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Le 16 juin
2022, l’espace de réflexion éthique des Pays de la Loire (EREPL) organisait à
Nantes une journée à l’intention des professionnels de santé intitulée
« Soigner en prison : quels enjeux éthiques ? » À l’occasion de cet événement, André Ferragne, secrétaire
général du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a
abordé les droits fondamentaux et les soins en prison.
Le contrôleur général des lieux de privation de
liberté, institution financée et mandatée par l’État, est une autorité administrative
indépendante. Le contrôleur général est nommé par le gouvernement après avis du
parlement. Membre du réseau international
des mécanismes nationaux de prévention, la structure a été créée en 2007 pour
satisfaire aux exigences du protocole facultatif pour la prévention de la
torture et des traitements cruels inhumains et dégradants. Il s’agit d’une
annexe au traité des Nations unies.
Le
CGLPL a un droit de regard sur l’ensemble des lieux dans lesquels des personnes
sont enfermées. Il diffuse publiquement ses observations et les porte dans le
débat international si nécessaire. La mission consiste à veiller au respect des
droits des personnes privées de liberté ainsi qu’aux modalités d’éloignement
des étrangers, dans l’ensemble des situations d’enfermement sous l’autorité
française. La loi prévoit des dispositions qui protègent le CGLPL, notamment
grâce à la procédure très stricte de nomination du contrôleur général. Choisi par
le gouvernement avec l’accord du parlement, il assume un mandat de six ans qui
ne peut être ni renouvelé, ni interrompu. Par ailleurs, l’autonomie de gestion
des moyens est complète, et il recrute librement ses collaborateurs.
La
structure entretient des relations directes avec les institutions
internationales qui lui permettent entre autres de présenter aux Nations unies
ou au conseil de l’Europe ses rapports quand bien même ils s’opposent à ceux du
gouvernement français.
Les
visites concernent :
• les
établissements pénitentiaires, y compris ceux de semi-liberté ;
• les établissements de
santé mentale habilités à
recevoir des patients en soins sans consentement ;
• les sites hospitaliers alloués à la santé des
détenus, les chambres sécurisées, les unités hospitalières sécurisées
interrégionales (UHSI), les unités hospitalières spécialement aménagées
(UHSA) ;
• les
locaux de garde à vue et de rétention douanière (12 heures maximum) ;
• les centres de rétention administrative et
les zones d’attentes. Ces locaux ont un fort enjeu puisqu’ils reçoivent
beaucoup d’individus et que la durée de séjour est longue (90?jours). Les zones
d’attentes des aéroports de Roissy ou d’Orly, à titre d’exemple, occupent un bâtiment où s’applique
un régime d’enfermement surveillé par les forces de police ;
• les centres éducatifs fermés (une
cinquantaine) qui relèvent de la protection judiciaire de la jeunesse. Les
enfants y sont placés pour une raison pénale, sanction ou mesure préparatoire
au jugement ;
• plus accessoirement, le CGLPL contrôle les
véhicules qui transportent des personnes privées de liberté.
Le
contrôleur général des lieux de privation de liberté s’enquiert du respect des
droits fondamentaux. « Si la loi permet
de définir aisément ce que sont les lieux de privation de liberté, en revanche
elle ne donne pas d’indication directe de ce que sont les droits fondamentaux »
remarque André Ferragne. Sans précision, il faut se tourner vers la définition
des droits de l’homme, ou vers celle des droits des détenus dans la loi
pénitentiaire. Le préambule de la déclaration universelle des droits de l’homme
parle de la reconnaissance de la dignité humaine et par ailleurs de droits
égaux et inaliénables qu’elle définit. Autant il est complexe de caractériser
la dignité, autant il est aisé pour tout le monde de constater quand on lui
porte atteinte. Le secrétaire général cite une expérience : « Lors d’une visite, les contrôleurs, un
directeur de prison très expérimenté et un général de gendarmerie retraité
examinent une cellule de prison de cinq lits. En sortant, le général signale
qu’il n’y a pas autant de chaises, ni d’armoires que de détenus. Le directeur
de prison ne l’avait pas remarqué. Dans une cellule collective, chacun devrait
avoir une chaise et une place à table. Installer cinq personnes avec le
mobilier pour quatre crée un manque dans un huis clos où les individus passent
22 heures sur 24 ensemble sans échappatoire. »
Le
juriste a pour réflexe de se référer aux sources : la Constitution, la loi, les règlements, la
jurisprudence, la coutume, la doctrine. Cependant, elles ne sont pas toutes
rédigées. Ainsi, dans un établissement de santé mentale, aucun texte n’explique
comment organiser les services. De même, rien ne précise si un pôle de
psychiatrie est ouvert à telles conditions et fermé à telles autres. Alors, par endroit, se
trouvent des patients en soins sans consentement qui sont libres d’aller et
venir dans l’hôpital, tandis qu’ailleurs, des patients volontairement en soins
sont enfermés dans un service. De plus, les pratiques peuvent s’inverser en
quelques années dans un même établissement sans
que le droit positif n’ait changé pour autant. Face à cette hétérogènéité,
le droit souple offre une alternative. Issu de normes émanant d’une autorité
reconnue (comme le CGLPL) et visant explicitement à influencer le comportement
des acteurs, il n’a toutefois pas valeur de loi pour un tribunal. Pour les
détenus, les règles Nelson Mandela (règles minimales des Nations unies pour la
condition des personnes détenues) font office de droit souple. Elles concernent
la détention, la rétention et la prison civile (inconnue en France).
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