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Depuis 1987, les entreprises de 20 salariés et plus ont l’obligation d’employer des personnes en situation de handicap. Si elles ne remplissent pas cette obligation, elles doivent régler une contribution financière. Une mesure dissuasive insuffisante peut-être, puisque le taux d’activité des personnes en situation de handicap est encore trop faible, bien qu’en hausse ces dernières années. Alors que la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées s’est tenue fin novembre, le point sur la situation.
« L’emploi des personnes en situation de handicap progresse. Nous avons ainsi un taux de chômage qui est passé de 19 % il y a quelques années à 12 % en 2023, versus 7 % pour le tout public. Il a donc baissé, mais nous estimons qu’il est encore trop élevé. Quant au taux d’activité, il s’élève à 45 % contre 74 % pour le tout public », observe Didier Eyssartier, directeur général de l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées).
Selon la dernière édition 2024 de la Drees (1) sur le handicap en chiffres, 674 400 travailleurs handicapés sont employés en 2023 dans les 112 300 entreprises assujetties à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH). Une obligation instaurée par la loi du 10 juillet 1987 visant justement à favoriser l'emploi de ces personnes. Les entreprises de 20 salariés et plus doivent ainsi employer des salariés en situation de handicap dans une proportion de 6 % de leurs effectifs totaux.
« Les employeurs doivent être vigilants lorsque
leur entreprise passe le seuil des 20 salariés puisqu’ils devront désormais
respecter l’obligation d’avoir 6 % de travailleurs en situation de handicap et
assimilés dans leur effectif total », souligne d’ailleurs Thomas
Poirier-Rossi, avocat au Barreau de la Seine-Saint-Denis et participant à la
permanence juridique de l’association Droit Pluriel destinée aux personnes en
situation de handicap.
Les personnes concernées sont dans l’une de ces situations : reconnue travailleur handicapé (RQTH) par la CDAPH (Commission des droits pour l'autonomie des personnes handicapées), victime d'accident du travail ou maladie professionnelle entraînant une incapacité permanente d'au moins 10 % et bénéficiaire d'une rente, bénéficiaire d'une pension d'invalidité à condition que l'invalidité réduise les capacités de travail ou de gain d'au moins 2/3, bénéficiaire d'un emploi réservé, sapeur-pompier volontaire bénéficiant d'une allocation ou rente d'invalidité attribuée en raison d'un accident survenu ou maladie contractée en service, bénéficiaire de la carte mobilité inclusion (CMI) mention invalidité, bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).
Toutes les formes
d’emploi sont prises en compte, qu’il s’agisse d’un contrat à durée
indéterminée, d’un contrat à durée déterminée, d’un temps partiel ou d’une
période de mise en situation professionnelle.
Afin d’effectuer le décompte
des travailleurs handicapés employés, les entreprises renseignent ces
informations dans la déclaration sociale nominative (DSN) qui intègre, depuis
2020, la déclaration obligatoire d’emploi des travailleurs handicapés (DOETH). À
noter que les entreprises de moins de 20 salariés doivent aussi remplir la
DOETH même si elles ne sont pas soumises à l’obligation d’emploi des
travailleurs handicapés.
Si le nombre de salariés en
situation de handicap n’atteint pas les 6 % de l’effectif, l’entreprise va
devoir payer une contribution financière annuelle pour chacun des bénéficiaires
de l'obligation qui aurait dû être employé. Le paiement est effectué soit
auprès de l'Urssaf, soit auprès de la CGSS (caisse générale de sécurité
sociale) ou de la MSA (mutualité sociale agricole). La contribution est ensuite
versée à l'Agefiph. Le montant dû de la contribution peut être simulé sur le
site de l’Agefiph.
Cependant, l'employeur peut
s'acquitter de son obligation d'emploi en appliquant l’accord de branche, de
groupe ou d'entreprise prévoyant la mise en œuvre d'un programme pluriannuel en
faveur des travailleurs handicapés. Cet accord, d’une durée maximale de trois
ans, peut être renouvelé une fois à compter de 2020.
« Avec la taille des
entreprises, la proportion de celles qui emploient au moins une personne
handicapée augmente. Selon la dernière enquête de la Dares (2) sur l’obligation
d’emploi des travailleurs handicapés en 2023, 41 % des entreprises de 20 à 49
salariés n’emploient aucune personne en situation de handicap. Cette proportion
est de 16% pour les plus de 50 et de l'ordre de 5% ou moins pour celles de plus
de 100 salariés. Or, les petites entreprises et les TPE sont un vivier d’emploi
pour ces personnes », relève Didier Eyssartier. Les PME et TPE ont
en effet leur rôle à jouer.
L’exemple du restaurant Bürestubel (14 salariés en moyenne) à Pfulgriesheim, à quelques kilomètres de Strasbourg, le prouve. Pierre Meyer, chef cuisinier et patron du restaurant, a embauché en 2021 Julie, une jeune femme sourde profonde. Elle est en reconversion après avoir travaillé dans le secteur des assurances. « Nous connaissions ses parents, clients du restaurant, et nous avons décidé de nous lancer dans l’aventure », explique Pierre Meyer.
