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CHRONIQUE. A Domont, les banquettes arrière des Citroën C3 disparaissent. Le mystère est rapidement levé : une bande de jeunes outillés écumait les rues de la commune et les chargeait dans un utilitaire conduit par Siradiou, 20 ans, jugé ce 22 novembre en comparution immédiate.
Il y a
d’abord un vol de banquette, commis à Domont le 19 novembre. Puis, un vol de
banquette commis à Domont le 19 novembre. Ensuite, un vol de banquette, commis
à Domont le 19 novembre. Et puis, un vol de banquette, commis à Domont le 14
novembre. Enfin, une tentative de vol de banquette arrière d’une Citroën C3,
commis à Domont… le 19 novembre.
Parfois, il
faut du temps au juge pour simplement résumer les infractions pour lesquelles
l’homme du box est poursuivi. Le 22 novembre à Domont, la présidente du
tribunal correctionnel a dû énumérer tous ces faits pour présenter à ses
assesseurs le dossier pour lequel le jeune Siradiou, 20 ans, est actuellement
courbé sur un micro placé trop bas pour lui, derrière une vitre blindée, devant
trois agents assoupis de l’administration pénitentiaire.
Siradiou et
une bande de copains mineurs - renvoyés devant un tribunal pour enfants - ont,
ce soir-là, répondu à une commande. Les instructions étaient de dérober les
banquettes arrière de Citroën C3, ce à quoi ils se sont strictement tenus. Mais
vers 22h, quelqu’un aperçoit un Renault Trafic et une Nissan se livrer à un
manège louche autour d’une voiture, et appelle les gendarmes. Ces derniers se
déplacent et tombent sur l’utilitaire, au volant duquel ils découvrent « vous,
Monsieur », dit la présidente en désignant le prévenu des yeux. « Vous
allez indiquer dans un premier temps être là en tant que livreur Amazon. Les
gendarmes vous demandent de présenter le contenu du coffre. Ce ne sont pas des
colis Amazon, mais des sièges auto. »
Comme ce sont
des professionnels, les gendarmes font le lien avec la disparition de
banquettes arrière de C3 signalées aux abords de la gare de Domont, en début de
soirée. Puis, ils remarquent une quantité anormale de buée sur la fenêtre d’une
C3 blanche garée à côté de Siradiou. Les enquêteurs approchent et constatent une
vitre brisée, une porte déverrouillée, et deux personnes allongées au sol, avec
des outils. Ils sont tous interpellés et placés en garde à vue.
« Je
garde le silence »
L’un des mineurs est assez bavard pour raconter le déroulé des faits,
qu’il résume ainsi : « Entre 19h et 20h, nous rejoignons Siradiou, qui
se trouve avec un grand qui nous commande de charger des banquettes dans le
camion. » En gros, les petits étaient forcés de commettre des vols (en
échange de quoi ?) pour le compte de majeurs les ayant menacés de représailles
s’ils se hasardaient à révéler leur identité.
A l’audience,
la menace plane encore. La présidente l’interroge : « Est-ce que vous
reconnaissez les faits ?
-
Oui, je
reconnais.
-
Vous
pouvez m’en dire plus ?
-
Je garde
le silence.
-
D’accord. »
En garde à
vue, il a déclaré qu’il devait 700 euros, et que le « grand »
lui a proposé soit de le rembourser, soit de travailler pour lui. « Vous
maintenez ?
-
Oui. »
Le procureur interroge à son tour : « Sans donner de nom,
pouvez-vous en dire plus sur cette dette ?
-
Non, je
ne peux pas expliquer.
-
Vous
avez peur des représailles ?
-
Oui.
-
Ces
personnes sont dans la salle ?
-
Oui.
-
Pas
d’autre question. »
Au dernier
rang, deux jeunes impassibles restent tout à fait détendus en observant
Siradiou dans son box. Cela faisait quelques minutes que les magistrats et
l’avocat du prévenu leur jetaient des regards suspicieux. Ils s’éclipseront
rapidement à la fin du procès.
« J’ai
ouvert ma voiture et la banquette avait disparu »
Le prévenu
n’a été condamné qu’une seule fois, à 4 mois de prison avec sursis ; c’était le
14 juin 2024. Il est donc en récidive légale. Profession ? « Livreur
chez Amazon.
-
Pour de
vrai ?
-
Oui,
oui.
-
Le
camion que vous avez utilisé, c’est celui de votre travail ?
-
Oui. »
Un juge
assesseur sourit : « Bon, à votre avis il va le prendre comment ? Pas
besoin de répondre. » La procureure demande : « À part les vols
de banquettes, vous avez quelque chose à faire dans le 95 ?
- Non.
Une femme dans le public lève le doigt : « Mais si ! Sa mamie
habite dans le 95 ! » C’est la mère de Siradiou.
Enfin, on
appelle l’unique victime présente, une jeune femme dépitée. « Je suis
sortie de chez moi, j’ai ouvert ma voiture et la banquette avait
disparu. » Elle semble affectée. « Les voleurs ne se rendent
pas compte de ce qu’ils font subir aux victimes. » Elle a besoin de
temps pour évaluer son préjudice et demande un renvoi sur intérêts civils.
L’audience aura lieu en février 2026.
Un avocat
représente les autres parties civiles et demande beaucoup d’argent (de l’ordre
de 25 000 euros au total, ces banquettes valent une fortune).
La procureure
espère que le prévenu « va prendre conscience de tout ça »,
c’est-à-dire des conséquences de ses actes. « Au début on a du sursis,
du sursis probatoire, et ensuite : ça tombe. Et ça devient des peines
fermes », prévient-elle. Justement, elle demande 8 mois ferme,
aménagés en détention à domicile sous surveillance électronique, la révocation
du sursis de 4 mois et une interdiction du département.
C’est le
dernier dossier de la journée et le premier jugé au fond, rappelle l’avocate
qui promet d’être brève (et elle le sera, tout comme elle sera d’accord avec le
réquisitoire « équilibré » de la procureure). « J’espère
que cette décision sera la dernière ! » Siradiou opine. L’avocate
rappelle que la grand-mère de ce dernier vit dans le 95. Après une courte
pause, le tribunal le condamne à 10 mois de prison (révocation comprise) et ne
lui interdit que la commune de Domont. Siradiou repart chez sa mère.
Julien Mucchielli
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