Haut conseil du commissariat aux comptes - Rapport d’activité 2016


mardi 5 septembre 20177 min
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Dans sa lutte pour l’harmonisation et la transparence des normes nationales des États membres, l’Union européenne veille à mettre fin aux risques de fraudes et aux recours d’usages inadaptés lors des contrôles d’audit. Afin de prévenir toutes nouvelles inadéquations, la directive européenne 2014/56 UE a procédé à des modifications quant à l’exercice de la profession dont le Haut conseil – organe régulateur – dresse la liste dans son rapport d’activité pour l’année 2016.

 


« L’année 2016 restera une année de référence pour le Haut Conseil », déclare Jean-Pierre Zanoto, président de la formation restreinte du Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C), dans le rapport d’activité de l’entité précitée.


Une annonce notable, puisqu’il aura fallu attendre six années de concertation entre la prise des dispositions européennes et leur application dans le droit interne, pour que l’ordonnance numéro 2016-315 du 17 mars 2016 relative du commissariat aux comptes, voulue par la Commission, au sujet de l’audit voit le jour. Le but : contrecarrer la venue d’une nouvelle crise financière semblable à celle de 2008. Une refonte attendue dans une optique qualitative, à savoir : répondre au besoin d’évolution, devenue nécessaire, du système de l’audit au sein des pays européens avec l’établissement d’une procédure empreinte d’efficacité et d’objectivité, notamment en matière de contrôle et de sanction.


Entrée en vigueur dans l’Hexagone le 17 juin 2016 après sa transposition, l’acte européen vient modifier les attributions des commissaires aux comptes et les missions jusque-là dévolues au H3C. Elle fait de ce dernier le « pivot du système disciplinaire de la profession de commissaire aux comptes », comme le précise Thierry Ramonatxo, rapporteur général du Haut Conseil depuis le 1er septembre 2016. En effet, autorité nationale régulatrice dans le domaine de l’audit, c’est désormais au Conseil que revient le pouvoir de sanction. Une concentration des tâches qui lui octroie de nouvelles compétences, mais également plus de responsabilités : assurer le respect de la déontologie de la profession et agir pour maintenir la nécessaire indépendance des commissaires vis-à-vis des entités contrôlées.


Encore faut-il que ce renforcement d’attributions n’entache pas la probité à laquelle est tenu le H3C. Aussi, la réforme modifie-t-elle la composition et la formation de son collège. Ce dernier comprend dorénavant 14 membres et se constitue en fonction des affaires soumises à son examen : assemblée plénière ou restreinte, formation statuant sur les cas individuels, formation dite du « bureau », composée du président et deux membres du Collège, qui accorde certaines dérogations et peut, le cas échéant, être saisie de questions particulières. Cette dernière formation examine, entre autres, les saisines des procédures disciplinaires, mais ne peut intervenir sur le bien-fondé au nom du principe de la loi numéro 2013-907 sur la transparence de la vie publique. En outre, une commission mixte paritaire a été pensée auprès du H3C dans le cadre de sa fonction normative.


Une réforme qui instaure donc une restructuration des services du Haut conseil, chacun d’entre eux répondant aux exigences issues des nouvelles prérogatives de l’autorité administrative indépendante.


 


Un réel pouvoir de sanction


Disposant autrefois du pouvoir disciplinaire, le H3C se voit confier le pouvoir de sanction. Débutant par la notification des griefs au mis en cause après une procédure de sanction, cette attribution peut être exercée par la formation restreinte du Conseil ou par les commissions régionales de discipline.


Le Haut Conseil intervient pour les manquements au devoir de rotation des commissaires auprès des Entités d’Intérêt Public (EIP) en amont de son rapporteur général, expressément missionné pour diligenter l’enquête et donner ses conclusions. Cette rotation obligatoire – prévue tous les 10 ans (16 ans pour les cas exceptionnels) – des mandats détenus auprès des EIP suppose un délai de viduité de 4 ans pendant lequel les cabinets ne peuvent accepter aucun nouvel accord avec l’entité d’intérêt public en question. Un système qui vaut aussi pour les signataires qui ne peuvent dépasser le délai de 7 ans dans l’exercice de leurs fonctions au sein de la même EIP, et sont en outre tenus d’attendre trois années avant toute nouvelle participation avec l’EIP concernée.


Près des sanctions professionnelles, l’entrée en vigueur des dispositions européennes instaure des sanctions financières, et raccourcit parallèlement le délai de poursuite qui passe de 10 à 6 ans, sauf exceptions citées à l’article 824-4
du Code de commerce. En revanche, la procédure de contestation d’honoraires ne change que très peu avec, en autres modifications, celle de l’article
823-18 du Code de commerce qui a été réécrit, permettant une meilleure lisibilité pour les parties. En tant qu’autorité administrative, les décisions des organes de sanction sont passibles de recours devant le Conseil d’État. Un recours étendu à plus de personnes et de motifs depuis la réforme. Le but est d’assurer la régulation de l’exercice de la fonction, mais toujours de manière proportionnée.


