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CHRONIQUE. Au tribunal correctionnel de Versailles, Maxime B. comparaît pour des tentatives de vol avec violence dans deux commerces de la ville. En garde à vue, il avait prétendu qu'elles étaient l'œuvre de... son hologramme. Changera-t-il de version ?
Mal cadré en bordure de
l'écran, Maxime B. comparaît depuis la maison d'arrêt de Fresnes
(Val-de-Marne). On lui reproche des tentatives de « braquage » dans
deux commerces d'une même rue passante de Versailles, commises à quelques
heures d'intervalle. Dans certaines auditions de parties civiles, il était bien
question d'une arme, qui aurait émis un « clic » lorsque Maxime B.
l'a sortie de sa poche, mais, faute de description précise – il s'agirait a
priori d'un couteau à cran d'arrêt –, cette circonstance n'a pas été
retenue : autrement, nous serions aux assises. Mais tout de même, du fait
d'une ITT supérieure à 8 jours – retentissement psychologique – et de la
récidive légale, Maxime B. encourt un quantum important : 20 ans.
Il avait pris la précaution
de changer de tenue entre les deux magasins, mais on a retrouvé les deux en
perquisitionnant chez lui. Il portait une capuche et un masque chirurgical,
mais les a retirés sur le chemin de la gare de Versailles-Rive-Droite, chemin
qui a pu être reconstitué grâce aux bandes de vidéo-surveillance de la ville.
Introduites dans la fonction de reconnaissance faciale du fichier de traitement
des antécédents judiciaires (TAJ), les captures d'écran ont fait ressortir près
de 200 profils, mais le sien est de loin celui qui « matche » le
plus. Les bandes d'un commerce voisin ont permis de déterminer qu'il avait fait
des repérages la veille, et passé à cette occasion plusieurs coups de fil. Sa
téléphonie a d'ailleurs confirmé sa présence à Versailles les deux jours, et
par la même occasion, qu'il n'y mettait le reste du temps quasiment jamais les
pieds. Bref, le dossier est du genre accablant.
« C'est très
ressemblant, mais ce n'est pas moi »
Pourtant, Maxime B. ne
reconnaît « pas du tout » les faits. « Sur la photo de
la gare, c'est vous ? », demande le président. « C'est
très ressemblant », concède le prévenu, « mais ce n'est pas
moi ». Et son téléphone, qui a activé à plusieurs reprises les deux
antennes-relais les plus proches des magasins ? « Ça ne pouvait
pas être mon numéro de téléphone, parce que je n'avais plus de crédit dessus,
donc je ne pouvais pas l'utiliser ».
Sur les bandes, on le voit
pourtant téléphoner : « Ce serait signer ma culpabilité de faire
ça. Je sais quand même qu'un téléphone, ça borne, donc si je veux commettre un
acte, je ne prends pas mon téléphone ». Ces parties civiles qui
parlent d'une arme blanche ? « Elles disent que je le tenais de la
main droite, alors que tous ceux qui me connaissent savent que je suis un pur
gaucher ». Mais il a déjà été condamné pour vol avec arme – le premier
terme de la récidive –, une arme qu'il tenait, vérification faite, de la main
droite.
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« Vous avez fait état
d'une théorie, dans votre audition », enchaîne le président,
perplexe : « Tous ces faits auraient été montés par une
organisation qui vous en voudrait, c'est bien ça ? ». Maxime B.
confirme. « Donc, vous avez des informations compromettantes contre
cette organisation et vous voulez la quitter, mais ils ne vous laissent pas
partir ? », relance le magistrat. « Tout à fait »,
répond Maxime B., imperturbable, avant de préciser qu'il était chargé de
surveiller des gens qu'il ne connaissait pas, pour le compte d'un certain « Monsieur
Garcia », et de déposer des comptes rendus dans une boîte aux lettres
morte. Le sigle qu'il donne correspond à toutes sortes de choses – une
association italienne, une fac brésilienne... –, mais, curieusement, à aucune « agence
non-gouvernementale » d'agents secrets. « Je n'ai aucun doute
sur le fait que vous n'ayez rien trouvé », rétorque Maxime B.,
imperturbable, « c'est justement pour être un peu sous les
radars ».
