Immobilier, entreprise, famille : les propositions des notaires en vue de leur congrès


mardi 11 octobre 20229 min
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Une conférence de presse s’est tenue au Conseil supérieur du notariat, le mardi 20 septembre, pour présenter les propositions des Notaires de France promouvant l’ingénierie notariale afin « d’anticiper, conseiller et pacifier ».

 

 


 

La conférence de presse précédant leur 118e congrès a été l’occasion pour les Notaires de France de présenter leurs propositions. Ces dernières visent à adapter la législation aux évolutions sociétales et aux attentes des citoyens, que ce soit en matière immobilière, dans la vie de leur entreprise ou de leur famille. Ces pistes seront par la suite débattues et soumises au vote de la profession lors de la grand-messe qui aura lieu à Marseille du 12 au 14 octobre prochains.

 

 



Les Notaires de France appellent à distinguer les professionnels des particuliers

La première proposition concerne la vente d’immeubles, et notamment la définition de « professionnel de l’immobilier ». Il n’existe actuellement aucune différence dans la législation entre un professionnel et un non-professionnel de l’immobilier. De plus, cette notion peut désigner soit une personne morale au sens du Code de la consommation, soit une personne physique au sens du Code de la construction et de l’habitation. Ainsi, les Notaires de France préconisent d’établir une définition claire, qui serait utile notamment dans le cas où un vendeur-bricoleur serait transparent sur les travaux réalisés et les délivrerait par écrit, car il pourrait, en qualité de non-professionnel, s’exonérer de la garantie des vices cachés.

Le vendeur est tenu de prévenir l’acquéreur lorsqu’une activité présentant un risque pour l’environnement a eu lieu sur le terrain vendu, mais surtout de l’informer des dangers ou des inconvénients que cela entraîne, d’après le Code de l’environnement. Pourtant, quelle que soit la bonne foi du vendeur, le texte ne distingue pas de différence entre le vendeur dont l’activité a été à l’origine d’une pollution, et celui qui ne connaît pas le passé industriel du bien ou les dangers dus à l’exploitation. Ce dernier est soumis aux mêmes sanctions qui peuvent être très lourdes. Les notaires proposent donc de tenir compte de la qualité du vendeur, qu’il soit sachant ou non, ancien exploitant, simple particulier…

Les Notaires de France recommandent en outre de prendre en compte la qualité de l’acquéreur en VEFA (vente en l’état du futur achèvement), car ils ont pour vocation de protéger le non sachant qui souhaite acheter en amont, bien que « la vente sur plan emporte son lot d’aléas et de risques […], faillite du promoteur, risque de retard dans la livraison, risque de malfaçon, mais aussi risques de sinistres ».

Les notaires s’inquiètent de voir se développer des types de logements particuliers dans les résidences, avec souvent un bail commercial. Les tribunaux ont une acception très large de la définition, c’est pour cela que beaucoup sont des investisseurs et non pas des acquéreurs. Ils proposent ainsi que le texte tienne compte du statut de l’acquéreur ou du mode d’occupation du logement en question, et ainsi réserver la protection prévue dans le cadre des ventes sur plans au seul non-professionnel de l’investissement immobilier.

 


 

L’achat d’un immeuble doit se distinguer de l’achat d’un meuble

En France, les contrats sont consensuels par principe, ce qui consiste à appliquer la parole donnée quand les deux parties sont tombés d’accord. Les notaires constatent une situation de décalage avec les textes existants et les pratiques. En effet, les textes imposent une formalisation des contrats de vente. Le consensualisme en termes d’immeuble pose problème, car les clients n’en ont pas toujours conscience. Régulièrement, ils ignorent que les écrits qu’ils peuvent échanger entraînent un contrat de vente, ce qui est source de contentieux.

Cependant, les notaires estiment qu’on ne peut considérer la vente d’un immeuble comme comparable à la vente d’un bien mobilier ; la vente devant être formalisée par écrit pour la bonne compréhension des parties. Il faut un acte écrit et être certain que les parties ont compris leurs engagements, et c’est là le rôle du notaire. L’objectif est d’écarter le consensualisme en matière d’immeuble. La vente ne peut être formée que lorsqu’un acte est reçu devant le notaire. La profession propose donc de repousser la formation du contrat de vente portant sur un immeuble à la signature d’un acte authentique.

 



 

Entreprise : vers une nouvelle forme sociale ?

Après avoir suivi le parcours de chef d’entreprise de la création à la transmission, les notaires ont fait le constat qu’en France, il existe deux formes sociales de société particulièrement populaires : la SAS et la SARL, dans 97 % des cas. Les notaires se sont cependant rendu compte que le choix entre les deux structures, souvent fait par défaut, n’est pas si simple. Depuis bientôt 25 ans, aucune nouvelle forme sociale n’a été créée, alors que les attentes des entrepreneurs et des entreprises ont changé. Ainsi, les Notaires de France proposent de créer une nouvelle forme sociale : la société libre. Le client pourrait choisir à la carte ce qui lui convient, avec un cadre préexistant mais adaptable, qui permettra de choisir tous les paramètres. Cet outil serait à la disposition des TPE, PME et ETI, mais aussi des grands groupes.