Julie lit en effet parfaitement sur les lèvres, « même à 5 mètres » selon Pierre Meyer et n’a aucune difficulté à s’exprimer oralement. Elle commence son intégration dans l’équipe dans le cadre d’une période de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP) d’un mois. « Julie a travaillé en salle et cela s’est très bien passé. Nous l’avons équipée d’un vibreur pour qu’on puisse l’appeler. Il n’y avait aucune différence avec le reste de l’équipe et tout le monde s’est mobilisé pour l’aider », commente le chef cuisinier. Elle est donc embauchée en 2022. Julie a cependant quitté son emploi un an après. « Elle a voulu apprendre la pâtisserie et est venue en cuisine. Le problème, c’est que les services dans un restaurant sont des moments intenses. Elle avait du mal à supporter les vibrations des batteurs et autres appareils électriques, cela la fatiguait beaucoup. Elle a alors décidé de quitter son emploi », résume Pierre Meyer. Seul regret : ne pas avoir bénéficié d’aides, voire d’une formation pour l’équipe afin de mieux accueillir Julie.
« L’information
est encore insuffisante malgré nos efforts. Il n’y a pas un site unique qui
recense les différentes aides. Mais nous travaillons avec les branches
professionnelles pour qu’elles diffusent l’information auprès des entreprises »,
reconnaît le directeur général de l’Agefiph. D’autant que ces diverses aides,
par exemple pour adapter le poste de travail ou compenser le fait que le
travailleur handicapé a des horaires aménagés, sont accessibles à toutes les
entreprises, y compris les TPE.
Pour autant, Pierre Meyer
estime que cette expérience a été positive. De plus, il n’a rencontré aucune
difficulté sur le plan administratif à embaucher une personne en situation de
handicap. Thomas Poirier-Rossi rappelle de son côté qu’en cas de rupture de
contrat, les salariés en situation de handicap bénéficient d’une durée de
préavis doublée par rapport aux autres salariés, dans la limite de trois mois
maximum. Par exemple, si la durée du préavis de départ est d’un mois, elle sera
portée à deux mois.
Autre point de vigilance pour les entreprises : toutes les personnes n’indiquent pas leur situation de handicap. « Notre enquête réalisée avec l’Apec révèle que 7 % des personnes en situation de handicap sont cadres et que 5 % d’entre elles ont déclaré ne pas disposer d’une reconnaissance administrative de leur handicap. Elles craignent d'être considérées comme moins compétentes ou bien que leur carrière soit freinée à cause de leur handicap, relate Didier Eyssartier. Pour que les personnes déclarent leur handicap, elles doivent bénéficier d’une écoute et d’un respect qui permettent d’instaurer la confiance. » Ce qui peut s’avérer dommageable pour le salarié et l’entreprise.
« Les salariés ont tout intérêt à déclarer leur situation de
handicap, car ils bénéficient de droits comme l’aménagement de leur poste et/ou
des horaires aménagés. Cela peut aussi permettre de lever des incompréhensions
auprès de leur employeur sur leurs capacités à exécuter leurs missions. Quant à
l’employeur, cette déclaration lui permet de remplir ses obligations et de
bénéficier aussi des aides spécifiques », explique Thomas
Poirier-Rossi.
L’avocat soulève aussi le
problème des discriminations envers les travailleurs handicapés qui peuvent se
manifester au sein du personnel alors même que l’employeur remplit son
obligation d’emploi. Un point d’attention pour l’employeur. « Le Code du
travail prohibe toutes les discriminations, y compris celles liées à l’état de
santé ou au handicap des salariés (article L 1132-1 du Code du travail).
L’employeur peut d’ailleurs voir sa responsabilité pénale engagée s’il y a une
situation de harcèlement ou de discrimination, car il a aussi une obligation de
sécurité envers ses salariés », remarque Thomas Poirier-Rossi.
Malgré certaines difficultés, la situation s’améliore. Ainsi, selon la 7ème édition du baromètre Agefiph – Ifop auprès des entreprises, du grand public, des salariés et des personnes en situation de handicap de décembre 2024, le regard porté sur l’évolution de l’emploi des personnes en situation de handicap ces cinq dernières années traduit une tendance plutôt positive : 33 % des Français estiment que la situation s’est améliorée pour les personnes handicapées, contre 28 % pour l’emploi en général.
Les personnes en situation de handicap
livrent néanmoins une appréciation plus nuancée : 19 % ressentent une
amélioration de la situation d’emploi des personnes concernées par un handicap
contre 26 % une détérioration. Il y a encore du chemin à parcourir. « Les JO
paralympiques ont été l’occasion de passer les bons messages. Nous n’aurions
pas pu faire une meilleure campagne de mise en valeur des personnes en
situation de handicap ! Mais l’effet positif risque de s’estomper avec le
temps. Les JO paralympiques ne vont pas révolutionner la situation des
personnes en situation de handicap, le regard que la société a sur elles et
leur taux d’emploi. C’est une transformation qui va être longue », conclut
Didier Eyssartier.
Magali
Clausener
Pi+
1/ Direction de la recherche,
des études, de l’évaluation et des statistiques.
2/ Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques.
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