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À quelques jours de la Convention nationale des avocats, événement incontournable pour les avocats organisé pour la 7e fois par le Conseil national des barreaux (CNB) du 18 au 21 octobre 2017 à Bordeaux-Libourne, le Journal Spécial des Sociétés a souhaité approfondir avec son président, Pascal Eydoux, les thèmes qui y seront abordés. Une manière d’évoquer en filigrane les préoccupations actuelles de la profession.
Le Conseil national des barreaux organise du 18?au 21 octobre 2017?la Convention nationale des avocats, avec pour titre « Économie, numérique & territoire ». Pourquoi avoir choisi ces thèmes en particulier et quels liens peut-on faire entre ces trois notions ?
L’idée est de savoir comment la profession d’avocat peut évoluer économiquement en développant une offre nouvelle, affranchie ou non des territoires, cette évolution étant motivée par la révolution numérique. C’est cela la dialectique entre les trois notions. Nous avons choisi ce thème, car la profession d’avocat ne peut plus se satisfaire d’une offre qui était la sienne, un peu inerte et traditionnelle. Nous devons désormais élargir notre offre en fonction d’une demande qui provient de l’ensemble des acteurs socio-économiques et qui passe, notamment, par l’évolution du numérique. Cette offre doit également répondre à l’ensemble des relations que le numérique impose à tous les acteurs, les avocats n’étant pas isolés dans ce processus. Il s’agit donc d’élargir son offre dans un territoire qui devient un territoire numérique, et qui, par conséquent, peut s’affranchir des territoires physiques.
Lors de l’atelier en plénière n° 1, les intervenants vont évoquer les attentes des consommateurs de droit, les nouveaux besoins des clients, les offres de services qu’il faut leur offrir… Dans ce nouveau marché du droit, n’y a-t-il pas un risque de voir le justiciable reléguer l’avocat à un simple prestataire de services, voire à une simple commodité ?
Le consommateur de droit, comme vous le nommez,
considère bien l’avocat comme un prestataire de services ordinaire, et
justement la réponse de la profession d’avocat est de révéler que nous ne
sommes pas ordinaires, car nous sommes guidés par deux notions fondamentales
que sont, d’une part, la compétence, et d’autre part, la déontologie. Et
celles-ci sont mises en œuvre dans le cadre des réponses que nous devons offrir
à ceux qui nous interrogent, et des offres numériques que nous devons leur
apporter. C’est là que nous pouvons leur démontrer que, précisément, nous ne
sommes pas à l’identique de l’ensemble des prestataires que l’on pourrait
qualifier de marchands. C’est la raison pour laquelle, entre autres, nous avons
développé une plateforme de consultations qui s’appelle avocat.fr
et qui répond à ces critères de compétences et de déontologie sur un marché qui
pourrait s’affranchir des garanties qui sont dues, et de la qualité des
prestations juridiques qui sont demandées par le public. L’avocat, quand il
s’intègre dans ce mouvement numérique, ne s’affranchit pas de sa compétence et
de ses obligations, il apporte au contraire à ce mouvement nouveau et à cette
demande nouvelle, une réponse qui est une réponse compétente et identifiée. On
est vraiment dans le cadre d’un marché concurrentiel et les avocats sont à même
de le dominer, précisément par la compétence qu’ils apportent et la déontologie
qu’ils garantissent.
La 2e conférence plénière évoquera les bouleversements auxquels sont confrontés les avocats dans l’exercice de leur métier (dématérialisation, modes de saisine en ligne, justice prédictive…). Pensez-vous que les avocats sont prêts à faire face à ces mutations ?
Pour certains confrères, cela n’est pas difficile, ils ont immédiatement abordé la question de manière prospective, et ils maîtrisent cette évolution. Pour d’autres confrères, c’est plus compliqué. Et ce n’est pas une question de génération mais d’exercice professionnel. En effet, l’avocat qui exerce en matière judiciaire est en lien permanent avec sa juridiction, et donc son territoire physique est beaucoup plus bousculé par cette évolution. L’avocat qui, lui, fait du conseil ne se pose pas la question de la localisation de son cabinet, ou de la localisation des acteurs, que ce soit les juridictions ou la clientèle. Néanmoins, les avocats et tous les professionnels du droit ont adopté une démarche qui tend à apprivoiser l’ensemble de ces développements numériques, notamment par des liens avec les juridictions. La dématérialisation des relations entre l’avocat et les juridictions fonctionne et se développe avec e-barreau et le RPVA. L’évolution est donc maîtrisée pour certains, et maîtrisable par tout le monde. Aujourd’hui, l’élargissement de l’économie numérique impose aux avocats beaucoup de remises en question. Mais de toute façon, ils n’ont pas le choix, le numérique est un passage obligé. L’évolution de notre société et de notre économie impose aux avocats, qui sont des acteurs économiques, d’aborder de manière positive et proactive cette évolution.
Quel est le rôle du CNB dans ce mouvement vers le numérique ? L’inquiétude de certains avocats devant l’arrivée des legaltech est-elle fondée ?
Le Conseil national des barreaux a pour mission de
mutualiser l’ensemble des moyens qui permettent à tous les avocats d’accéder à
ce nouveau marché. Le CNB offre donc aux avocats la possibilité de se
développer dans le champ du numérique, et notamment via l’ensemble des
communications que nous faisons sur la plateforme avocat.fr, mais aussi
à l’aide des legaltech qui viennent, par leur participation, enrichir la
plateforme. Les legaltech nous ont fait comprendre que la diffusion de
l’information est aujourd’hui universelle, et qu’elle ne dépend plus de
l’activité d’une profession identifiée, comme celle de l’avocat. Par
conséquent, la collaboration que nous devons avoir avec celles-ci est une
collaboration intelligente, qui identifie ces dernières comme vecteur de
l’information délivrée à tout le monde, et l’avocat comme celui qui traite
l’information. Ce dernier doit le faire de manière compétente à l’égard de sa
clientèle, et donc, délivrer une prestation de stratégie et non plus seulement
une prestation de simple information. C’est une évolution de fond de notre
exercice professionnel : l’avocat n’est plus celui qui informe en matière
juridique, il est celui qui traite l’information juridique, pour l’adapter à la
question qui lui est posée. Mais, il en est de même pour toutes les
professions. Même les médecins expliquent qu’aujourd’hui les patients vont les
voir pour qu’ils valident ou non l’information qu’ils sont allés chercher
ailleurs. Quant aux legaltech, certaines vont apporter du traitement
d’information utile et d’autres ne le feront pas.
Mais, elles aussi sont confrontées à un marché, elles domineront et
prospéreront sur celui-ci pourvu qu’elles soient compétentes.
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