Autre sujet sur le tapis : les entreprises ayant un impact sur leur environnement, elles doivent donc prendre en compte l’environnement sociétal et environnemental. Pour cela, les Notaires de France proposent de créer un certificat de conformité juridique et éthique. Selon eux, une entreprise doit être en capacité de prouver qu’elle a mis en place un process avec des objectifs à respecter, au même titre qu’une norme particulière ; elle sera sûrement amenée à démontrer sa réalisation.

Le fonds de pérennité créé en 2019 « permet au chef d’entreprise d’apporter tout ou partie des titres de sa société dans un but caritatif. Mais ce fonds ne rencontre pas son public », regrettent les Notaires de France. Le congrès va donc proposer une réforme du fonds de pérennité afin de permettre, autant pour les personnes physiques que morales, que le transfert de titre vers ce fonds ne soit plus considéré comme un acte anormal de gestion, et que sa fiscalité soit plus lisible et plus cohérente.

 


 


La création d’une consultation prénuptiale

Le notaire, de par sa fonction, a une place privilégiée au sein des familles, car il intervient pour personnaliser au mieux les contrats qui vont rythmer la vie de ces dernières, souligne la profession. Trois propositions concernent l’union maritale. Les notaires préconisent la création d’un nouveau régime d’information pour les époux avec la mise en place d’un certificat prénuptial. En effet, ils constatent que la majorité des époux ignorent tout du régime matrimonial. 61 % des personnes interrogées commettent ainsi des erreurs sur les questions posées sur ce régime. Problème : c’est généralement au moment du divorce ou du décès que les notaires le remarquent. Pour remédier à ces lacunes, ils proposent ainsi de mettre en place une consultation prénuptiale délivrée sans rémunération par un notaire.

Les notaires évoquent par ailleurs « une évolution jurisprudentielle récente sur la contribution aux dépenses de la vie courante qui pourrait avoir des conséquences importantes pour l’époux trop généreux ». En effet, celui-ci contribue plus que ce qui a été convenu entre les époux, il ne peut pas obtenir le remboursement de son surfinancement. Pour éviter le problème, les notaires proposent une contractualisation des charges du mariage, c’est-à-dire encadrer dans le contrat de mariage le périmètre de la contribution aux charges et choisir ce qui relève des charges du mariage ou non.

Une autre proposition concerne enfin la prestation compensatoire, qui est l’une des plus grandes difficultés dans le règlement de certains divorces qui s’éternisent. Les notaires sont pour son maintien, mais il arrive que la désunion rencontre deux contentieux : le divorce en lui-même et un deuxième si le juge n’a pas indiqué le montant de la prestation. Pour éviter cela, ils proposent que, faute d’accord sur le montant, le juge ne pourra se prononcer qu’une fois qu’est jointe la liquidation du régime matrimonial. Pour sécuriser la prestation, les personnes concernées doivent avoir réfléchi à cette liquidation avant de présenter au juge la requête.

 

 



Assouplir la fiducie pour qu’elle trouve son public

En moyenne, les Français héritent au-delà de 50 ans, car l’espérance de vie augmente, et donc les personnes décèdent de plus en plus tard. Les notaires déplorent qu’en conséquence, cette économie reste bloquée sur une génération : « Ceux qui sont en fin de carrière n’ont plus les mêmes besoins et épargnent de plus en plus, tandis que les jeunes générations souffrent d’un manque de pouvoir d’achat. » De leur vivant, les parents peuvent anticiper, mais ceux qui n’ont pas pu ou n’ont pas osé le faire obligent aujourd’hui les héritiers à accepter en totalité ou à refuser la succession au moment du décès des parents. Pourtant, 82 % des Français ne souhaitent pas hériter directement, préférant que cela soit réalisé au profit de leurs enfants. Les notaires proposent de permettre à un héritier d’initier un saut de génération, pour une partie de l’héritage dont il est saisi, au profit de ses descendants s’il en a, ou de ses cohéritiers.

La fiducie, contrat rendu possible par la loi de 2007, est une opération aux termes de laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires. Cependant, cet outil ne rencontre pas beaucoup de succès, notamment en raison du cadre très restreint dans lequel il peut actuellement être mis en place. 59 actes de fiducie ont été enregistrés sur la seule année 2019, et 208 depuis 2017. Pourtant, les Notaires de France estiment que la fiducie pourrait être un outil essentiel dans de nombreux domaines de l’économie. Ils proposent ainsi d’assouplir les modalités de création, de taxation et d’extinction du contrat de fiducie, mais aussi d’élargir le statut de fiduciaire à de nouveaux acteurs.

L’ensemble des propositions seront soumises au vote lors du 118e Congrès des Notaires. La suite au prochain épisode !

 

Tina Millet



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