Droits fondamentaux et soins en prison


jeudi 21 juillet 20224 min
Écouter l'article

Le 16 juin 2022, l’espace de réflexion éthique des Pays de la Loire (EREPL) organisait à Nantes une journée à l’intention des professionnels de santé intitulée « Soigner en prison : quels enjeux éthiques ? » À l’occasion de cet événement, André Ferragne, secrétaire général du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a abordé les droits fondamentaux et les soins en prison.

 

 



Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, institution financée et mandatée par l’État, est une autorité administrative indépendante. Le contrôleur général est nommé par le gouvernement après avis du parlement. Membre du réseau international des mécanismes nationaux de prévention, la structure a été créée en 2007 pour satisfaire aux exigences du protocole facultatif pour la prévention de la torture et des traitements cruels inhumains et dégradants. Il s’agit d’une annexe au traité des Nations unies.

Le CGLPL a un droit de regard sur l’ensemble des lieux dans lesquels des personnes sont enfermées. Il diffuse publiquement ses observations et les porte dans le débat international si nécessaire. La mission consiste à veiller au respect des droits des personnes privées de liberté ainsi qu’aux modalités d’éloignement des étrangers, dans l’ensemble des situations d’enfermement sous l’autorité française. La loi prévoit des dispositions qui protègent le CGLPL, notamment grâce à la procédure très stricte de nomination du contrôleur général. Choisi par le gouvernement avec l’accord du parlement, il assume un mandat de six ans qui ne peut être ni renouvelé, ni interrompu. Par ailleurs, l’autonomie de gestion des moyens est complète, et il recrute librement ses collaborateurs.

La structure entretient des relations directes avec les institutions internationales qui lui permettent entre autres de présenter aux Nations unies ou au conseil de l’Europe ses rapports quand bien même ils s’opposent à ceux du gouvernement français.

Les visites concernent :

les établissements pénitentiaires, y compris ceux de semi-liberté ;

les établissements de santé mentale habilités à recevoir des patients en soins sans consentement ;

les sites hospitaliers alloués à la santé des détenus, les chambres sécurisées, les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) ;

les locaux de garde à vue et de rétention douanière (12 heures maximum) ;

les centres de rétention administrative et les zones d’attentes. Ces locaux ont un fort enjeu puisqu’ils reçoivent beaucoup d’individus et que la durée de séjour est longue (90?jours). Les zones d’attentes des aéroports de Roissy ou d’Orly, à titre d’exemple, occupent un bâtiment où s’applique un régime d’enfermement surveillé par les forces de police  ;

les centres éducatifs fermés (une cinquantaine) qui relèvent de la protection judiciaire de la jeunesse. Les enfants y sont placés pour une raison pénale, sanction ou mesure préparatoire au jugement ;

plus accessoirement, le CGLPL contrôle les véhicules qui transportent des personnes privées de liberté.

 

 


Définir les droits fondamentaux

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté s’enquiert du respect des droits fondamentaux. « Si la loi permet de définir aisément ce que sont les lieux de privation de liberté, en revanche elle ne donne pas d’indication directe de ce que sont les droits fondamentaux » remarque André Ferragne. Sans précision, il faut se tourner vers la définition des droits de l’homme, ou vers celle des droits des détenus dans la loi pénitentiaire. Le préambule de la déclaration universelle des droits de l’homme parle de la reconnaissance de la dignité humaine et par ailleurs de droits égaux et inaliénables qu’elle définit. Autant il est complexe de caractériser la dignité, autant il est aisé pour tout le monde de constater quand on lui porte atteinte. Le secrétaire général cite une expérience : « Lors d’une visite, les contrôleurs, un directeur de prison très expérimenté et un général de gendarmerie retraité examinent une cellule de prison de cinq lits. En sortant, le général signale qu’il n’y a pas autant de chaises, ni d’armoires que de détenus. Le directeur de prison ne l’avait pas remarqué. Dans une cellule collective, chacun devrait avoir une chaise et une place à table. Installer cinq personnes avec le mobilier pour quatre crée un manque dans un huis clos où les individus passent 22 heures sur 24 ensemble sans échappatoire. »

Le juriste a pour réflexe de se référer aux sources : la Constitution, la loi, les règlements, la jurisprudence, la coutume, la doctrine. Cependant, elles ne sont pas toutes rédigées. Ainsi, dans un établissement de santé mentale, aucun texte n’explique comment organiser les services. De même, rien ne précise si un pôle de psychiatrie est ouvert à telles conditions et fermé à telles autres. Alors, par endroit, se trouvent des patients en soins sans consentement qui sont libres d’aller et venir dans l’hôpital, tandis qu’ailleurs, des patients volontairement en soins sont enfermés dans un service. De plus, les pratiques peuvent s’inverser en quelques années dans un même établissement sans que le droit positif n’ait changé pour autant. Face à cette hétérogènéité, le droit souple offre une alternative. Issu de normes émanant d’une autorité reconnue (comme le CGLPL) et visant explicitement à influencer le comportement des acteurs, il n’a toutefois pas valeur de loi pour un tribunal. Pour les détenus, les règles Nelson Mandela (règles minimales des Nations unies pour la condition des personnes détenues) font office de droit souple. Elles concernent la détention, la rétention et la prison civile (inconnue en France).

 





Partager l'article


0 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Abonnez-vous à la Newsletter !

Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.