 


L’inscription des commissaires


Afin de fidéliser les commissaires aux comptes (personnes physiques et sociétés) dans la liste et de répondre aux besoins spécifiques des clients, ce système a été simplifié et optimisé grâce à une centralisation et une uniformisation des demandes. Déléguée par convention à la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) le 12 avril 2017, l’activité comprenant les demandes d’inscription, de radiation, d’omission ou de toutes autres modifications. Elle comptabilise près de 1 639 démarches pour l’année 2016. Parmi elles, 41,5 % concernent un exercice salarié et 36,1 % une activité libérale. Les départs à la retraite sont, quant à eux, à hauteur de 54,1 %. Un tiers des demandes d’inscription concernent le CRCC de Paris. Au total, seuls 3 % des dossiers reçoivent un avis défavorable contre lequel il est possible de former un recours administratif. Par ailleurs, la liste est régulièrement mise à jour sur le site internet de l’organisme.


 


Pouvoir normatif


En l’absence de dispositions définies par la Commission européenne, c’est au H3C que revient l’élaboration normative. Une commission mixte paritaire a été prévue pour préparer les projets de normes relatives à la déontologie des commissaires aux comptes, qui seront par la suite, et après avis du CNCC, adoptés par le Haut Conseil. En outre, dans un souci d’efficacité et de cohérence de l’exercice de la profession de commissaire aux comptes, le H3C peut intervenir sur les mesures réglementaires (décrets de la Direction des affaires civiles et du Sceau) relatives à l’application des normes européennes en y apposant ses commentaires et modifications rédactionnelles.


L’intervention du Conseil dans le référentiel normatif a engendré la suppression des Bonnes Pratiques Professionnelles (BPP) au profit de nouvelles normes répondant à la réglementation européenne. Il est également garant du principe de proportionnalité, dont il doit définir les conditions d’application.


 


Rôle d’enquêteur


Antérieurement dévolu aux Parquets généraux, le pouvoir de poursuite disciplinaire revient au Haut Conseil. Les différentes étapes, distinctement définies tout au long du processus, attribuent au rapporteur général et à son service le devoir d’enquête. Aussi opère-t-il dès l’ouverture de la procédure, afin d’en rédiger un rapport final, lequel a fortiori permettra à la formation compétente de statuer sur le bien-fondé des manquements. En 2016, deux tiers des dossiers reçus par le rapporteur étaient d’ordre disciplinaire.


 


Pouvoir de contrôle


Le H3C veille à la qualité des démarches effectuées par les professionnels de l’audit, et à ce que les diligences en matière de contrôle légal des comptes soient bien respectées, tant au regard des opinions rendues que pour le respect des normes en vigueur. Aussi peut-il apporter une action correctrice. S’il ne peut opérer de contrôle via ses propres salariés que sur les commissaires expressément mandatés, il dispose néanmoins d’un pouvoir de supervision sur les commissaires non mandatés auprès de ces mêmes entités. À l’image de 2015, les contrôles de l’année 2016 ont donné lieu à un nombre élevé de défaillances (défaut de formation, risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme…) appelant les cabinets à engager les modifications enjointes à leur procédure d’audit. Malgré ce taux élevé, le Haut Conseil constate que ces requêtes ont été suivies. Sur 303 dossiers à la suite des contrôles EIP et non EIP, 46 d’entre eux ont fait l’objet de sanctions disciplinaires.


 


Les coopérations extérieures


Une harmonisation européenne et internationale.


Le H3C est donc membre du Comité des autorités européennes de supervision de l’audit (CEAOB). Créé par le règlement (UE) numéro 537/2014, il concentre en son sein les activités des deux entités qui ont préexisté à sa constitution : l’EGAOB (European Group of Auditors’ Oversight Bodies) et l’EAIG (European Audit Inspection Group). Cette base de données, collectant les résultats nationaux des cabinets d’audit, doit faciliter l’échange d’informations sur les compétences et donner les renseignements nécessaires à la Commission et organismes qui le demandent quant à l’application de la norme européenne.


Le H3C est également membre de l’IFIAR (International Forum of Independent Audit Regulators). Ce secrétariat permanent, créé en 2006, coordonne les standards internationaux, veille au suivi des bonnes pratiques en matière déontologique, et assure les échanges avec les réseaux internationaux.


 


Des dysfonctionnements subsistent


2017, une année décisive


Si les commissaires sont désormais autorisés à réaliser un certain nombre de services, la délimitation du cadre de ces services est encore mal définie. Certains problèmes perdurent comme l’absence de formation, pourtant obligatoire, pour les commissaires. Il en est de même pour la maîtrise des coûts financiers, puisque le budget jusque-là alloué, répondant aux besoins antérieurs à la réforme, se révèle insuffisant. Comme le souligne Christine Guéguen, présidente du Collège, le H3C « a désormais besoin d’avoir les moyens de concrétiser ses efforts de manière, pérenne par un financement adapté. » Sans une reconsidération du budget, l’avenir financier du Haut Conseil est voué à un équilibre précaire. Caractérisent ce décalage : son résultat d’exploitation négatif (38 905 euros) pour 2016 et le déficit significatif du budget 2017, constaté en décembre 2016.


Lydia Legretard


 


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