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La commission des affaires
européennes du Sénat a adopté à l’unanimité, le 30 mars dernier, une
proposition de résolution européenne dans le but d’appuyer l’instauration d’une
réglementation dans le domaine de l’intelligence
artificielle. Elle plaide notamment à ce titre pour une interdiction
générale de certaines applications « particulièrement contraires aux
valeurs européennes » comme les systèmes de reconnaissance
émotionnelle, de catégorisation des personnes dans l’espace public ou encore de
notation sociale.
Le
rapport d’information portant sur des propositions pour légiférer sur les systèmes d’intelligence
artificielle (IA) à l’échelle européenne a été adopté à l’unanimité le 30 mars dernier
par la commission des affaires européennes du Sénat,
donnant lieu au dépôt d’une proposition de résolution européenne, avec l’objectif
d’harmoniser les règles concernant les systèmes d’IA dans l’Union européenne.
Une démarche qui intervient à
point nommé, alors que l’application de conversation ChatGPT a été interdite en
Italie le 31 mars (l’Allemagne envisage d’ailleurs de faire de même,
comme l’a indiqué le délégué fédéral Ulrich Kelber au journal Handelsblatt)
et que la CNIL a reçu, en début de semaine, deux plaintes contre cet outil mettant
en cause l’utilisation des données personnelles ; ce qui s’ajoute à la lettre
ouverte réunissant plus d’un millier de personnalités de la tech qui ont appelé,
dans un moratoire datant du 29 mars, à mettre en pause pendant au moins six
mois les systèmes d’IA les plus puissants, afin d’éviter toute dérive.
Le Sénat favorable à une
réglementation horizontale harmonisée
La commission, qui regrette l’absence
de définition universelle de l’intelligence artificielle, considère que son
déploiement devrait être encadré par des règles « claires, précises et
compréhensibles par tous ». À ce titre, elle indique soutenir la
volonté de la Commission européenne de mettre en place une réglementation
horizontale harmonisée de l’IA.
De plus, elle recommande de
respecter le Règlement général sur la protection des données (RGPD) car, comme elle
le rappelle, « la conformité d’un système d’IA au règlement sur
l’IA n’implique pas automatiquement sa conformité au RGPD et
réciproquement ». Par conséquent, la chambre haute suggère d’édicter
une loi s'articulant entre le règlement de l’IA et le RGPD.
Attention aux droits
fondamentaux
Dans sa proposition de
résolution, la commission des affaires européennes du Sénat souligne que, « mal
utilisée, l’intelligence artificielle est susceptible de causer de graves
atteintes aux droits fondamentaux. » Elle invite
particulièrement à prendre en compte les risques concernant la santé, la
sécurité, les droits fondamentaux et le respect des données personnelles et de
la vie privée et suggère entre autres un renforcement des garanties entourant
l’utilisation des systèmes d’IA en soumettant les fournisseurs de services à
usage générique à des obligations spécifiques.
La commission plaide notamment
pour une interdiction générale de certaines applications « particulièrement
contraires aux valeurs européennes », comme par exemple les systèmes
de reconnaissance émotionnelle, de catégorisation des personnes dans l’espace
public ou encore de notation sociale, comme cela est expérimenté en Chine
depuis 2014.
Les sénateurs attirent aussi
l’attention sur les risques liés à la surveillance de masse découlant de la
collecte et du traitement d’un nombre considérable de données personnelles par
des algorithmes utilisés par de grandes compagnies privées.
Une liste de pratiques
« à haut risque » régulièrement mise à jour
La commission recommande
également une vigilance particulière concernant « les applications
susceptibles de causer des préjudices environnementaux ainsi que les
algorithmes de recommandations de contenus visant à maximiser le temps passé
par les utilisateurs sur les réseaux sociaux, en promouvant les contenus de
désinformation et les contenus clivants ». Ainsi, elle préconise
d’entreprendre une réflexion afin de mettre en place un mécanisme d’alerte pour
signaler aux régulateurs, aux
fournisseurs ou aux utilisateurs les usages abusifs ou les performances
défaillantes des systèmes d’IA.
De plus, la commission du Sénat
soutient la constitution d’une liste de pratiques « à haut risque », qui
doit entre autres être régulièrement complétée et mise à jour, en fonction de
l’évolution des technologies et de leur usage. La proposition de résolution
recommande que « les modifications apportées à la liste puissent être
au préalable soumises à un examen attentif de scientifiques et de praticiens de
l’IA, en se fondant sur des éléments objectifs et documentés, par exemple dans
le cadre du futur Comité européen de l’intelligence artificielle ».
L’Union européenne doit faire
face à la concurrence
Pour autant, pas question de
brider totalement le développement de l’IA. Au contraire, la chambre haute
recommande de mobiliser les investissements nécessaires, financiers et humains, afin de permettre le développement d’une offre européenne souveraine en matière
d’intelligence artificielle. Elle estime en effet que l’Union européenne, qui
« souffre d’un déficit d’investissement regrettable en matière
d’intelligence artificielle, alors que cette technologie représente des
gisements de croissance considérables », doit se donner les moyens de
faire face à la concurrence mondiale dans ce secteur.
Tina Millet
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