« On n'aura pas
réussi à le ramener à la réalité »
Une première expertise
psychiatrique, en garde à vue, n'a rien vu qui clochait chez Maxime B. Une
seconde, ordonnée par le tribunal dans le temps du renvoi sollicité par Maxime
B. pour préparer sa défense, a au contraire relevé « un trouble
psychiatrique majeur », à base de « délires chroniques de type
paranoïaque ». À l'expert, qui a conclu à une altération de son
discernement, il a indiqué être un ancien militaire et avoir été déployé un
temps au Kosovo, d'où il serait revenu traumatisé... sauf que sa propre mère
affirme qu'il n'en est rien !
À la demande de Maxime B.,
son avocate communique un certain nombre de documents, comme des ordres de
mission, à en-tête – à l'évidence grossièrement copiée-collée – du ministère de
l'Intérieur. D'une part, c'est un peu curieux pour une « agence
non-gouvernementale » ; d'autre part, le fait d'avoir forgé des
faux met un peu à mal la théorie de l'altération du discernement.
« On n'aura pas
réussi à ramener Maxime B. à la réalité », entame le procureur,
qui estime que « dans ce dossier, ce n'est pas un faisceau d'indices
que nous avons : il est totalement confondu, […] sans aucun élément
équivoque, sauf à se demander qui est venu se changer dans sa chambre, parce
qu'il est suivi à la trace depuis les magasins et jusqu'à son appartement ».
Au chapitre des « dénégations irréalistes », il ajoute que « le
fait de se placer en dehors de toute réalité fait qu'on est passé à côté d'un
moment important aujourd'hui, […] celui de faire des excuses [aux parties
civiles] ». Il poursuit : « Le sujet n'est pas celui de
la culpabilité. À mon sens […], elle ne fait absolument aucun doute. Mais celui
de la prise de conscience. […] Je ne vois pas d'évolution vers un début de
commencement de reconnaissance des faits, […] et aucune empathie non plus pour
les victimes ». Il réclame trois ans ferme, avec maintien en
détention, mais aussi la révocation des deux ans d'un précédent sursis
probatoire.
« Pour ma sécurité,
je ne peux pas dire ce que je fais »
« Il est
innocent ! », tonne l'avocate de Maxime B : « Innocent
des faits pour lesquels vous le poursuivez dans votre monde ». Elle
précise que, si sa parole avait été libre, elle aurait plaidé, non pas la
simple altération, mais l'abolition du discernement, et donc l'irresponsabilité
pénale. « Vous avez un expert qui vient vous dire qu'il serait atteint
d'une psychose chronique majeure d'épisodes délirants. […] Et ce n'est pas en
détention qu'il pourra suivre les soins lui permettant de ne pas être psychiatriquement
et socialement dangereux ». Au sujet des faux à en-tête ministérielle
qu'elle vient de produire, elle estime qu'ils n'ont pas vraiment été élaborés
par son client mais « par une autre personnalité ».
Maxime B. tient à ajouter
quelques mots : « Je comprends la détresse dans laquelle [les
parties civiles] se trouvent, mais la personne qui a commis ces actes ce n'est
pas moi, et je ne peux pas m'excuser pour quelque-chose que je n'ai pas commis.
[…] Ces actes, j'en suis incapable, je ne sais pas si c'est du courage ou de la
lâcheté, mais j'en suis incapable. [...] Ça fait vingt ans que je subis ma
vie à cause de cette organisation, que je mens à ma famille parce que pour ma
sécurité je ne peux pas dire ce que je fais. À chaque fois que j'en ai parlé [à
quelqu'un], comme par hasard, j'ai été incarcéré ». Suspension, puis
reprise : Maxime B. écope de quatre ans ferme, plus de de révocation. « Le
tribunal ne retient pas l'altération de votre discernement », conclut
le président.
Antoine
Bloch
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