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En 2019, la
société The Walt Disney Company se lançait aux États-Unis dans le service de
vidéo à la demande avec abonnement, rivalisant avec Netflix, leader sur le
marché. Lors de l’arrivée de Disney Europe en avril 2020, la plateforme s’est
trouvée confrontée à la chronologie des médias.
Disney+, service de vidéo à la demande
Disney +, plateforme de vidéo à la demande avec abonnement (SVOD), a
fait une entrée assez fracassante sur un marché en pleine expansion. Avec un
positionnement tarifaire attractif – à l’époque, deux euros de moins par mois
que Netflix – elle se place aujourd’hui dans le top 3 aux côtés de ce dernier
et d’Amazon Prime Video.
Disponible dans 53 pays, le catalogue rassemble plus de 500 films,
15 000 épisodes et 80 Disney+ Originals dans lesquels les utilisateurs
retrouvent les univers Disney, Pixar, Marvel ou encore Star Wars. Récemment,
l’extension du catalogue a entraîné une augmentation de prix de deux euros par
mois pour les plus de 116 millions d’abonnés, à l’instar de ses concurrents.
En quoi la
chronologie des médias est-elle concernée ?
Rappelons que la chronologie des médias est une règle issue d’une
recommandation communautaire de l’Union européenne de 1987 qui définit l’ordre
et les délais de l’exploitation d’une œuvre cinématographique par les
différents acteurs du secteur de l’audiovisuel. La directive du 30 juin 1997
prévoit que cette chronologie est fixée d’un commun accord entre le Centre
National du Cinéma et de l’image animée (CNC), les ayants droit et les
diffuseurs.
Cette règle tend à sauvegarder l’industrie du cinéma grâce à une période
d’exclusivité pour diffuser le film, puis un échelonnement des différentes
exploitations. Les plateformes de SVOD telles que Disney + n’arrivent qu’à la
fin de cette chronologie et doivent attendre un délai de 36 mois après la
sortie du film en salle de cinéma.
En cela, la chronologie des médias impacte de manière différente les
plateformes dites de télévision payante de cinéma (notamment Canal+ et OCS) qui
ont signé un accord avec les organisations de cinéma. En effet, ces plateformes
de télévision payante de cinéma ont un délai de huit mois pour la première
exploitation, voire même de six mois pour les films sortis en salles ayant
réalisé moins de 100 000 entrées après quatre semaines d’exploitation.
Ainsi, en comparaison, les plateformes de SVOD jugent l’attente de 36
mois excessivement longue, et ce d’autant plus que de telles contraintes sont
propres à l’Union européenne et n’existent pas aux États-Unis, où un simple contrat entre les différents acteurs est signé
pour la diffusion de l’œuvre.
Les plateformes de streaming, les chaînes de télévision et les
distributeurs de cinéma ont tenté de se mettre d’accord sur un mécanisme
permettant d’attribuer des fenêtres d’exclusivité des films à ces derniers, à
la condition que tous contribuent à son financement.
Cette contribution pourrait intervenir dans le cadre de la nouvelle
obligation de financement de l’industrie du cinéma français introduite par le
décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande publié le 22
juin 2021.
En effet, ce décret prévoit que les services de médias audiovisuels à la
demande doivent participer au financement de l’industrie du cinéma français,
même s’ils ne sont pas établis en France (ce qui inclut Netflix et Disney +).
C’est dans cet objectif qu’a été signé le 9 décembre 2021 un accord entre le
Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et les principaux services de médias
audiovisuels qui devront désormais investir 20 % de leur chiffre d’affaires
réalisé en France dans des séries, films et programmes français. Il s’agit de reverser 80 % de cette somme à
la participation audiovisuelle et les 20 % restant au cinéma. Le montant
total de ces nouvelles contributions devrait s’élever entre 250 et 300 millions
d’euros chaque année.
En contrepartie du financement de l’industrie du cinéma français, les
services de médias audiovisuels à la demande souhaiteraient bénéficier d’un
délai réduit dans le cadre de la chronologie des médias pour pouvoir diffuser
un film sorti au cinéma dans un délai inférieur à 36 mois.
Il s’agirait dès lors d’obtenir un délai réduit à 12 mois suivant
l’exploitation en salle, alors que Canal+ vient d’obtenir l’autorisation d’une
diffusion des films 6 mois après leur sortie au cinéma. Un nouvel accord sur la
chronologie des médias devrait aboutir d’ici février 2022.
Disney menace-t-il de délaisser les salles de cinéma françaises ?
Alors que le
nouveau Disney, Encanto, la fantastique famille Madrigal, est sorti en
salle le 24 novembre, la question se pose de savoir si
cela pourrait être le dernier film Disney à sortir sur grand écran.
En effet,
Disney menaçait en septembre dernier de se passer des salles de cinéma françaises.
Est-ce réaliste ?
Dans le
contexte de la crise sanitaire et de la fermeture des salles françaises, de
plus en plus de programmes originaux sont devenus disponibles sur les
plateformes de service de vidéo à la demande simultanément à leur sortie au
cinéma, au gré de la réouverture des salles (c’est notamment le cas pour les
films Mulan ou Luca).
Si Disney décidait à l’avenir de se passer de la sortie en salles
françaises, les conséquences seraient lourdes pour ces dernières qui se
retrouveraient privées des productions du géant américain, mais aussi pour la
société Disney qui devrait se passer d’une source importante de revenus.
Cependant, le récent accord sur la participation au financement du
cinéma français représente un premier pas réalisé, et il reste à espérer que la
négociation débouche sur un compromis acceptable pour toutes les parties.
Isabelle Wekstein-Steg,
Associée au cabinet WAN
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