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Journal Spécial des Sociétés n° 18 - Rentrée de la promotion 2017


lundi 6 mars 20176 min
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06/03/2017 12:07:27 1 1 849 10 0 2425 842 868 Entretien avec Olivier Leurent - Directeur de l’ENM

« Son parcours professionnel particulièrement riche, son expérience de l’activité juridictionnelle, ses compétences de très haut niveau, acquises après 26 années d’activité professionnelle, lui donnent toute légitimité pour exercer cette importante responsabilité », affirmait le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas à l’annonce de la nomination d’Olivier Leurent en tant que directeur de l’École nationale de la magistrature. Nommé le 13 juillet 2016 par le ministre de la Justice, il vivait ainsi le 30 janvier dernier sa première rentrée à la tête de l’ENM, succédant alors à Xavier Ronsin. Il revient pour nous sur sa nomination, sa propre rentrée en tant qu’auditeur de justice en 1987 et nous livre les orientations qu’il souhaite apporter à l’école.


 

Le 30 janvier dernier avait lieu la rentrée de l’ENM qui accueillait 343 auditeurs (contre 366 l’année dernière). Votre première rentrée en tant que directeur. Comment avez-vous vécu cette journée? Ce chiffre vous paraît-il suffisant ?


Les auditeurs de justice présents manifestaient à l’évidence leur bonheur d’être enfin à l’École nationale de la magistrature après un long parcours d’études universitaires ou une expérience professionnelle déjà confirmée, et ce difficile concours, tout en étant particulièrement concentrés et attentifs aux messages que j’avais à leur transmettre.

Cette qualité d’écoute est de très bon augure car cela fait, à mon sens, partie des qualités requises pour devenir magistrat.

Concernant la taille de la promotion, 343 auditeurs, cela peut paraître insuffisant au regard de la pénurie des effectifs dans les juridictions.

C’est en réalité un effort considérable entrepris par l’État pour compenser les départs massifs à la retraite.

Toutefois, les effets très positifs de cette nouvelle politique de recrutement ne se feront sentir qu’au bout de 31 mois, durée nécessaire pour former ces futurs magistrats.


 

Vous êtes vous-même issu de la promotion 1987 de l’ENM. Vous souvenez-vous de votre rentrée ? Pourquoi avoir choisi ce cursus ? Quelle image aviez-vous de la profession ?


Je me souviens très bien de ma rentrée à l’ENM car c’était pour moi l’aboutissement de nombreuses années de travail et d’effort.

Je voulais devenir magistrat depuis longtemps, par vocation, sans doute pour apporter ma contribution à rendre le monde plus juste.

Je trouvais que la mission du magistrat, gardien des libertés individuelles, était une mission passionnante, au service de l’intérêt général et de la République.


 

Pouvez-vous nous parler des classes préparatoires « égalité des chances » qui préparent au concours de l’ENM, existant à Douai, Paris et Bordeaux ?


Ils sont actuellement 54 élèves (18 par classes).

étudiants boursiers et/ou issus de zones urbaines sensibles (ZUS), tous titulaires d’un master master 2, ils sont recrutés en raison de leur motivation à devenir magistrat.

Ils bénéficient d’une bourse allouée par l’ENM et d’une préparation adaptée à leurs besoins (galops d’essais, culture générale, méthodologie).

La proportion de réussite au concours, environ 15 % (28 % si l’on compte ceux qui le passent plusieurs fois) démontre l’efficacité de ces classes préparatoires « Égalités des chances ».

Il faudrait développer ce dispositif afin d’assurer une plus grande diversité sociale au sein de la magistrature mais l’École ne dispose pas des moyens financiers suffisants pour envisager d’ouvrir une 4e classe préparatoire.






Un nouveau séquençage de la formation initiale a été adopté par le conseil d’administration de l’École le 24 octobre dernier pour la promotion 2017. Il supprime la durée impérative de six mois du stage avocat au profit d’une alternance de périodes de formation théorique et pratique. Pourquoi avoir voulu ce changement ?


