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vendredi 20 juin8 min
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20/06/2025 14:47:17 1 5 6544 73 0 © Capture d'écran Sénat.fr 1862 5790 5988 « Quand les jeunes vont mal, c’est tout le pays qui va mal », alerte Sandrine Rousseau

Les actes suicidaires chez les jeunes ont explosé en 20 ans, en même temps que le recours aux médicaments. Plusieurs députés et l’économiste Jacques Attali, réunis par la Fondation Lyynk, ont dénoncé la semaine dernière l’inaction du gouvernement, estimant que la santé mentale est « profondément politique ».

Désignée grande cause nationale de l’année 2025, la santé mentale s’est imposée comme un sujet incontournable, succédant à l’activité physique et sportive mise en avant dans le sillage des Jeux olympiques et paralympiques de Paris.

Si Michel Barnier et François Bayrou en ont fait mention à plusieurs reprises lors de leurs discours de politique générale, peu d’initiatives concrètes ont toutefois vu le jour jusque-là. Certes, le 12 juin, le ministère de la Santé et de l’Accès aux soins a présenté un plan comportant 26 mesures pour refonder la psychiatrie. Mais faute de précisions budgétaires, sa mise en œuvre reste encore incertaine.

C’est dans ce contexte que la Fondation Lyynk, à l’origine de l’application mobile éponyme pensée pour améliorer la santé mentale et le bien-être des 10–25 ans, en partenariat avec le laboratoire d’idées France Positive, a organisé le 17 juin à Clichy un colloque entièrement dédié à la santé mentale des jeunes.

Un public particulièrement concerné : selon une étude Harris commandée par le ministère de la Santé en décembre 2024, 23 % des jeunes déclaraient ne pas prendre soin de leur santé mentale. Et d’après une enquête Odoxa/Mutualité française parue en septembre de la même année, 55 % des 18-24 ans disaient avoir déjà été confrontés à un trouble de santé mentale.

« Les tentatives de suicide ont augmenté de 570 % depuis 2006 »

D’emblée, Sandrine Rousseau, députée EELV-NFP, a donné le ton : « La situation est alarmante ! » Corapporteure, avec la députée Renaissance Nicole Dubré-Chirat, d’un rapport parlementaire sur l’état de la psychiatrie en France, elle a insisté sur l’urgence à trouver « des solutions à la hauteur des enjeux ».

Pour l’élue écologiste, les signaux de détérioration de la santé mentale des jeunes sont flagrants : « Si on regarde les tentatives de suicide et les actes suicidaires des jeunes femmes de 9 à 19 ans, ces derniers ont augmenté de 570 % depuis 2006. Pour les garçons du même âge, c’est 350 % d’augmentation. C’est un enjeu de santé publique absolument majeur ! »

Un mal-être massif, qui, selon elle, se traduit aussi par un recours accru aux médicaments : « Sur les trois dernières années, le nombre d’adolescents sous psychotropes, antidépresseurs et anxiolytiques a grimpé de 25 % », a-t-elle déploré.

Pour l’économiste Jacques Attali, ex-conseiller de Mitterrand, président de France Positive, cette souffrance vient aussi d’un décalage entre les attentes d’une jeunesse en mutation et les réponses que la société peine à lui apporter. « Les jeunes deviennent adultes plus tôt, ils sont confrontés à d’autres défis que les générations précédentes ».

Un constat partagé par le psychiatre Jamal Abdel-Nasser Abdel-Kader. À ses yeux, les jeunes sont aujourd’hui privés des repères et des sécurités nécessaires à leur construction : « Nous sommes une espèce qui naît totalement immature, et qui a besoin de soins de réassurance. À l’adolescence, on désire de la liberté, de l’autonomie… Mais sans filet de sécurité, cela peut devenir source d’angoisse et de solitude. Il n’y a plus vraiment de liens solides avec les institutions ou même avec les parents. Les adolescents deviennent comme des orphelins au milieu de l’océan. »

En écho, Sandrine Rousseau a blâmé l’inaction politique : « La santé mentale n’est pas du tout prise en compte, ni par les pouvoirs publics ni par la population. Or, quand les jeunes vont mal, c’est tout le pays qui va mal. Et à force de négliger leur avenir, leur place dans la société, on crée une jeunesse en grande souffrance, qui retourne contre elle-même la violence d’un système économique et social qui ne lui laisse pas de place. La santé mentale est profondément politique. »

La société responsable avant les réseaux sociaux ?

Également présent lors de la conférence organisée par la Fondation Lyynk, Arthur Delaporte, député socialiste et président de la commission d’enquête parlementaire sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, a estimé que contrairement à ce qu’avance souvent le gouvernement, les réseaux sociaux ne sont pas les premiers responsables du mal-être des jeunes, même s’ils peuvent en être un facteur aggravant.

« Il faut éviter une lecture manichéenne qui dirait que les réseaux sont responsables de tout. Le vrai problème est d’abord social et politique : c’est le rapport de notre société à sa jeunesse et la manière dont elle la considère », a-t-il pointé. Arthur Delaporte l’a rappelé, l’adolescence est une période de grande vulnérabilité où la socialisation se transforme, et les plateformes peuvent devenir des amplificateurs redoutables de cette fragilité.

Mais l’algorithme de TikTok inquiète le député : « Si on se sent triste, la plateforme va le détecter - parce qu’on regarde des contenus liés à cet état - et elle va en proposer d’autres, de plus en plus sombres. Jusqu’à ce que l’on tombe sur des vidéos qui promeuvent le suicide, la scarification. Certains jeunes sont même exposés à des tutoriels pour s’ôter la vie voire pour dissimuler leurs cicatrices. »

Une dérive récemment illustrée par la tendance #SkinnyTok, qui faisait l’apologie de la maigreur extrême et que le gouvernement français a contraint TikTok à censurer - du moins l’hashtag, car de nombreuses vidéos, elles, restent en ligne.

