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Devant les parlementaires, le Premier ministre a mis en garde contre le déficit abyssal de la France et dénoncé les divisions politiques qui fragilisent le pays. Mais ces avertissements n’ont pas suffi : l’Assemblée nationale lui a retiré sa confiance. François Bayrou présentera la démission de son gouvernement ce mardi matin.
« J’ai voulu ce rendez-vous ». Une phrase en forme de chant du cygne, pour François Bayrou, lundi 8 septembre 2025, devant l’Assemblée nationale après l’annonce, à 19 heures, du résultat du vote de confiance. Sans surprise, celui-ci lui a été défavorable : le maire de Pau n’a disposé d’aucune majorité pour le soutenir. Si le maire de Pau a choisi de recourir à l’article 49 alinéa 1 de la Constitution, ç’a été avant tout pour tenter de faire adopter son plan de réduction du déficit public, qui atteint au premier trimestre 3 345 milliards d’euros.
Son discours de politique générale, devenu discours d’adieu, a eu pour lui une portée décisive. D’entrée de jeu, François Bayrou a insisté sur l’enjeu : « Aujourd’hui, n’est pas une question politique, mais une question historique, des questions pour demain mais qui se jouent aujourd’hui. »Dans un ton grave et solennel, le Premier ministre a dressé l’inventaire des maux du pays, avant de conclure sur une image symbolique : celle d’une« magnifique cathédrale à reconstruire pour un peuple qui le mérite ».
Premier constat dressé par François Bayrou : la production. « Nous produisons moins que nos voisins. Si nous avions la même production qu’eux, la France n’aurait pas de déficit », a-t-il lancé. Vint ensuite « l’immense problème de l’éducation nationale », marquée selon lui par des écoles et universités « déclassées » et « une chute de la maîtrise des fondamentaux ».
Le Premier ministre a également pointé l’essoufflement du modèle social, hérité « il y a 80 ans du Conseil national de la Résistance », qui ne tient plus compte ni du déséquilibre des retraites ni du vieillissement de la population. Même constat pour le logement, « à réinventer », l’écologie – « la France est le pays du monde qui a le mieux identifié la problématique » -, la sécurité et la justice, présentées comme « les deux faces de notre premier devoir d’État », ou encore l’immigration, qu’il juge nécessaire de mieux encadrer tout en améliorant l’intégration des nouveaux arrivants.
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Mais pour lui, tout converge vers un même diagnostic vital : « Notre État, notre indépendance, nos services publics, notre modèle social » dépendent de la maîtrise de la dette. « La France n’a pas connu de budget en équilibre depuis 51 ans ! », a-t-il rappelé, dénonçant un « surendettement » qu’il érige en « ennemi public numéro un », une véritable « addiction » : « Nous finançons tout à crédit – sécu, retraites… Un euro de déficit, c’est un euro de dette supplémentaire. Notre pays croit s’enrichir, mais chaque année il s’appauvrit un peu plus. »
Cette « hémorragie insupportable », dont « 60 % des créanciers sont étrangers », serait comparable à une soumission, a déploré le maire de Pau : « Dominés par les armes ou dominés par nos créanciers, dans les deux cas nous perdons notre liberté. » Et de mettre en garde les députés tentés de relativiser le problème : « On me dit que le bateau flotte. Mais pour qu’il flotte demain encore, il faut agir dès maintenant. Voilà la responsabilité. »
Pour tenter de rallier des voix, François Bayrou a multiplié les compromis et, face au tumulte dans l’hémicycle, il a même ironisé : « Si vous criez, je bois, ça m’arrange. » Mais si les oppositions partagent son constat sur l’état du pays, leurs solutions, dit-il, divergent radicalement. « Les uns disent : ce sont les immigrés qu’il faut mettre à contribution », a-t-il lancé, visant le Rassemblement national. Sur l’aide médicale d’État (AME), revendication récurrente du RN, il a prévenu qu’il était prêt à en réduire le périmètre : « J’ai pris la décision d’intervenir cette semaine sur l’aide médicale d’État pour faire entrer dans la norme le rapport présenté par Claude Évin et Patrick Stefanini. »
« Autre discours : ce sont les riches qu’il faut faire payer ! » a-t-il poursuivi, en référence cette fois à la gauche. Selon lui, Bernard Arnault et d’autres grandes fortunes sont devenues « les cibles emblématiques d’une pensée magique », comparables à « ces poupées vaudou dans lesquelles on plante des aiguilles pour les atteindre au portefeuille ». Le président du MoDem a tenu à rappeler « ce que ces grandes fortunes font tous les jours pour le pays : 40 milliards d’excédents du commerce extérieur dans le secteur du luxe, la valorisation de l’image de la France qui contribue à l’industrie comme au tourisme, les dizaines de milliers d’emplois ».