Si la durée du stage en cabinet d’avocat a été revue à la baisse, c’est bien au regard de l’ensemble du dispositif de formation comprenant 70 % de période de stages.

En effet, à l’instar des autres séquences de formation initiale, le stage avocat a fait l’objet d’une évaluation par le corps enseignant et les auditeurs de justice pendant plusieurs années. Il en est ressorti que la durée de six mois, fixée par la loi de 2007, était trop longue.

Par ailleurs, il était incohérent qu’un futur magistrat passe autant de temps dans un cabinet d’avocat et seulement quatre semaines auprès d’un juge des enfants, d’un juge d’application des peines ou d’un juge d’instruction.

En fixant la durée de ce stage à trois mois, il demeure le plus long stage « extérieur » de toute la scolarité et c’est une durée suffisante pour appréhender les spécificités du métier d’avocat et pour observer le fonctionnement de l’institution judiciaire depuis la place du défenseur. Ce d’autant plus, que ce stage fait l’objet d’une préparation dédiée à l’ENM avec des coordonnateurs de formation et des avocats et qu’ils en tirent également un bilan à l’issue. Cette mise en perspective de la complémentarité de nos métiers est complétée par des conférences sur nos déontologies respectives, sur nos statuts et nos pratiques professionnelles.

J’ajoute que depuis plusieurs années, la plupart des directions d’études (groupes de travail composés d’une vingtaine d’auditeurs) accueillent également des élèves-avocats pendant toute la scolarité bordelaise, soit environ sept mois, pour poursuivre ces échanges et ces regards croisés dans l’apprentissage de nos fonctions.

Enfin, mon discours d’accueil rappelle aux auditeurs que les avocats ne sont pas les adversaires du magistrat mais des partenaires et que la qualité de la justice dépend aussi de la qualité de la relation qu’ils sauront nouer avec eux.

 


Vous êtes le directeur de l’école depuis le 13 juillet 2016. Le garde de Sceaux a souhaité une procédure plus transparente en mettant en place un appel à candidatures et une commission consultative qui examine les candidatures. Que pensez-vous de cette nouvelle procédure ?


Qui peut reprocher à un ministre de vouloir instaurer plus de transparence dans une nomination et de recueillir l’avis préalable de hautes personnalités ?



 


Vous avez reçu lors de la rentrée solennelle du barreau de Paris le 25 novembre dernier le prix Pierre Drai qui récompense chaque année une personnalité du monde judiciaire reconnue pour son engagement en faveur du rapprochement et des relations partenariales entre magistrats et avocats. Comment avez-vous accueilli cette récompense ?


J’ai été extrêmement sensible à ce signe fort donné par le barreau de Paris à mon égard et au-delà de ma personne à la magistrature.

D’abord parce que j’ai une grande admiration pour ce haut magistrat qui a si bien incarné la justice toute sa vie durant, en veillant toujours au rapprochement de nos professions.

Ensuite parce je suis profondément convaincu que la première victime d’une dégradation de nos relations est le justiciable et donc la justice.

Nous sommes, si j’ose dire, « condamnés » à concourir ensemble à l’œuvre de justice.

Enfin et peut-être surtout, parce que le débat contradictoire dans le respect mutuel de nos fonctions est, à mon sens, le seul chemin pour se rapprocher de cet idéal commun de justice qui nous anime tous.



Quel regard portez-vous sur la profession de magistrat ?


C’est un métier exceptionnel, d’une richesse inouïe, à l’écoute de la société, au service de nos concitoyens, de l’intérêt général et de la République.

L’exercer, c’est à la fois un honneur mais également une charge lourde de responsabilité.

Notre légitimité repose sur notre compétence qui doit être sans cesse enrichie. (...)

 


Propos recueillis par Constance Périn


Retrouvez la suite de cet entretien dans le Journal Spécial des Sociétés n° 18 du 4 mars 2017

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