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Législatives : un recours formulé contre une députée dans le Val-d’Oise


samedi 13 juillet 20245 min
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13/07/2024 10:33:01 1 5 5093 66 0 2644 4589 4758 SÉRIE « ­RESTRUCTURING » (5). Garantie de paiement des échéances d'un plan de redressement : la qualification de garantie autonome ne s'impose pas pour la garantie glissante

Bastien Brignon, Adeline Cerati et Vincent Perruchot-Triboulet, maîtres de conférences à la Faculté de droit d’Aix-en-Provence, Université d’Aix-Marseille (CDE EA 4224), poursuivent pour les lecteurs du JSS la série initiée en janvier de cette année, consacrée à la jurisprudence récente en matière de restructuring.

 Responsabilité de la banque : pour soutien abusif, non ; mais pour concours tardif, oui ;
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De la garantie de paiement des échéances d’un plan de redressement ;
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Contestation d’une créance par le débiteur après qu’il l’ait portée à la connaissance du mandataire judiciaire.

Cass. com. 13 mars 2024, n° 22-15.438. Quelle valeur pour la garantie offerte pour la bonne exécution d’un plan de redressement ? C’est à cette question qu’un important arrêt du 13 mars 2024 apporte une solution qui intéressera tous les professionnels qui accompagnent les entreprises à l’occasion de leur restructuration.

En l’espèce, deux sociétés contrôlaient une entreprise en redressement judiciaire. Pour soutenir leur filiale à l’occasion d’un plan de redressement, ces deux sociétés s’étaient engagées à l’égard du commissaire à l’exécution du plan dans un acte, intitulé garantie à première demande à « irrévocablement et inconditionnellement, d’ordre et pour le compte du débiteur garanti, sans pouvoir faire valoir d’exception, d’objection ou de contestation, à régler directement auprès du commissaire à l’exécution du plan désigné, à première demande de sa part et dans la limite du montant des échéances du plan de redressement par voie de continuation non honorées par la société débitrice, le tout à hauteur d’un montant maximum de 725 193, 86 euros ». La garantie fonctionnait comme une garantie glissante que l’on appelle aussi garantie réductible avec une assiette qui fond à mesure que l’obligation garantie est progressivement exécutée. Malheureusement, le plan de redressement fut résolu et la société garantie fut placée en liquidation judiciaire. Les sociétés garantes partagèrent rapidement le même destin et furent à leur tour l’objet d’une mise en liquidation judiciaire. Un contentieux se fixa alors sur la question de l’admission des créances de garantie aux liquidations des sociétés mères.

De la garantie glissante …

Pour les juges d’appel, dans la mesure où l’acte était intitulé « garantie autonome » et prévoyait l’impossibilité de différer le paiement ou de soulever une contestation pour quelque motif que ce soit l’engagement constituait nécessairement une garantie autonome peu important que le montant maximum garanti soit prévu pour être réduit d’année en année. La solution des juges du fond semblait vouloir tirer argument d’un précédent qui, pour une garantie réductible, avait considéré que la référence au contrat de base ne modifiait pas le caractère autonome de la garantie (Cass. com. 2 octobre 2012, n° 11-23.401). 

L’arrêt est néanmoins cassé par la chambre commerciale qui se fonde sur l’article 2321 du code civil. Cet article définit la garantie autonome comme « l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues » et prévient que « le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie ». La Cour de cassation en déduit « que le garant s'oblige à payer la dette d'un tiers de manière autonome au regard du contrat de base et que son obligation a un objet distinct de celle du débiteur principal. Tel n'est pas le cas de la garantie dont l'étendue dépend du respect par ce tiers de ses engagements et qui a, par conséquent, le même objet que l'obligation de ce dernier, débiteur principal » (Cass. com. 13 mars 2024, n° 22615.438, Dalloz actualité 24 avril 2024, obs. S. Atsarias-Dumas, JCP E 1139, note D. Legeais, L’essentiel droit bancaire mai 2024, obs. M. Mignot, Gaz. Pal. 23 avril 2024, n° 14, p. 7, obs. C. Albiges, BJS juin 2024, note J-J. Ansault, Rev. proc. coll. 2024, n°53, note. K. Lafaurie).

… au cautionnement

Autrement dit, la garantie glissante offerte par les sociétés actionnaires ne peut pas être qualifiée de garantie autonome. Il importe peu que soit prévu comme en l’espèce une stipulation d’inopposabilité des exceptions si la sûreté a le même objet que l’engagement du débiteur principal. Le lien fait entre l’engagement du garant et celui du débiteur principal conduit à retenir la qualification de cautionnement plus que de garantie autonome. Quelle pourrait être l’autonomie de la garantie sur le contrat de base si l’amortissement de la dette principale par le débiteur réduit en parallèle et automatiquement l’assiette de la garantie ? 

Le lien stipulé entre la dette du débiteur et l’obligation du garant interdit de considérer l’autonomie de l’engagement. Le cautionnement est une sureté par nature accessoire ce qui la différencie de la garantie à première demande. Dans la garantie autonome, le garant paie sa dette et pas celle du débiteur principal. Il convient donc d’être très prudent dans la rédaction de ce genre de stipulation pour éviter la requalification des engagements. Un auteur suggère de prévoir au moment de la mise en place de la sûreté que le garant s’oblige pour un montant maximum avec un engagement de réduction du montant de la garantie à intervalles réguliers. La garantie serait ainsi programmée pour être réactualisée régulièrement et ne dépendrait pas stricto sensu de l’exécution du contrat de base (sur cette proposition voir Dominique Legeais, JCP E 2024, 1139).

Dans l’arrêt du 31 mars 2024, la requalification de la garantie autonome en cautionnement a en tout cas permis au garant d’écarter l’inopposabilité des exceptions relative à l’obligation garantie et lui a ainsi donné la possibilité de se prévaloir de la disparition de la dette principale pour échapper à son obligation de règlement. Cet arrêt offre donc un enseignement intéressant pour les créanciers friands de sûretés efficaces : gare aux garanties glissantes, sans une rédaction très minutieuse, elles ne valent pas davantage qu’un engagement de caution.

Vincent Perruchot-Triboulet

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