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L’éditorialiste économique, Jean-Marc Vittori animait ce débat organisé par l’Institut Montaigne le 19 mai 2016 au palais Brongniart. Y étaient reçus quatre économistes confirmés pour évoquer leurs hypothèses et leurs théories sur la fiscalité du capital. Si chacun propose son modèle spécifique, tous s’accordent sur la nécessité de simplification de notre système et de retrait des niches fiscales.
Président de Coe-Rexecode, Michel Didier est co-auteur avec Jean-François Ouvrard de « L’impôt sur le capital au XXIe siècle », un livre qui évalue l’ensemble de la fiscalité du capital en France. Ce concept délicat n’existe pas dans le Code des impôts. On trouve des impôts qu’on classe dans la fiscalité du capital un peu partout dans le Code. Ils ont un point commun entre eux ; d’une façon ou d’une autre, ils impactent l’augmentation du capital. Quand on impose le revenu du capital, les cessions, les donations, on agit sur le processus d’accumulation, et in fine sur la croissance économique.
Dans l’histoire de la fiscalité du capital, le législateur s’est toujours posé la question de savoir comment le répartir entre les Français, en comparant leurs situations. Il ne s’est pratiquement jamais interrogé sur les conséquences induites pour l’économie. Les Français considèrent l’économie comme un moteur à deux temps, celui de la production puis celui de la répartition. Ils ne prennent jamais le recul nécessaire pour observer le système et, après analyse, savoir si la répartition choisie a une influence sur la production, notamment sur le niveau du produit et donc sur l’emploi par voie de conséquence.
Peut-on avec la fiscalité du capital redynamiser l’économie pour réduire le nombre de chômeurs ? C’est l’objectif. L’aspect de la fiscalité du capital ressemble à des strates sédimentaires. Les couches d’impôts nouveaux sont apparues en deux siècles, suite à la Révolution française. La sédimentation montre une augmentation permanente plus particulièrement axée sur la fiscalité des ménages. En quinze ans, le total des recettes de la fiscalité du capital est passé de 38 % en moyenne à 65 % aujourd’hui. Cette augmentation, absolument considérable en peu de temps a généré un grand écart à l’intérieur de l’Europe. La différence de poids fiscal entre la France et d’autres pays est tout à fait considérable. Par rapport à l’Allemagne, le surpoids de la fiscalité du capital à taille et économie rendue comparable, pour les entreprises (essentiellement les impôts locaux), s’élève à trente-sept milliards d’euros de plus qui se retrouvent dans les comptes d’exploitation des sociétés françaises, presque deux points de PIB. Sur les ménages, on chiffre quarante milliards d’euros de plus, encore deux points de PIB,
soit un total de soixante-dix-sept milliards d’euros. Beaucoup d’études existantes s’arrêtent à cette comparaison, mais elles ne s’intéressent qu’à une petite partie du problème. Elles oublient les modalités d’imposition qui comptent beaucoup parce que les systèmes font jouer l’incitation ou l’inhibition.
On parle souvent d’impôt sur le capital, mais en réalité, il est calculé sur le capital (ISF, impôt foncier…) et non pas pris. C’est un prélèvement, une charge courante sur les revenus. Quand le rendement du capital atteignait 4 %, une dizaine d’années en arrière, un ISF de 1 % du capital équivalait à 25 % de revenu du capital. Lorsque le rendement du capital tombe à 2 %, l’ISF représente 50 % du revenu du capital. Aujourd’hui, le revenu du capital est à 0,5 % (emprunt d’Etat), l’ISF se présente donc comme un impôt supplémentaire sur le revenu de 200 %. La France est le seul pays qui cumule deux couches d’imposition progressive sur le capital. Celle sur le revenu du capital qui, CSG inclue, s’échelonne de 0 à 60 %, et celle calculée sur le capital qui, en équivalent revenu, va de 0 à 200 %. Aucun pays en Europe ni dans le monde n’applique cette double couche d’imposition. Dans le cas général européen, on ne calcule pas d’impôt sur le capital en dehors du foncier, et d’un impôt unique et proportionnel sur les revenus du capital. Notre système d’imposition progressive au carré n’existe dans aucun autre pays d’Europe. Cette pénalité conduit à une mauvaise orientation de l’épargne. Par conséquent, nous payons cher ce système fiscal par de la croissance insuffisante et un niveau de chômage important. Notre système d’escalade des taux, notamment des taux marginaux, conduit à des situations intolérables. Corrigés perpétuellement par les gouvernements successifs au moyen de dérogations, des abattements, des plafonnements, les taux complexes nuisent et n’encouragent personne. Ils déstabilisent la fiscalité du capital. Pour remédier aux situations impossibles, de nouvelles niches sont constamment créées.
Cette situation perverse a besoin de simplification. Lorsqu’on prétend fiscaliser a maxima pour rendre les chose équitables, l’objectif n’est jamais atteint. La complexité du système actuel permet légalement, avec un très gros patrimoine, de ne pas payer d’ISF. Alors qu’une personne moins favorisée qui ne se trouve pas dans la bonne niche, sera taxée. Michel Didier propose de simplifier les taxes. On pourrait appliquer un prélèvement unique sur les revenus du capital qui remplacerait l’impôt sur le revenu du capital, la CSG sur les revenus des capitaux mobiliers, et l’ISF. Les mille premiers euros de revenu du capital seraient exonérés, et au-delà la taxe se monterait de 30 %. Pour Philippe Aghion, professeur au Collège de France, la société poursuit l’objectif d’un taux élevé de croissance et en même temps cette croissance doit englober tout le monde. Chacun souhaite profiter du processus d’évolution, sans trappe de pauvreté. Par exemple, dans les pays scandinaves, ou rhénans, les observateurs notent de la croissance par l’innovation, alors qu’un haut niveau de service public y est maintenu avec une fiscalité raisonnablement redistributive qui ne décourage pas les investisseurs. La croissance par l’innovation, indispensable dans les pays développés ne doit pas être sapée par les taxes. En Suède, la fiscalité finance des services publics de qualité, l’éducation gratuite, la santé gratuite, une politique du marché du travail active. (…)
C2M
Retrouvez la suite de cet article dans le Journal Spécial des Sociétés n° 44 du 4 juin 2016
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