Pour Jacques Attali, l’environnement familial joue également un rôle central dans la santé mentale des jeunes : « On suit des cours de préparation à l’accouchement, pourquoi n’aurait-on pas un manuel de base pour la parentalité ? »

Le cadre familial peut même s’avérer particulièrement néfaste pour le jeune, a souligné Sandrine Rousseau. « On ne parle pas assez des violences subies par les enfants : harcèlement scolaire, violences intrafamiliales… Pendant le Covid, on a confiné tout le monde en partant du principe que les foyers étaient des lieux bienveillants. Or, ce n’est pas toujours le cas. Certains enfants ont été confrontés à l’isolement, des violences verbales, physiques, psychologiques ou sexuelles. D’autres ont vu leurs parents se battre. »

À cela s’ajoute, selon l’ancienne secrétaire nationale adjointe d'Europe Écologie Les Verts, une angoisse généralisée, nourrie par un climat mondial incertain : « Crise climatique, tensions géopolitiques… Les jeunes reçoivent chaque jour des messages anxiogènes de la part des médias à la télévision. Et quand ils voient que les adultes agissent comme si leur confort immédiat valait plus que les conditions de vie des générations futures, il ne faut pas s’étonner qu’ils décrochent. »

Hausser le ton vis-à-vis des plateformes

Arthur Delaporte se refuse toutefois à faire porter toute la responsabilité du mal-être des jeunes sur les épaules des parents. « La responsabilité, ce n’est pas forcément celle des parents, qui ont évidemment un rôle à jouer, comme l’école, mais dont l’action reste limitée face à l’ampleur du problème », a-t-il assuré.

Ce dernier a même salué certaines familles « qui accompagnent très bien leur enfant avec des codes de bonne conduite, du contrôle parental… mais une fois que la bascule est faite, une fois que l’algorithme a happé l’adolescent, il est très difficile de revenir en arrière. » Pour lui, le cœur du problème se trouve ailleurs : « C’est avant tout la responsabilité des algorithmes, de ceux qui les conçoivent, et des plateformes qui n’assurent pas leur rôle de modération. »

Face à ce constat, le député a affirmé que le gouvernement et l’Union européenne doivent hausser le ton : « Des procédures sont en train d’être mises en place à l’échelle européenne, mais elles avancent trop lentement. Il faut du temps pour mener des études solides et sérieuses permettant de condamner les plateformes. Mais il arrivera un moment où il y aura des sanctions. »

Le parlementaire s’est également montré critique vis-à-vis de la proposition, formulée par le président de le République, d’instaurer une majorité numérique à 15 ans. Une idée restée lettre morte, notamment en raison de doutes sur sa compatibilité avec le droit européen, et plus particulièrement avec le DSA (Digital Services Act), qui n’impose pas de vérification d’âge obligatoire. D’autres approches émergent aussi dans d’autres pays.

Aux Pays-Bas, par exemple, les autorités recommandent simplement aux parents d’interdire les réseaux sociaux avant 15 ans, sans recourir à la loi. En France, deux députés - Jérémie Patrier-Leitus (Horizons) et Ayda Hadizadeh (PS) - proposent d’interdire la vente de smartphones aux moins de 15 ans. Emmanuel Macron s’est quant à lui dit favorable à une interdiction de l’accès aux réseaux sociaux avant 11 ans.

Mais de l’avis d’Arthur Delaporte, il ne suffit pas de fixer un âge légal : « L’idée que tout irait bien à partir de 15 ans est fausse. TikTok, par exemple, a développé un modèle profondément addictif. J’ai rencontré les parents d’une adolescente qui s’est suicidée alors qu’elle n’avait eu accès à aucun réseau social avant ses 16 ans. »

Une autre piste, selon lui, pourrait être la vérification d’âge, à condition de résoudre les difficultés d’application : « Il faut creuser cette idée, mais le vrai enjeu reste de savoir comment connaître réellement l’âge d’un utilisateur. » Suffisant pour enrayer la détérioration de la santé mentale chez les jeunes ?

Pour Jacques Attali, il est temps en tout cas de s’inspirer de ce qui fonctionne ailleurs. Et de citer une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publiée en 2024 qui révèle qu’en 2021, la Grèce et l’Italie figuraient parmi les pays d’Europe affichant les taux de suicide les plus bas. « Peut-être est-ce parce que la culture et le cadre familial y sont plus solides ? Il faudrait que ceux qui légifèrent s’intéressent davantage à ce qui se fait du côté des pays méditerranéens dans ce domaine », a-t-il recommandé.

Plaidoyer pour une « semaine respire »

En dehors des réseaux sociaux, Guirchaume Abitbol, cofondateur de la Fondation Lyynk, était présent aux côtés de sa fille Miel Abitbol, également cofondatrice et influenceuse. Ce dernier a plaidé pour des mesures concrètes en lien direct avec l’école. L’homme d’affaires a ainsi proposé l’instauration d’une « semaine respire », une semaine sans devoirs par trimestre, durant laquelle les élèves pourraient se consacrer à d’autres activités, loin de la pression scolaire.

Ou encore la mise en place d’un « repos santé mentale » : trois demi-journées par trimestre, à prendre sur recommandation médicale, pour permettre aux élèves en difficulté de souffler un peu.

Romain Tardino 

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