Archives

Le parquet de Bobigny veut lutter contre les rixes entre jeunes


lundi 16 septembre 20246 min
Écouter l'article
16/09/2024 11:04:13 1 5 5328 29 0 3285 4794 4968 INTERVIEW. Hygiène des métiers de bouche : « les contrôles en France sont de plus en plus répressifs »

Depuis le 1er janvier 2024, une police unique de la sécurité alimentaire a été mise en place. Mais « de nombreuses exigences posées dépassent le cadre légal », estime Nathalie Goutaland, avocate en droit de la sécurité alimentaire au barreau de Lyon.

JSS : Depuis le début de l’année, les contrôles d’hygiène des métiers de bouche sont plus nombreux : pourquoi ?

Nathalie Goutaland : Une nouvelle police unique de la sécurité alimentaire a été mise en place, avec une délégation d'une grande partie des contrôles de commerces à des organismes privés. L'objectif affiché est d'accroître significativement le nombre de contrôles, qui était effectivement quelque peu insuffisant auparavant. Mais la mise en place de cette police s’est faite avec bien des difficultés.

JSS : Comment sont perçus les contrôles d’hygiène par les professionnels des métiers de bouche ?

N.G. : Les professionnels des métiers de bouche sont désemparés. Nous sommes passés d’une fréquence de contrôle très faible à une fréquence beaucoup plus élevée, ce qui ne leur pose pas forcément problème. En revanche, la nature du contrôle est très différente. Alors que jusque-là les inspecteurs des DDPP admettaient l’oralité dans le fonctionnement du commerce, aujourd’hui, on impose de tout écrire, et même de prouver à l’inspecteur tout ce que l’on fait même en son absence. De nombreuses exigences posées dépassent le cadre légal.

JSS : Et par les consommateurs ?

N.G. : Les consommateurs ont d’abord été très sensibles aux informations diffusées dans les médias, nouvelle forme de « name and shame » mise en œuvre par les services de contrôle. Aujourd’hui, on sent quand même que des critiques émergent, lorsque certaines publications concernent le commerce qu’ils connaissent très bien, et qu’ils ne reconnaissent pas du tout le descriptif qui en est fait.

JSS : Sauriez-vous quantifier la proportion de restaurants qui ne respectent pas les normes d’hygiène ?

N.G. : Les normes d’hygiène issues des règlements européens sont pour certaines complexes à mettre en œuvre pour des restaurateurs, comme la mise en place de l’analyse de dangers de leurs fabrications, qui nécessite des ressources ou un accompagnement pointu. Peu sont à jour sur ce point. Les bonnes pratiques d’hygiène qui sont exigées sont plus faciles d’accès.

JSS : Les professionnels doivent-ils être avertis en amont d’une visite de contrôle ?

N.G. : Non bien sûr, car s’ils étaient avertis, le contrôle perdrait de sa valeur. L’objectif est d’évaluer la réalité de la situation à un moment donné. Mais de plus en plus de commerces font appel à un organisme consultant en sécurité alimentaire pour faire des audits régulièrement et se préparer au contrôle en amont.

JSS : Un contrôle inopiné est-il le meilleur moyen de s’assurer de la conformité d’un établissement ?

N.G. : Il faut tout de même s’assurer de ne pas être dans une situation exceptionnelle, et certains points de contrôle nécessitent la présence du responsable. Il est inadmissible par exemple de voir régulièrement dans les rapports de soi-disant non-conformités majeures du fait de la non-présentation de documents administratifs, comme la déclaration d’activité par exemple, alors que le responsable aurait pu les fournir très rapidement même après le contrôle.

JSS : Selon votre expérience, les professionnels ont-ils généralement conscience de leurs manquements ?

N.G. : Ils ont souvent clairement conscience de ne pas tout maîtriser, et les exigences à la fois accrues et parfois démesurées des inspecteurs si l’on se réfère strictement aux textes en vigueur peuvent renforcer ce sentiment. Ensuite, certains peuvent laisser une situation de négligence s’installer sans vraiment s’en rendre compte, plongés dans le quotidien. C’est là que le contrôle peut favoriser une prise de conscience salutaire avant l’incident.

JSS : Comment les justifient-ils ?

N.G. : Aujourd’hui, les commerces sont dans une situation particulièrement délicate en termes de ressources humaines. C’est donc avant tout le temps qui manque notamment pour réaliser les nombreux enregistrements exigés par les inspecteurs. Mais en termes de RH, c’est aussi un problème d’imposer des contraintes aux salariés qui ne correspondent pas à l’idée du métier qu’ils avaient choisi.