Pour le Premier ministre, deux réalités sont occultées : « Un pays comme le nôtre a besoin d’investisseurs » et, surtout, « ceux qu’on cible déménagent ». Évoquant au passage la taxe de 75 % sur les très hauts revenus, et interpellant François Hollande, « qui le sait bien », il a rappeléque ce type de fiscalité est interdit par le Conseil constitutionnel. Ce dernier « l’a depuis longtemps déclaré confiscatoire et donc inconstitutionnel ! » ; se référant à la taxe Zucman, qui vise les personnes qui possèdent plus de 100 millions d’euros de patrimoine. Une taxe considérée elle aussi inconstitutionnelle par François Bayrou.
Il a néanmoins réaffirmé « qu’il conviendra de trouver un type de contribution qui fasse que les très hauts revenus et les très hauts patrimoines soient appelés à participer spécifiquement à l’effort national », évoquant une « fiscalité de solidarité ». Le Palois a également plaidé pour une lutte renforcée contre l’optimisation fiscale.
Renvoyant dos à dos ceux qui réclament « 20 ou 30 milliards d’impôts nouveaux » et ceux qui « n’acceptent pas un euro d’impôt supplémentaire », soit Renaissance et LR, le maire de Pau a dénoncé « un tohu-bohu qui se prépare pour la France » : « L’addition des voix contraires fera tomber le gouvernement, mais rien ne changera pour autant. » Et d’ajouter : « Mesdames et Messieurs les députés, vous avez le pouvoir de renverser le gouvernement, mais vous n’avez pas le pouvoir d’effacer le réel, qui demeurera inexorable. »
Se présentant aussi en tant que défenseur de la jeunesse, François Bayrou a martelé la nécessité de « libérer les jeunes de l’esclavage dans lequel on les plonge en réduisant la charge écrasante de l’endettement accumulé par les anciennes générations ». « J’ai été frappé de constater combien les plus jeunes se sentent génération sacrifiée. Ils me disent : “Nous n’aurons pas de retraite ! La retraite, ce ne sera jamais pour nous” », a encore déploré le centriste.
En se rendant dans l’hémicycle, le Premier ministre a assuré avoir voulu croire à un scénario autre que celui annoncé depuis des semaines : sa chute. « J’ai choisi de m’adresser à vous comme si le destin n’était pas écrit. Pourtant, la chute irrévocable était annoncée depuis la première minute de son existence. » Il a accusé « les forces politiques » d’annoncer qu’elles vont faire tomber le gouvernement ; des forces politiques qui seraient aussi « les plus opposées entre elles, celles qui se désignent comme ennemies, qui échangent d’un bout à l’autre de l’hémicycle injures et mises en cause ».
François Bayrou a enfin dit, en conclusion, « croire aux compromis qui ne se construisent pas sur l’ambiguïté », appelant, optimiste, à « trouver un chemin pour la France, le seul : celui de la vérité partagée et du courage que l’on choisit ensemble ».
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