrants ».
Son avocat est plus ou moins sur la même ligne, qu’il agrémente d’une pointe de latin de bon aloi : il considère que la ferraille est une res nullius. Mauvaise pioche : techniquement, c’est en fait une res derelictae. Et puis, en pratique, les trois déchetteries sont exploitées, pour le compte de la communauté urbaine, par une association d’insertion. Ponctuellement, des trouvailles alimentent le stock d’une petite ressourcerie. Le reste est « valorisé », une poignée de centimes d’euros au kilo, et « ça devient de l’argent public », précise le président de l’association, partie civile. Au passage, le même explique déposer « 70 plaintes par an, que le ministère public classe régulièrement, puisque c’est compliqué d’évaluer le préjudice ».
Pour la procureure, « il y a une différence entre prendre la ferraille dans les encombrants, et aller dans un lieu clos, avec un portail fermé, cadenassé, en pleine nuit. […] Clairement, ce n’est pas une invitation à entrer ». Elle précise que « nous ne sommes pas sur de la complicité, mais sur de la co-action. Madame fait le guet, monsieur fournit le camion, etc. ». Elle ajoute que « le phénomène, est réel, sériel, désagréable, et cause un trouble à l’ordre public », avant de pointer « la mauvaise foi » de Dumitru M. et de requérir à son encontre 15 mois ferme avec mandat de dépôt.
Place à la défense : « Monsieur, au-delà du fait que c’est un crétin, parce que quand c’est fermé on n’entre pas, il fait la ferraille pour subvenir aux besoins de sa famille. […] Vous avez compris que c’est un dossier de la misère ». Il propose un sursis probatoire – il est évident qu’il ne l’obtiendra pas -, avec pourquoi pas une interdiction de paraître dans les Yvelines : « C’est pas très fair play, mais après tout, s’il lui prend l’envie de recommencer dans le 75, le 91 ou le 95, les tribunaux des autres ressorts en feront leur affaire ». Dumitru M. tient à ajouter un dernier mot : « C’est la dernière fois que moi ou un membre de ma famille on allait en déchetterie ».
Il bénéficie d’une relaxe partielle, pour le jour où il aurait « donné à manger au chien », mais prend tout de même ses 15 mois ferme, avec mandat de dépôt. Ce qui le fait bondir, c’est surtout la confiscation de sa camionnette immatriculée en Roumanie. « Le tribunal a vérifié, et a priori il n’y avait que des radiateurs et des poêles dedans », ajoute la présidente pendant que Dumitru M. maugrée dans le box : « Ce n’est pas là qu’il dort, donc son domicile est préservé ».
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