JSS : La fermeture d’un établissement est-elle systématique en cas de grave manquements ? Le restaurateur peut-il contester la décision du préfet ?

N.G. : Si le rapport fait état d’une perte de maîtrise, elle est systématique. Mais la fermeture ne devrait survenir que lorsqu’il est clair que la santé du consommateur est en jeu d’une part, et que la situation ne peut pas être réglée par une mesure moins contraignante qu’une fermeture d’autre part. On constate aujourd’hui que les décisions de fermeture sont très nombreuses et parfois ne respectent pas ces critères. Comme toute mesure de police administrative, la fermeture peut être contestée en urgence lorsque cela se justifie, et en recours en excès de pouvoir devant le juge administratif lorsque des illégalités entachent l’arrêté pris. Il est toujours utile en tous cas de prendre conseil pour vérifier les points essentiels de cette décision grave.

JSS : Que risque un restaurateur en cas d’intoxication alimentaire de l’un de ses clients ?

N.G. : Dans tous les cas, il risque de devoir indemniser la ou les victimes si celles-ci démontrent des préjudices en lien avec la consommation dans son établissement. Si l’intoxication peut être mise en lien avec des infractions, il risque également d’être poursuivi au pénal pour ces infractions spécifiques au droit de la sécurité alimentaire, mais aussi potentiellement pour des blessures involontaires voire la mise en danger de la vie d’autrui par manquement à une obligation de sécurité prévue par un règlement, ou encore la tromperie aggravée. L’homicide involontaire peut également être retenu dans les cas où il y a eu décès.

JSS : Depuis quelques mois, le préfet du Val-d’Oise affiche sur ses réseaux sociaux les restaurants fermés pour non-respect des règles d’hygiène. Est-ce la bonne solution pour informer le consommateur ?

N.G. : Cette pratique a effectivement été initiée par le préfet du Val-d’Oise mais elle a été copiée depuis dans de nombreux départements. Or pour l’instant, aucune base légale solide ne nous a été proposée pour la fonder, alors que les conséquences pour les commerces sont désastreuses. En réalité, elle apparaît plutôt comme une forme de sanction supplémentaire qui n’apporte aucune valeur ajoutée pour protéger le consommateur, puisque le commerce ne sera réouvert que lorsqu’il aura démontré sa conformité.

JSS : Le renforcement des contrôles d’hygiène ne risque-t-il pas de décourager les nouveaux restaurateurs ?

N.G. : C’est plus la nature des demandes faites lors des contrôles qui peut réellement être vécue comme une source de découragement. Certains restaurateurs qui avaient mis en place un plan de maîtrise sanitaire formalisé depuis longtemps voient par exemple le choix des moyens qu’ils ont fait critiquer par des inspecteurs qui pensent qu’il n’y a qu’une seule façon d’atteindre les objectifs fixés par les règlements européens. C’est à la fois faux et illégal, et cela peut décourager ceux qui étaient en réalité plutôt en avance sur la conformité.

JSS : Comment jugez-vous l’efficacité de nos services de contrôle d’hygiène en France en comparaison des autres pays européens ?

N.G. : La nouvelle police de la sécurité alimentaire est trop récente pour faire un bilan. Il est vrai que le nombre de contrôles et de fermetures peut avoir un impact sur la volonté des commerces de se faire accompagner pour se mettre en conformité. Cependant, les critiques sont réelles sur la compétence des inspecteurs et les demandes faites ne semblent pas toujours apporter une meilleure protection pour le consommateur.

Les contrôles en France sont en tous cas de plus en plus répressifs, et ne s’accompagnent plus de conseil pour mieux faire comme c’était le cas encore il y a quelques années. Sur certains sujets spécifiques, il apparaît clairement que la France fait moins bien que nos voisins européens. En effet, la France refuse par exemple d’intégrer le Syndrome hémolytique et urémique dans la liste des maladies à déclaration obligatoire dès le premier cas, pour qu’il y ait une enquête alimentaire qui permette de retirer bien plus rapidement les produits qui contiendraient un E coli hautement pathogène, comme dans l’affaire Buitoni ou celle du Morbier contaminé.

Propos recueillis par Mélanie Pautrel

Partager l'article


0 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Abonnez-vous à la Newsletter !

Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.